Les régions polaires Arctiques

Eléments de géopolitique

L'océan arctique proprement dit s'étend sur une superficie avoisinant les 13 millions de km2 et intègre sept mers périphériques : celles de Lincoln, de Beaufort, des Tchouktches, de Sibérie orientale, de Laptev, de Kara et de Barents. Un ensemble auquel on joint parfois par commodité cette double entrée dans le bassin atlantique nord que constituent la mer de Baffin ainsi que les mers nordiques du Groenland et de Norvège.
Différence notoire avec les régions antarctiques : à l'exception du Svalbard qui fait l'objet d'un traité particulier autorisant son accessibilité à plusieurs nations (voir ci-dessous), chaque territoire boréal est attribué à l'un des sept pays souverains qui bordent les eaux arctiques (Canada, États-Unis, Russie, Norvège, Suède, Danemark - via le Groenland - et Islande - dont les seules possessions arctiques renvoient aux petites îles de Grimsey et de Kolbeinsey).
Des réglementations internationales sont d'application concernant le commerce, la navigation, l'environnement et les recherches : le concept de Zone Économique Exclusive (ZEE) protège les pays circumpolaires jusqu'à 370 kilomètres des côtes, la circulation maritime est soumise à certaines règles dans les détroits internationaux, la pollution fait l'objet de divers contrôles et les expéditions océanographiques se font en toute liberté.

Les autres contentieux ? Ils se rglent pour la plupart par voie bi- ou trilatérale. Ainsi, les répartitions maritimes entre la Norvège, l'Islande et le Danemark se sont faites sur base du principe de l'équidistance, parfois avec des accords de réciprocité en matière de droit de pêche. Autre exemple : un traité signé en 1973 partage à l'amiable les eaux mitoyennes du Canada et du Danemark. Un Danemark dont on rappellera que l'ancienne colonie groenlandaise a fait l'objet de deux évolutions majeures, la première se soldant depuis 1953 par la présence de deux élus du peuple Kakkallissut au Parlement de Copenhague et la deuxième se traduisant depuis 1979 par un statut d'autonomie.

Cette relative stabilité statutaire et réglementaire n'empêche pas la persistance de certains problèmes.

L'extension des juridictions côtières fait encore l'objet de désaccords internationaux.
La propriété des ressources naturelles des fonds océaniques continue à poser questions. Le dossier est pourtant important puisque les richesses minérales et vivantes des terres et eaux arctiques recèlent pour les pays riverains un potentiel qui devient de plus en plus considérable à mesure que les progrès technologiques permettent de réduire le handicap de coûts généré par la rigueur de l'environnement et par les difficultés liées au transport des matières extraites.
Le cas du Svalbard n'est pas complètement résolu. Certes, un traité de 1920 en a fait hériter la Norvège qui, en contrepartie, a accepté de céder un droit d'accès et d'exploitation aux autres nations signataires. Mais ce traité ne prévoyant rien au-delà des quatre miles d'eaux territoriales, les ressources sous-marines du plateau continental suscitent bien des convoitises.
Depuis 1907, les Canadiens revendiquent une souveraineté sur une partie de l'Arctique qu'ils considèrent comme leur. Rejetant tout partage basé sur les explorations étrangères, ils veulent imposer la notion de secteur, qui découpe l'océan glacial en immenses "parts de tarte" délimitées par les frontières des territoires nationaux et par des lignes droites reliant virtuellement les extrémités de ces frontières au Pôle Nord.
Depuis lors, Moscou s'est appuyé sur le même type de raisonnement pour proclamer siennes les îles situées à l'intérieur du secteur océanique prolongeant ses frontières terrestres en ligne directe jusqu'au pôle (1926), puis en étendant cette requête aux eaux arctiques par l'intermédiaire des médias soviétiques (1928).
En 1977, l'URSS s'est encore alignée sur le Canada qui venait d'instituer une zone de pêche territoriale de 200 miles au large de ses côtes, comme le rendait possible la législation internationale.
Entre-temps, en 1970, le Parlement canadien avait délimité une "zone canadienne antipollution" (ZCAP), c'est-à-dire un territoire de contrôle destiné à protéger "ses" eaux arctiques de toute pollution. Ce faisant, il s'arrogeait un droit de regard sur les navires qui emprunteraient le passage du Nord-Ouest à moins de 100 miles côtiers au nord du 60e parallèle. Dans les faits pourtant, les Canadiens ne se sont pas donnés les moyens de faire appliquer la législation nationale sur leurs côtes arctiques. Les navires qui ne demandent pas d'autorisation de passage ne sont pas arraisonnés, faute de brise-glace affectés à cette tâche. Les Américains, notamment, ne se sont jamais privés d'emprunter le passage du Nord-Ouest quand bon leur semblait. D'où une forte tension diplomatique qui a fini par déboucher sur un accord tacite : chaque fois qu'un navire battant pavillon U.S. emprunte la zone revendiquée par le Canada, Washington avertit Ottawa qui s'empresse de faire suivre le bâtiment en question par l'un des siens.
Reste le cas de la Norvège. En 1977, elle a instauré une zone de pêche de 200 miles aux larges de ses côtes, mais une partie (132.000 km2) de la mer de Barents est revendiquée à la fois par les Norvégiens et par les Russes. Par ailleurs, Oslo se voit contester par le Danemark et par l'Islande le droit de créer une ZEE autour de Jan Mayen, du fait que cette île n'a pas de population permanente.

 

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