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Les régions polaires Antarctiques | L'océan Austral Le krill, une bien étrange crevette... Une des principales cibles de la recherche océanographique actuelle est le krill. C'est un petit crustacé ressemblant à une crevette d'environ 6 à 7 centimètres de long qui possède cinq paires de pattes et deux grands yeux noirs; lorsqu'il est en vie, son corps, presque transparent, est pigmenté de petits points rouges et l'on peut voir au travers de ses écailles un système digestif de couleur verte, d'après les organismes phytoplanctoniques qui constituent sa nourriture principale. Le krill antarctique - Euphausia superba - appartient aux Euphausiacés, des crustacés planctoniques dont il existe 85 espèces connues réparties dans le monde. Il vit dans les couches supérieures de l'océan et voyage souvent en essaims gigantesques ; des échosondages ont repéré, dans le détroit de Gerlache notamment, des bancs de deux millions de tonnes s'étendant sur 450 km² et pouvant se maintenir compacts plusieurs jours avant de se dissoudre. Entre les mois de janvier et de mars, la femelle peut pondre jusqu'à plusieurs milliers d'oeufs à la fois (d'un diamètre inférieur au millimètre) qui vont mettre une dizaine de jours environ pour arriver sur les fonds marins jusqu'à une profondeur qui varie entre 700 et 2.000 mètres selon que la ponte aura eu lieu au-dessus du plateau continental ou non. Malgré qu'il soit méconnu, le krill est l'animal le plus abondant de la planète Terre. On estime, en effet, la population totale de krill antarctique à 600.000 milliards d'individus avec une densité moyenne de 19 millions de crevettes au kilomètre carré. Le poids total de krill estimé dépasse celui de la population humaine : aux environs de 650 millions de tonnes (1). On se doute qu'une telle quantité de ressources disponibles dans l'océan a depuis longtemps alerté ceux qui sont en permanence à la recherche de nouvelles sources de protéines pour l'alimentation humaine. Ce sont les Russes et les Japonais qui, dans les années 1970, se sont intéressés les premiers au krill. Quelques années plus tard, la FAO (Food and Agricultural Organization) se penchait sur le problème et estimait que, vu l'abondance du crustacé, il était sans doute possible d'en pêcher aux environs de 40 tonnes par heure sans risquer de nuire à l'équilibre de l'écosystème marin. Plusieurs obstacles se sont toutefois dressés sur la route de ceux qui souhaitaient commercialiser le krill.
Résultat : ces problèmes ont entraîné une commercialisation plus coûteuse que prévu, les pêches miraculeuses n'ont pas eu lieu et les chiffres de l'exploitation n'ont pas atteint les sommets escomptés. Craignant que la pêche industrielle ne déséquilibre le milieu marin Antarctique, le programme BIOMASS a entrepris, au début des années 1980, des études scientifiques sur le krill afin d'en étudier le rôle dans l'écosystème marin antarctique. Jusqu'à cette époque, en effet, tout ce qui était connu au sujet de ce curieux crustacé était le fruit d'observations menées en laboratoire sur le krill mort. Or, il s'avérait indispensable, si l'on voulait gérer au mieux ses ressources et l'inclure dans les prises de la pêche industrielle, d'en savoir plus et, notamment, au sujet de son comportement en milieu naturel.
A ces questions, il faut ajouter celles qui concernent la distribution du krill ; on ignore encore aujourd'hui s'il se maintient dans certaines zones à forte concentration (observée par les campagnes de recherches océanographiques) ou s'il a plutôt tendance à suivre les courants marins. Jusqu'il y a peu, on estimait son espérance de vie à environ trois ans ; mais des expériences menées en laboratoire ont montré que le krill pouvait vivre, captif, jusqu'à 11 ans. Quoiqu'il en soit, si dans les sphères antarctiques, on parle abondamment du krill aujourd'hui, c'est que ce petit crustacé n'est rien d'autre que le maillon essentiel et central des réseaux alimentaires de l'océan Austral; en effet, cinq espèces de baleines, trois espèces de phoques et la plupart des manchots, une myriade d'oiseaux, bon nombre de poissons et de calmars s'en nourrissent principalement. C'est dire le rôle primordial que joue cette fascinante crevette dans l'équilibre de l'écosystème marin antarctique.
(1) (8) Antarctica, the last frontier, Richard Laws, Boxtree Limited, 1989, p 91.
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