Mirages
L'été est également la saison des mirages. Il s'agit d'images qui semblent projetées dans le ciel et peuvent apparaître démultipliées, voire renversées. Les plus spectaculaires d'entre elles ont été baptisées Fata Morgana. On croit découvrir une terre inconnue, une cité mystérieuse, un navire fantôme ou une chaîne de montagnes non répertoriée.
En fait, la vision est bernée par le contact entre une masse d'air chaud et une étendue d'eau froide. En découle un phénomène de distorsion de la lumière qui est encore intensifié par la présence de nombreux cristaux de glace en suspension dans l'atmosphère.
Certains mirages ont marqué l'Histoire des régions polaires. Le pays de Crocker entrevu à plusieurs reprises par Robert Peary ou les chaînes de montagne qui empêchèrent John Ross de sortir du canal de Lancaster se révélèrent, par exemples, entièrement imaginaires a posteriori.
Nuit boréale
Mais revoilà déjà le gris de la fort brève automne. Il annonce le retour imminent du très long hiver. Bientôt, l'obscurité couvre de son noir manteau un paysage qui n'est plus éclairé que par la lune et les étoiles. C'est la nuit boréale.
Cette période est d'autant plus difficile à supporter que la fragilité des premières glaces fait du nomade un sédentaire forcé. La dépression n'est jamais loin. Les plus fragiles n'en ressortiront pas indemnes. Certains seront même victimes d'une forme aiguë d'hystérie polaire bien connue des indigènes. Les Esquimaux du Groenland les qualifieront "d'amok".
"White out" et jour blanc
Au plus fort de l'hiver, on se retrouve vite aveuglé par une luminosité trop intense, voire anesthésié par une atmosphère d'ouate.
Plus grave : la lumière réfléchie par un sol uniformément couvert de neige et l'éclairage diffus filtré par la couche nuageuse peuvent donner naissance au "white out", ou ophtalmie des neiges, qui fait perdre la perception du relief, interdisant de cheminer sur un terrain même légèrement accidenté.
On n'est pas loin, alors, du phénomène du "jour blanc". La neige et le brouillard effaçant ombres et repères, les lignes de fuite horizontales et verticales n'existent plus. Il s'ensuit une perte de l'équilibre qui rend toute progression hasardeuse, si pas dangereuse.
Aurore boréale
C'est encore en hiver que l'on peut assister à l'aurore boréale. L'événement, certes, se produit également en été, mais l'omniprésence de la lumière du jour en empêche alors l'observation. De nuit, en revanche, quel spectacle ! Un rideau aux lignes ondoyantes et aux coloris délicats illumine la vaste étendue blanchâtre d'une lumière diaphane, mystérieuse et irréelle. Une grande partie du ciel est monopolisée par des bandes, couronnes, arcs et autres formes diffuses qui se développent sur toute l'étendue de la ligne d'horizon. Quand la voûte céleste s'anime de telles draperies luminescentes, la nuit se fait magique. Instants incomparables. Féerie inoubliable. Enchantement indescriptible...
Indescriptible mais pas inexplicable. Car la science n'ignore rien des grands principes du fonctionnement des aurores polaires.
Pour comprendre l'origine de ce processus, c'est vers le soleil qu'il convient de se tourner. Celui-ci émet en permanence dans l'univers un mélange gazeux essentiellement constitué de particules électriquement chargées. Il s'agit d'un flux continu de protons et d'électrons voyageant dans l'espace à des vitesses qui, à certaines périodes de l'année, peuvent largement dépasser les 500 kilomètres/seconde.
Survient un moment où notre bonne vieille terre est submergée, enveloppée et dépassée par ce "vent solaire" qui, finalement freiné et réaspiré par la planète bleue, en arrive à donner naissance à des remous et des courants contraires. Quand elles rencontrent le champ magnétique qui entoure notre bonne vieille terre, les composantes du flot en question sont en fait accélérées, rassemblées en nappes et projetées par dessus les pôles Nord et Sud vers la haute atmosphère (entre 85 et 500 km). Là, elles entrent en contact avec un bouillon de particules gazeuses qui, contrairement au "quasi-vide" de la magnétosphère, est constitué d'atomes (d'hydrogène surtout, mais aussi d'oxygène) et de molécules (d'azote essentiellement). Conséquence : une réaction se crée.
Prenons l'exemple d'un atome d'oxygène. Quand une "poussière" solaire vient le percuter, sa manière d'être habituelle, caractérisée par une grande stabilité, se mue en un état beaucoup plus actif. Immédiatement repartie pour un voyage fou à travers le cosmos, la particule élémentaire laisse en effet un supplément d'énergie à l'atome. On dit alors de ce dernier qu'il est "excité". Mais cette exaltation n'est que provisoire. Bien vite, notre héros retrouve la quiétude naturelle de son état fondamental : il se débarrasse de son énergie en émettant un grain de lumière appelé "photon" qui s'empresse, à 300.000 km/s, de venir titiller notre rétine. |
Chaque type d'atome ou de molécule émet un photon d'une énergie et d'une couleur déterminée. Par exemples, l'oxygène atomique émet une longueur d'onde de 578 nanomètres que notre oeil traduit par du vert alors que la molécule d'azote se pare d'un rose délicat.
C'est donc le frottement continu des particules élémentaires venues du soleil avec les éléments contenus dans l'atmosphère qui déclenche la réaction lumineuse. Lorsqu'une multitude d'atomes et de molécules relâchent l'énergie qu'ils ont accumulée pendant un laps de temps très court, une myriade d'éclats de couleur irradient le ciel. S'en suit un rayonnement qui contribue à la lumière inégalable d'une aurore polaire. Invisible jusque là, le vent solaire se fait feu d'artifice flamboyant.
Le spectacle est impressionnant. Il ne constitue pourtant que la face cachée de l'iceberg. Car seuls 3 à 4% de l'énergie globale se manifestent sous forme de lumière visible. Le reste est formé de radiations imperceptibles dont le spectre va de l'ultraviolet à l'infrarouge. De quoi conférer à une aurore boréale de taille moyenne une capacité énergétique qui dépasse la production électrique mondiale : un billion de volts pour un courant d'un million d'ampères !
Signé : Mère Nature.