Les régions polaires Arctiques

La faune et la flore arctique

La faune

Pour lutter contre les basses températures et résister aux conditions climatiques extrêmement rudes du grand Nord, les animaux doivent pouvoir se prévaloir de protections tout à fait spécifiques. C'est ce qui explique que quelques espèces seulement passent toute l'année dans les régions les plus froides de la planète.
Sur les 3.200 espèces de mammifères répertoriées dans le monde, on en recense une quarantaine dans l'Arctique, dont dix-sept d'entre eux qui parviennent à vivre dans la zone des eaux couvertes de glaces éternelles : treize mammifères terrestres, trois pinnipèdes et un cétacé.

Les oiseaux sont encore moins nombreux à résider en permanence sous ces latitudes. Moins de dix espèces y vivent en permanence, dont quatre dans la partie la plus rigoureuse. Tous les autres animaux de l'Arctique sont migrateurs.

Les mammifères terrestres
L'hiver, l'Arctique ne quitte jamais son manteau neigeux. Pas étonnant, dans ces conditions, d'apprendre que, seuls, une petite vingtaine de mammifères terrestres restent fidèles au grand Nord toute l'année durant. Ce sont les ours blancs, grizzlis (ou ours bruns), bœufs musqués, caribous (ou rennes), orignaux, loups, renards arctiques, lièvres arctiques, hermines, spermophiles arctiques et autres lemmings variables.

Par rapport à leurs proches parents des régions plus chaudes, ils sont plus volumineux du fait qu'ils doivent fabriquer davantage de chaleur. Autre caractéristique : leur pelage est composé de deux épaisseurs qui assurent une excellente isolation, un duvet très dense à l'intérieur et, à l'extérieur, un manteau de poils longs et rigides (les "jarres') qui forment une couche protectrice très efficace.

Pour survivre, il ne faut pas seulement se chauffer, il s'agit aussi de se nourrir. Et pour ce faire, à chacun sa stratégie. Certains, comme les lièvres, les campagnols ou les lemmings creusent la neige pour accéder à la végétation enfouie. D'autres, tels l'ours ou le spermophile, profitent de l'été pour accumuler des réserves de graisse qui leur permettent d'hiberner l'estomac plein. Les derniers, à l'exemple du loup, du renard ou de l'hermine, cachent de la nourriture en prévision des périodes de grands froids.

Sur ces grands axes stratégiques se greffent une infinité de tactiques bien spécifiques. Dans la toundra, les lièvres mastiquent longtemps les arbustes gelés afin de les attendrir ; les perdrix blanches trouvent leur nourriture sur les branches des quelques saules nains tandis que les boeufs musqués recherchent mousses, lichens et herbes sèches.
Sur la banquise, l'ours blanc attend à proximité des trous de respiration pratiqués par les phoques que ceux-ci remontent à la surface. Les carcasses des infortunés pinnipèdes font la joie des renards qui se délectent aussi des restes de gros mammifères abandonnés par les loups et qui, pour le reste, ont recours à une ouïe et à un odorat extrêmement développés pour déceler sous le tapis blanc des petits animaux dont ils
font leur ordinaire. Il est vrai que l'activité est très importante en dessous de la couche de neige qui, en jouant un rôle d'isolant thermique, réchauffe de 7 ou 8°C la température des galeries et des tanières par rapport à l'extérieur. C'est donc là, sous la menace de l'hermine et de la belette, qu'hivernent les seuls petits mammifères qui vivent à longueur d'année dans la toundra: les campagnols, les lemmings et les musaraignes, cette dernière - en tant qu'insectivore - trouvant un large choix de larves, de lombrics et d'insectes à se mettre sous la dent.

Les mammifères marins
Plaque tournante de la chaîne alimentaire des eaux arctiques, le plancton a un impérieux besoin d'oxygène et de sels nutritifs pour se développer. Les mers polaires sont riches du premier élément. Mais elles manquent de la seconde composante. Une teneur dont abondent en revanche l'Atlantique et le Pacifique. Inutile de préciser que là où les eaux en question rencontrent l'océan arctique, le plancton ne se tient plus de joie. On assiste alors à une véritable explosion de vie à tous les niveaux. D'interminables bancs de harengs, de poissons en tous genres et de crustacés de surface se lancent à la poursuite de leur "friandise" favorite. Et ces bancs suscitent à leur tour la convoitise d'une multitude de prédateurs. Parmi eux, des poissons de taille moyenne (comme la morue et le maquereau) et des oiseaux de tous types bien sûr, mais aussi des mammifères marins de deux ordres : les pinnipèdes et les cétacés.

Les pinnipèdes
L'ordre des pinnipèdes réunit les otaries, les phoques et les morses. Les premières (qui se distinguent aisément des deuxièmes par leurs petites oreilles externes en forme de tubes pointés vers l'arrière) préfèrenr souvent des régions tempérées et chaudes. Les deux autres familles vivent - l'une essentiellement, l'autre exclusivement - dans les régions les plus froides.

