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Douce nuit...

Contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres stations qui ont vu de véritables tempêtes infernales s'abattre sur elles (la station australienne, notamment, a eu toutes ses antennes détruites en une heure), la nuit polaire a été clémente pour les Belges. 20 jours de blizzard seulement en trois mois (juin, juillet et août) et presque pas de vent quand la température descendait en-dessous des 50° ! Un coup de chance pour le pays ! Résultat : la ruche Roi Baudouin a continué de bourdonner; au ralenti certes, parce qu'en raison de l'obscurité permanente, les travaux extérieurs, comme les reconnaissances par voie terrestre, par exemple, ne pouvaient avoir lieu mais alternant - selon les termes du contrat signé par les membres de l'expédition - les travaux scientifiques et les tâches quotidiennes ; la corvée des blocs de glace qu'il fallait scier pour assurer les réserves d'eau douce, le débouchage des cheminées prises par la glace, dégeler le moteur de l'Auster, s'occuper des chiens et de leur nourriture, la préparation des tartes du dimanche midi - les dons de Guy della Faille étaient si fameux que le baron-intendant a été couronné pâtissier en chef -, s'occuper du projecteur et de l'écran pour la séance de cinéma le dimanche soir, user de la pelle pour déblayer les entrées des quartiers trop enneigées, faire régulièrement tourner le moteur des véhicules, assurer son tour de quart dans le local des groupes électrogènes (es hommes craignant, en effet, qu'un incendie se déclare dans cette pièce, ce qui aurait été fatal au sort de l'expédition), sortir des caisses enfouies sous deux mètres de neige, vérifier les haubans des antennes, etc ...


Une orgie en hiver...


En pleine nuit polaire, on célèbre le Midwinterday. Le 21 juin, le soleil arrête sa descente sous l'horizon ; c'est une tradition en Antarctique que toutes les expéditions célèbrent avec faste. Et ce ne sont pas les Belges qui vont se priver de zwanzer un bon coup... On téléphone à Bruxelles pour avoir quelques recettes de grand'mère. A l'autre bout de la ligne, on s'étonne de voir les gars du pôle Sud s'exciter de la sorte pour une recette de gâteau ! Mais le menu du jour se doit d'être pantagruélique : bisque de homard, feuilleté de riz de veau aux perles du Périgord, entrecôte grillée sur canapé petits pois, foie gras de Strasbourg, bombe antarctique, gâteau moka coupole, fraises à la crème, café liqueurs ; le tout arrosé de Bordeaux blanc, de Bourgogne rouge et de champagne. La salle à manger à été décorée de drapeaux et de ballons multicolores, une grande nappe blanche est dressée sur la table et les 17 membres de l'expédition ont mis leurs plus beaux habits. On lève le verre, on porte des toast, on lit les télégrammes de sympathie qui sont arrivés à la base, on déballe les cadeaux qu'il ne fallait surtout pas ouvrir jusqu'à ce jour, on écoute les discours de circonstances - Gerlache a tenu à féliciter le groupe pour tout ce qu'il a déjà fait jusqu'ici ; la bière et le vin coulent à flots. A six heures du matin, les derniers fêtards rentrent dans leurs quartiers. Pendant près d'une semaine, la base a été en effervescence. C'est bon pour le moral...

 


Puisque les communications avec la capitale fonctionnent bien -un compte rendu des activités scientifiques est, en effet, envoyé chaque mois en Belgique-, le chef d'expédition met à profit cette période d'accalmie pour donner rendez-vous aux journalistes belges le 5 août dans son bureau de la rue de Namur. Une conférence de presse est ainsi organisée à 14.000 kilomètres de distance ; un diffuseur branché dans la pièce permet à tous de suivre la conversation engagée avec chacun d'entre eux. Certes, les activités scientifiques et le quotidien intéressent la presse et chaque membre de l'expédition répond aux questions en y allant de sa petite anecdote mais la majorité des questions concernent les menus concoctés par le chef coq, le baron Guy della Faille. Lorsque ce dernier donne en exemple le menu du lendemain -tomates fraîches, champignons sur canapé, roast-beef, crème glacée-, les journalistes posent des questions au sujet de la fraîcheur des tomates. Le chef coq répond alors qu'elles sont surgelées et qu'il n'a qu'à descendre faire son petit marché dans les caves de glace de la station pour les trouver...


Lorsque le printemps revient...

Un des buts que s'étaient fixées les différentes expéditions de l'AGI était de tout mettre en oeuvre pour organiser, le printemps venu, de grands raids à l'intérieur des terres non explorées. De façon à élargir les connaissances géographiques du continent et préparer ainsi le travail des équipes qui prendraient le relais, dès l'Année Géophysique Internationale terminée.
Au mois de septembre donc, c'est le branle-bas de combat général. Dans quelques semaines, des hommes s'en iront seuls, à traîneaux à chiens, dans le plus pur style des explorations polaires, avec les vents effrayants et les nuits passés sous tente par des températures pouvant descendre jusqu'à -40° ou -50°C. Tous, pourtant, ne partent pas. D'une part, il faut que la station continue de tourner et, de l'autre, certains programmes scientifiques ne s'accommodent pas des absences ; c'est le cas de la météorologie, de l'étude de l'ionosphère et des observations géomagnétiques. Xavier de Maere, Henri Vandevelde et Luc Cabès feront donc partie de ceux qui resteront le plus souvent à la base. Antoine de Ligne, second pilote et assistant météorologiste, lui, doit impérativement être de retour à la mi-décembre pour une période de journées mondiales de la météo.
Le but du grand raid de printemps de la base Roi Baudouin est d'aller continuer l'exploration d'une chaîne de montagnes située à 150 kilomètres de la base -les Sør Rondane- que Gerlache et certains de ses compagnons avaient déjà "visitée" quelques semaines après avoir terminé l'installation de la base. Et, surtout, de pousser 120 kilomètres au sud-est afin d'explorer de nouvelles montagnes, cette fois non répertoriées, qu'ils avaient aperçues lors des premiers survols de reconnaissance ; ce sont ces montagnes qui deviendront, dans quelques semaines, les monts Belgica.
Le 17 octobre Giot et Picciotto -le maître des chiens et le géologue italien- partent en premier ; ils doivent rejoindre en traîneaux un point appelé D2 (situé au pied des Sör Rondane et distant de 120 km de la base) où il y a un dépôt de vivres vieux de 6 mois mais toujours utilisable. Une fois sur place, ils ont comme consigne d'attendre l'arrivée du reste de la troupe motorisé. Toute l'organisation de ce raid repose sur trois exigences : assurer un maximum de sécurité aux explorateurs, effectuer le plus grand nombre d'observations scientifiques sur place et ajouter, si possible, des terres nouvelles à leur trophée de chasse.

