Les régions polaires Antarctiques | Protéger l'Antarctique
Mobilisation générale
De tous les sites consacrés au monde antarctique sur le réseau Internet (voir encadré) ceux qui concernent la protection de l'environnement sont de loin les plus nombreux. En s'entourant de toutes les précautions nécessaires à l'utilisation de cette source d'information, on peut par exemple suivre le parcours des baleines dans les océans ou s'intéresser à la protection des phoques dans l'Antarctique, découvrir des stations presque en direct et explorer virtuellement la base Amundsen-Scott du pôle Sud, se rendre compte de l'impact d'un certain tourisme, se plonger dans l'aventure de cet amateur de sensations fortes qui a effectué le premier raid en kayak dans les eaux antarctiques, suivre semaine après semaine l'évolution des dimensions du trou d'ozone, lire le traité de Washington, partager l'expérience des touristes qu'on appelle écologiques, etc...
Au début de 1997, on a pu suivre le voyage d'étude du navire de Greenpeace Arctic Sunrise dans les eaux de la péninsule Antarctique et recevoir quotidiennement, non seulement des nouvelles de chacun des membres et de la progression de l'expédition mais aussi des bulletins d'informations, des photos et des vidéos. Si le continent Antarctique est parvenu aujourd'hui à faire naître un mouvement mondial, partisan de sa protection et sensible aux dégâts qui pourraient lui être causés, c'est que les problèmes posés par l'exploitation potentielle du dernier continent vierge n'ont pas cessé de soulever des vagues de protestation de par le monde. Il s'est agi, en fait, d'un âpre combat de 20 ans, mené à la fois par les milieux environnementalistes et les sphères plus politisées du Traité de Washington, les premiers se chargeant le plus souvent de mettre le feu aux poudres, les autres de diriger la mèche.
Avant le début des années 60, la conscience écologique n'existait pas. "La tradition polaire ne comportait pas le moindre souci de respect pour l'environnement, ont écrit Paul-Emile et Jean-Christophe Victor. Il suffit pour s'en rendre compte d'avoir visité la plupart des stations antérieures à 1956. La quantité et la variété de déchets abandonnés autours des bâtiments sont les témoins les plus évidents. On y trouvait de tout : depuis les boîtes de conserve vides, d'autres pleines, des bouteilles entières ou en tessons, des touques de pétrole, des traîneaux boiteux, des harnais de chiens, des colliers de poneys, des sacs d'avoine, des machines diverses plus ou moins rouillées. Ceci vaut aussi bien pour Hut Point (la base de Scott occupée en 1901-1903), que pour Cape Royds (Shackleton, 1907-1909), Cape Evans (Scott, 1910-1912), Commonwealth Bay (Mawson, 1912-1914), Port Martin (E.P.F. -Expéditions Polaires Françaises-, 1950-1952) ou encore la station Marette (E.P.F 1951-1953) pour ne citer que celles que je connais."
A la pointe de cette lutte, parfois nécessairement extrémiste, Greenpeace. On sait que les verts ne reculent habituellement devant aucun sacrifice ; l'enjeu étant ici particulièrement important, les moyens déployés furent gigantesques. Il y eut d'abord la construction sur le continent même d'une station - au cap Evans précisément. C'était en janvier 1987, un an donc avant la signature de la Convention de Wellington : la base a été baptisée The Greenpeace World Park en référence à leur souhait de voir un jour aboutir l'idée de désigner l'Antarctique comme une réserve naturelle à l'échelle du monde.
Profitant d'avoir ainsi des facilités sur place, l'ong a organisé de nombreuses campagnes destinées à observer la vie dans les bases installées sur le 6e continent et établir un programme d'investigations des retombées des activités humaines sur l'écosystème antarctique. C'est ainsi que Greenpeace-Belgique trouva les fonds nécessaires pour envoyer, deux ans de suite, la biologiste bruxelloise Maj De Poorter, à leur base antarctique, avec comme mission de faire rapport sur l'état de l'environnement dans les bases situées sur la péninsule Antarctique. Dans son compte-rendu, il est écrit ceci: "Beaucoup de bases n'étaient absolument pas préoccupées par le respect de l'environnement. Il traînait partout des déchets, des poubelles, des pneus usagés, des f?ts percés ayant répandu du pétrole sur un sol de mousse. ... Lors d'une visite à la base chilienne de Teniente Marsh, je rencontrai un chef militaire qui ne comprenait pas que moi, une civile, femme de surcroît, je n'obéissais pas à ses ordres et ne m'en allais pas comme il le souhaitait. Lorsqu'enfin nous mîmes pied à terre pour visiter la station, ... , et que nous découvrîmes que tout ce que les scientifiques et militaires n'utilisaient plus était simplement jeté en dehors des quartiers, et abandonné dans un petit lac jadis sans doute riche en espèces biologiques, le gradé explosa sous une salve d'injures à notre propos. Quelques semaines plus tard, comme le journaliste qui nous accompagnait avait fait rapport dans l'un des plus grands hebdomadaires espagnol, l'affaire remonta jusqu'à l'ambassade. Le résultat fut que la base en question fut nettoyée peu après ; lorsque, quelques années plus tard, je rencontrai dans une réunion internationale le militaire qui nous avait si bien reçu, il se dirigea vers moi, les bras ouverts, en me disant que c'était merveilleux de se rencontrer à nouveau..."
Plusieurs saisons durant, Greenpeace visita ainsi les bases antarctiques pour vérifier si les pays membres respectaient les recommandations des conventions qu'ils avaient signées ; les rapports de mission étaient, à chaque fois, envoyés aux délégations des pays membres. Et à chaque fois, Greenpeace rappelait sa proposition de formation d'une agence de protection de l'environnement antarctique (AEPA, Antarctic Environmental Protection Agency) qui aurait remédié - entre autre - au fait que, depuis 1961, les grandes décisions concernant l'Antarctiques sont prises par des diplomates et non par des "polaires".
Même si elle est la plus médiatisée et la plus connue du grand public, Greenpeace ne fut pas la seule à se battre. Aujourd'hui, elle n'est plus l'unique ong à s'occuper des affaires antarctiques et à réclamer la création d'une réserve naturelle mondiale. Depuis 1979, deux années donc après la création de Greenpeace à Londres, l'ASOC (Antarctic and Southern Ocean Coalition) - une puissante ong qui regroupe plus de 200 organisations environnementalistes réparties dans 50 pays (dont Greenpeace) - milite, elle aussi de la façon la plus active qui soit, en faveur de la création d'un parc mondial en Antarctique et de la protection des ressources de l'océan Austral - phoques, baleines, manchots, etc. Pour ce faire, elle a créé The Antarctica Project, la seule ong dans le monde travaillant à temps plein pour protéger le 6e continent en même temps que l'océan qui l'entoure. Un exemple de campagne de sensibilisation menée par l'ASOC : en mars 1997, l'ong a attiré avec force l'attention du public américain sur le fait que le gouvernement des Etats-Unis, six ans après la signature du Protocole de Madrid, hésitait toujours à ratifier le document -malgré des bruits de couloir qui prétendaient que la signature était imminente.