Tirant leur nom du fait qu'ils sont des animaux "aux pieds en forme de nageoires" (sens premier du mot), les pinnipèdes passent dans l'eau une bonne partie de leur existence. C'est la raison pour laquelle ces mammifères sont considérés comme marins. En fait, nous sommes ici en présence d'anciens mammifères terrestres qui se sont adaptés au milieu aquatique. Cette évolution s'est traduite par une série de modifications dont la plupart se manifestent en plongée : les narines et les oreilles se ferment automatiquement, la respiration est "verrouillée", les poumons sont à peu près entièrement vidés, l'oxygène est emmagasiné dans le sang... Des mécanismes annexes permettent même de résister à la pression des grandes profondeurs. Les représentants de l'espèce n'ont pourtant pas perdu tout contact avec la terre. Ils mettent bas et élèvent leur progéniture sur le sol ferme: plages, îlots rocheux ou glaces flottantes.

Pour se protéger du froid, les pinnipèdes peuvent compter sur trois cadeaux
de la nature :

  • une couche d'air emprisonnée dans un pelage à simple ou double épaisseur,
  • des glandes ayant pour fonction de produire une huile qui imperméabilise la fourrure
  • une importante couche de graisse sous-cutanée qui, outre son rôle de réserve de nourriture pour les périodes de jeûne ou d'allaitement, forme un bouclier thermique fortappréciable.

Au plus fort de l'hiver, toutes ces protections n'empêchent pas les intéressés d'avoir recours à un ultime stratagème consistant à ne plus quitter le relatif confort d'une mer ne descendant jamais en dessous de -2°C.

Les cétacés
Animaux à sang chaud respirant au moyen de poumons, les cétacés s'accouplent, donnent naissance et allaitent leurs petits comme tout autre mammifères. Ces anciennes créatures terrestres ont cependant subi en quelques millions d'années des transformations radicales qui leur ont fait perdre tout contact avec la terre. Ainsi, des narines appelées évents sont apparues le plus souvent sur le dessus de leur tête pour leur permettre de respirer sans devoir sortir complètement de l'eau et sans avoir à s'arrêter de nager. Simple exemple d'une évolution beaucoup plus fondamentale qui laisse aujourd'hui à certaines baleines et cachalots le loisir d'atteindre des records d'immersion respectivement évalués à 120 et 90 minutes.
Les cétacés, qui portent sous la peau une couche de graisse qui leur sert à la fois d'isolant thernique et de provision nutritive, se subdivisent en deux sous-ordres.

  • D'un côté, les dauphins, les cachalots, les baleines à bec, les baleines blanches et les marsouins sont regroupés sous le terme d'odontocètes. Ce sont les cétacés dotés d'une denture. Ils possèdent d'une à 260 dent(s) conique(s) et pointue(s) qui ser(ven)t à attraper leurs proies (poissons, calamars, crustacés, vers, mollusques, mammifères et/ou oiseaux selon les espèces) avant de n'en faire - au propre et au figuré - qu'une seule bouchée.
  • De l'autre, les baleines grises, les rorquals et les baleines franches font partie de la famille des mysticètes. Ce sont les cétacés sans dents. Leur denture est remplacée par des fanons, plaques de corne (une matière qui rappelle nos ongles) plus ou moins longues qui pendent de chaque côté de la bouche en prolongeant la mâchoire supérieure. Lisses du côté extérieur, les fanons s'effîlochent à l'intérieur de la bouche pour former de longs poils. Ceux-ci font offîce de tamis. Ils laissent donc passer l'eau pour mieux retenir les proies, parmi lesquelles une multitude de krills, des petitscrustacés ayant un peu l'apparence de crevettes.

Les oiseaux
Rares sont les oiseaux qui restent en permanence dans l'Arctique. Seules neuf espèces résident toute l'année. Parmi elles, on peut mentionner les faucons gerfauts, les grands corbeaux, les harfangs des neiges, les lagopèdes des saules et les sizerins blanchâtres.
Mais il convient d'insister tout particulièrement sur les quatre résidents ailés qui vivent dans les conditions les plus rigoureuses : les eiders à tête grise qui demeurent constamment à proximité directe des eaux glacées, les guillemots à miroir qui ne s'éloignent jamais des côtes de l'extrême nord continental ou de la pleine mer arctique ainsi que les mouettes blanches et rosées qui ne quittent pas la partie de la banquise la plus proche des eaux libres de glace où elles pêchent de quoi se nourrir.

