Au même titre que l'exploitation minérale des ressources antarctiques a été à l'origine de nombreux débats, la protection des cétacés et principalement des baleines qui fréquentent les eaux australes, a, elle aussi, fait couler beaucoup d'encre.

Il existe toutefois une différence essentielle entre les deux problématiques : la première a été résolue en faveur d'une protection de l'environnement antarctique (Protocole de Madrid, 1991), tandis que l'autre ne sait toujours pas si la politique de protection mise en oeuvre à partir de 1946 - il faudrait plutôt dire de management - a réussi à sauver certaines espèces en voie d'extinction.

Antarctique ou pas, eaux froides ou non, la chasse à la baleine est une vieille histoire: qui n'a en tête, en effet, ces nombreux dessins ou aquarelles représentant des pêcheurs fébriles, debout dans une fragile embarcation, en train d'harponner les monstres se débattant à quelques mètres d'eux ? Jusqu'à la mise au point entre 1864 et 1868 du canon lance-harpon par le Norvégien Sven Foyn, la chasse aux baleines dans les eaux australes n'était pas très meurtrière. Mais au fur et à mesure que l'homme a découvert l'innombrable quantité de produits qu'il pouvait exploiter en s'attaquant aux grands cétacés et lorsqu'ont été construits les premiers navires-usines après la première guerre mondiale - ce qui leur permettait de dépecer les animaux sur place - il s'est mis à pratiquer une chasse effrénée aux baleines sur toutes les mers du monde, eaux antarctiques comprises. En 1920, on tue 12.000 baleines ; en 1931, sur les 44.000 baleines capturées, 30.000 baleines bleues ont été harponnées dans les eaux antarctiques ; en 1938, les baleiniers pulvérisent tous les records avec 54.835 mammifères marins tués. Après la 2e guerre mondiale, les spécialistes se rendent compte que 5 ans d'arrêt de l'industrie baleinière n'ont pas permis la reconstitution des effectifs des grands cétacés ; il est donc urgent d'agir sous peine de compromettre la chasse en elle-même. C'est ainsi que naît en 1946, sous l'auspice des Nations-Unies, la Commission Baleinière Internationale (CBI, en anglais IWC, International Whaling Commission) ; cet organisme est censé formuler des recommandations et des suggestions concernant les activités et les quotas de capture de pêche à la baleine mais n'a aucun moyen de prendre des mesures effectives ni d'imposer ses décisions.

Dans un premier temps, la CBI, qui s'intéresse surtout aux chasses en eaux antarctiques, ne va pas remplir son rôle de régulateur, les représentants des pays baleiniers siégeant à la CBI étant bien souvent les actionnaires des sociétés de baleinage eux-mêmes... Lorsque dans les années 70 naît le mouvement écologiste, ce dernier reproche à la Commissison de gérer le commerce baleinier et la pénurie croissante des grands cétacés plutôt que de réellement proposer une politique internationale destinée à protéger une espèce animale en voie d'extinction. Car il faut se rendre à l'évidence: certaines espèces de baleines ont presque entièrement disparu. On estime, en effet, que la population de baleines bleues est actuellement inférieure à 1% de son niveau originel, les baleines à bosse étant tombées, elles, à 3% et les autres baleines à environ 20% de leur situation d'antan.
C'est pourquoi les verts n'ont pas hésité à montrer du doigt les nations (Norvège, Russie, Japon, entre autres) qui, à l'époque, organisaient encore de véritables carnages de cétacés.
En 1982, la CBI vote par 25 voix contre 7 et 7 abstentions un moratoire selon lequel toute pêche commerciale à la baleine devra être arrêtée quatre ans plus tard ; cette interdiction ne concerne toutefois qu'une dizaine d'espèces (les plus grandes) sur les quelques 80 existantes. Il y a trois ans, la CBI proposait à ses adhérents que l'entièreté des eaux australes situées au-dessous de 40° de latitude sud soit définitivement élevée au rang de sanctuaire international et que plus aucune pêche commerciale aux grands cétacés n'y soit permise. Sur les 32 pays membres, 23 ont voté pour, 6 se sont abstenus (Chine, République Dominicaine, Grenade, Corée, Saint Vincent, îles Solomon), 2 n'ont pas voté (Norvège et Sainte Lucie) et 1, le Japon, a voté contre ; ce dernier pays continuant, sous des pseudos-motifs scientifiques et malgré les protestations internationales, leurs chasses meurtrières aux baleines dans les eaux australes.
Résultat : même si la communauté internationale se rend enfin compte que plusieurs espèces de cétacés sont réellement menacées d'extinction, il n'est pas du tout certain que les mesures prises soient arrivées à temps pour aider à la reconstitution des populations baleinières.
A l'heure qu'il est, les scientifiques n'observent en tout cas pas le moindre repeuplement des eaux antarctiques par les baleines bleues.
A ce tableau plutôt sombre, il faut ajouter les effets de la pollution chimique. Toutes les baleines qui ont fait l'objet de tests dans les eaux du Groenland étaient contaminées par les composants chimiques de synthèse.
Malgré que les études en sont encore au stade embryonnaire au sujet du rôle précis joué par la chimie de synthèse dans le déclin de certaines populations animales, il semble certain en tout cas que ce sont les grands mammifères marins et la vie marine en général qui soient les plus exposés à ce type de pollution. Les océans sont, en effet, la destination finale des polluants organiques persistants ; on sait maintenant que dans les tissus de la plupart des animaux morts suite à un échouage collectif (que l'on observe depuis les années 80), de fortes concentrations de polychorobiphényles (PCB) et d'autres composants chimiques de synthèse ont été détectés.