Pour bien comprendre le climat arctique, il convient de le situer dans un contexte plus global. Référons-nous, pour ce faire, au climatologue André Berger, professeur ordinaire à l'Université Catholique de Louvain, ancien président de l'Institut d'Astronomie et de Géophysique Georges Lemaître et auteur d'un ouvrage de référence intitulé Le climat de la Terre : un passé pour quel avenir ?
"Le système climatique est en fait un énorme réservoir dans lequel de la matière, de l'énergie et de la quantité de mouvement sont emmagasinées, continuellement transformées et redistribuées. L'énergie indispensable à la formation et à l'évolution des mouvements atmosphériques et océaniques, ainsi que l'entretien de tous les processus qui l'accompagnent provient, en dernière analyse, du Soleil. C'est pourquoi il est indispensable de suivre le cheminement du rayonnement solaire à travers le système climatique.
La fraction de l'énergie solaire qui est absorbée par le système climatique (à peu près 70%) est transformée en chaleur; le système émettra donc à son tour un rayonnement thermique équivalent (situation à l'équilibre), dont l'intensité dépend surtout de la température des corps émetteurs. En fait, le rayonnement infrarouge émis par la surface de la Terre est réabsorbé par les composantes de l'atmosphère (principalement la vapeur d'eau et le dioxyde de carbone), ce qui définit ainsi, via l'effet de serre, la température moyenne globale de l'air à la surface de la Terre. (...)
Pour bien comprendre le climat de la Terre, il faut d'abord analyser son bilan énergétique moyen. La majeure partie du rayonnement solaire entrant dans le système Terrestre (342 watts par m2) est de courte longueur d'onde, le maximum étant situé dans le visible. En moyenne sur toute la Terre et sur un an, 30% de ce rayonnement est réfléchi vers l'espace tandis que les 70% restants (237 Wm-2) sont absorbés par l'ozone dans la stratosphère, par la vapeur d'eau, les nuages et les aérosols dans la troposphère (68 Wm-2) et par la surface (169 Wm-2). Pour maintenir une balance énergétique, un rayonnement infrarouge doit donc être réémis vers l'espace en quantité équivalente au rayonnement solaire absorbé.
La surface émet 390 Wm-2 dont 20 vont traverser directement l'atmosphère dans la "fenêtre atmosphérique", le reste étant absorbé par la troposphère. L'atmosphère à son tour, ayant absorbé (68+370 Wm-2), va en réémettre 217 watts par m2 vers l'espace et 327 vers la surface. Un bilan radiatif rapide ontre que l'excès d'énergie de la surface (106 Wm-2) doit être compensé par les processus non-radiatifs que sont l'évaporation (90 Wm-2) et la conduction 16 Wm-2), l'équilibre étant rétabli grâce à ce couplage convectif entre la surface et l'atmosphère.
"(Extrait de "Le climat de la Terre : un passé pour quel avenir ?", André Berger, De Boeck Université, Bruxelles, 1992, p. 208 à 211)
Pôles : déficit radiatif compensé
Cette situation d'équilibre ne prévaut cependant pas partout sur la Terre. Dans les régions polaires, le bilan radiatif au sommet de l'atmosphère est déficitaire. Ce phénomène est lié à une déperdition énergétique qui s'explique de deux manières.
D'abord, le rayonnement solaire perd un maximum d'énergie pour atteindre les pôles parce que la traversée de l'atmosphère se fait toujours plus en biais, donc toujours plus longue au fur et à mesure qu'on se dirige vers les pôles. La quantité d'énergie reçue par unité de surface Terrestre est donc moins importante dans les régions polaires que dans les régions équatoriales, et ce d'autant plus que le solde d'énergie se répartit sur une surface toujours plus grande à cause de la rotondité de notre planète et de son inclinaison.
Ensuite, la neige et la glace jouent un rôle. Alors que - on l'a vu - la surface de la Terre et l'atmosphère refoulent en moyenne 30% du flux solaire, cette réflexion est accentuée à proximité des pôles par la blancheur du manteau neigeux, qui renvoie vers l'espace la majeure partie de la lumière incidente (ou albédo).
Pour rétablir un équilibre énergétique, les régions polaires, où le bilan radiatif au sommet de l'atmosphère est déficitaire, reçoivent l'énergie compensatoire des régions intertropicales, où le bilan est excédentaire. Un cycle énergétique d'une colossale puissance est généré par la très forte différence de température qui existe entre les régions froides et les régions chaudes, surchauffées par le Soleil. D'où le transfert d'une énorme quantité de chaleur. Celui-ci est assuré par les courant océaniques et atmosphériques qui interagissent les uns par rapport aux autres.
Arctique : saisons inégales et basse altitude
Ces variables influent sur le climat arctique. Un climat qui se caractérise par la disparité des ses saisons, l'inclinaison de la Terre par rapport au Soleil se traduisant dans la région par l'existence de saisons à la longueur très variable : l'hiver dure environ neuf mois, l'été est trois fois moins long tandis que le printemps et l'automne s'apparentent à des périodes de transition qui n'excèdent pas quelques semaines.
Aussi rigoureux soit-il, le climat arctique le serait pourtant encore davantage s'il ne profitait de l'apport de chaleur ci-devant mentionné en provenance des régions non polaires.
La nature essentiellement maritime de l'Arctique - qui, contrairement à l'Antarctique, est un océan entouré d'étendues émergées (continents et calotte glaciaire groenlandaise) - contribue-t-elle également à modérer la rigueur du climat ? On pourrait le penser quand on sait que la chaleur spécifique de l'eau est bien supérieure à celle du sol.
"Je crois d'autant moins à cette explication que l'océan arctique est couvert de glace en hiver, explique André Berger. Je pense que c'est l'altitude de l'Antarctique qui explique pourquoi il fait beaucoup plus froid au pôle Sud."
Les écarts enregistrés dans le Grand Nord n'en restent pas moins substantiels. La preuve par le coeur de la Sibérie (dont les températures oscillent entre un strict minimum de -67,8°C et un maximum absolu de 36,7°C à Verhoïansk) ou par le Canada qui affichent des températures encore plus extrêmes que le pôle Nord, où le thermomètre fluctue entre -40°C et 0°C.