Ces neuf exceptions mises à part, toutes les espèces sont migratrices. Certaines accomplissent d'ailleurs des voyages très impressionnants, le record absolu étant détenu par certaines Sternes arctiques qui, voyageant du grand Nord aux régions australes de l'Antarctique, bouclent un périple de plus de 35.000 kilomètres...
Si elles viennent si nombreuses et parfois de si loin, ce n'est pas sans raisons. Nourriture abondante, prédateurs plus rares que dans le sud, journées interminables : l'été arctique a de quoi attirer les volatiles qui, à la belle saison, affluent donc par millions dans le grand Nord pour s'accoupler, construire leur nid, couver leurs oeufs et élever leurs oisillons.
Les oiseaux de mer trouvent tout ce dont ils ont besoin dans les mers polaires qui, incroyablement riches, grouillent de poissons, mollusques, crustacés et autres zooplanctons. Les insectivores se délectent de l'énorme variété d'insectes qui pullulent dans la toundra.
Ceux qui préfèrent les
végétaux font leurs choux gras d'une multitude de baies et de graines de plantes. Quant aux oiseaux de proie, ils fondent sur les charognes, petits mammifères, oeufs, oisillons et oiseaux.
Reste qu'en terme de durée, le contexte polaire ne laisse pas la moindre marge de manoeuvre. Quand tout va bien, les oiseaux ont fort peu de temps pour se reproduire. Et quand - par malheur - l'été s'avère moins bon que d'habitude, la neige s'efface trop tard ou, pire, ne fond jamais complètement. Ces années-là, le grand cycle de la vie passe un tour : pas d'accouplement. Et pas d'oisillons.

La flore

Nombreux sont ceux qui s'imaginent que l'Arctique est une région de neige et de glace où ne pousse pas la moindre plante. En fait, un tel constat n'a de vérité absolue ni dans le temps, ni dans l'espace. Certaines régions arctiques foisonnent de plantes qui ont réussi à s'adapter à la brièveté de la saison de croissance et à la sévérité des températures moyennes du grand Nord.
La toundra, en effet, présente un double visage. Durant la majeure partie de l'année, son climat est aussi rigoureux que ses terres ne sont stériles et ses vents venus du Nord, impitoyables. Mais pendant le (bref) été, sa couche de neige fond, des fleurs multicolores éclosent et les espèces migratoires grouillent de toutes parts.

Le pergélisol

Les territoires émergés du grand Nord se caractérisent par une couche de terre et de rocgelée en permanence: le pergélisol (aussi appelé pergéligel, ou encore permafrost).L'Arctique n'englobe cependant qu'une partie de cet espace géographique au sol très duret à peu près imperméable qui s'étend dans certaines contrées jusqu'à 56' de latitudenord. Le pergélisol, en effet, recouvre à peu près le cinquième de la surface terrestre dumonde, de l'Alaska au Groenland en passant par les moitiés nord du Canada et de laRussie. Mais son épaisseur est fort variable d'une région à l'autre. En Sibérie, il fautcompter avec des profondeurs atteignant parfois les 1.400 mètres alors que dans lescontrées les plus méridionales, on mesure tout au plus un mètre d'épaisseur.

Autre différence: sous l'influence de la chaleur estivale, le dégel de la couche desurface se limite à quelques centimètres dans le nord alors qu'il s'évalue à plusieursmètres dans les régions subarctiques.

Ultime caractéristique: du nord au sud, la configuration du pergélisol passe du continuau discontinu, puis au sporadique.

On en arriverait à oublier qu'à un mètre de profondeur, la terre reste gelée en permanence (voir encadré ci-dessous). Et on en perdrait presque de vue que la quantité de neige et de pluie qui tombe sur la toundra en une année se chiffre à un peu plus de 200 mm. Cette quantité étant équivalente à celle mesurée dans les déserts, la toundra est régulièrement affublée du sobriquet de "désert froid". Une appellation qui vaut ce qu'elle vaut. Car, grâce à des basses températures qui limitent le phénomène d'évaporation à la portion congrue, la toundra conserve plus facilement ses réserves en eau. En outre, la barrière solide du sous-sol gelé interdit aux précieux liquide de s'enfoncer trop profondément.

Du coup, on recense cinq groupes principaux d'espèces végétales dans la toundra :

  • les lichens, aboutissements du processus de symbiose entre algue et champignon;
  • les mousses, qui sont des agglomérats de plantes;
  • les herbes et les plantes herbacées;
  • les plantes à coussinets;
  • les petits arbustes, comme le saule nain.

Marco Nazzari (Le Grand Nord, Gründ, 1998, p. 86) propose de répertorier les espèces végétales en fonction du type de terrain sur lequel elles poussent.

  • En terrain rocheux, le sol n'est jamais couvert d'une végétation continue; ça et là, des lichens de toutes teintes apparaissent ainsi que quelques plantes à coussinets.
  • Dans la toundra sèche, où la chaleur peut s'accumuler, poussent des arbustes nains; lesmousses, cladonies et lichens en tapis sont autant de tâches de couleur sur le soluniforme de la toundra.
  • La toundra humide est, quant à elle, recouverte d'un épais coussin de mousse danslequel on peut s'enfoncerusqu'au genou.

  • Enfin, sur la côte maritime, on trouve les rares espèces ayant su S'adapter à laproximité de l'eau saumâtre.

Reste que cet écosystème est extrêmement fragile. Le fait qu'il faille prévoir entre cinquante et cent ans pour réparer les dégâts occasionnés par le simple passage d'un autocar ou d'un tracteur démontre toute la précarité de l'équilibre naturel de l'Arctique.