Question logistique, Gerlache s'emploie à faire progresser sa troupe selon la méthode qui consiste à attaquer les positions avancées en trois phases. La phase d'approche : il envoie l'avion Auster effectuer les reconnaissances aériennes et déposer du matériel léger sur place. La phase de reconnaissance : les hommes débarquent, soit en traîneaux mais le plus souvent en avion, légers eux aussi. Ils explorent les lieux, escaladent les sommets, marchent sur les glaciers, fouillent les crevasses. La phase de fonctionnement : les sno-cats et autre engins motorisés arrivent et déposent le supplément d'hommes et de matériel afin de pouvoir poursuivre le programme scientifique. Même rythme pour les phases de repli. Entre les explorateurs et la base, les liaisons radio régulières assurent - via les installations de l'avion - la sécurité de tous.


Un accident qui a failli mal tourner.
Le raid, pourtant, ne va pas se passer aussi harmonieusement que prévu. Le 5 décembre, alors que Gerlache a enfin atteint les monts Belgica, Antoine de Ligne heurte, en décollant du point le plus avancé, un sastruggi trop escarpé et arrache le train d'atterrissage de l'avion qui capote. Catastrophe ! Ce ne sont pas les cinq ou six heures de marche qui le séparent du camp (D5, voir carte) où dorment deux de ses compagnons, Gerlache et Loodts, qui le préoccupent mais les 250 kilomètres qu'ils vont devoir faire pour retourner à la BRB. Bien qu'ils ont des vivres en suffisance et du matériel de camping adapté au terrain, une telle éventualité n'a pas été prévue. Le lendemain, pourtant, après que de Ligne ait rejoint en pleine nuit la tente de ses compagnons, l'équipe se met en route. "J'ai proposé à mes compagnons de s'encorder, écrit Gerlache, par sécurité d'abord, mais surtout pour nous permettre une marche régulière. Dorénavant, Charlie porte la tente sur l'épaule, Antoine et moi, nous prenons les sacs à dos et nous traînons à tour de rôle un ballot contenant les sacs de couchage et la vaisselle..."


Ti taat ti ti taat.titi...

"... To expedition leader Mawson, from King Baudouin base. Confidential. -Stop. A party of four men is at the moment isolated result of a breakdown or accident of an aircraft in the region of mountains, position approximately 72° lat S and 29° long E (unknown mountains not reported on charts) at 220 km from the coast and 250 km from Belgian base. Stop. Our rescue party is stopped by zones of crevasses. Stop ... etc..."
"From Mirny to Belgian Base. Stop. Ready to render assistance. Stop. Request possiblities of landing at your base for refuelling airplane type Douglas C47 on skis. Stop. Should like to know octane rating of your fuel. Stop. Desirable rating about 100. Stop. Do you need surgeon. Stop. Now at Mirny, stormy weather. Stop. Our plane will take off first opportunity. Stop. Best regards = Kibolin, deputy leader..."

Ils retournent d'abord au point le plus avancé pour laisser un message dans l'épave de l'avion et attendre un de leurs camarades, le mécanicien avion Henri Vanderheyden, qui, selon le planning, doit arriver de D3 avec le véhicule à moteur. Trois jours plus tard, ne voyant pas le sno-cat arriver (en fait, ce dernier a été bloqué par une zone de crevasses importantes), Gerlache et ses compagnons entament le chemin du retour. Le terrain est tellement crevassé qu'il ne progressent, quand tout va bien, que d'une vingtaine de kilomètres par jour.

Sur ces entrefaites, à la base, l'inquiétude a fait place à l'angoisse. Vanderheyden, resté à D3, avait prévenu ses compagnons que, depuis plusieurs jours, il était sans nouvelle de l'expédition des monts Belgica ; il ne sait pas que la radio est tombée en panne et a été abandonnée. Le 10 décembre, appliquant le plan d'urgence prévu entre les bases de l'AGI -le Mutual Antarctic Support Organisation-, Xavier de Maere, le second de Gerlache, lance un SOS-radio tout en sachant que les secours, si jamais ils arrivent, devront venir de loin : la base la plus proche, les Norvégiens, est à 900 kilomètres, la base russe à 2.800 kilomètres et les Américains à plus de 5.000 kilomètres ! Quelle base dispose d'un avion à rayon d'action suffisant pour venir au secours de leurs compagnons ?

Dans l'Antarctique, le mot "solidarité" signifie encore quelque chose. Le lendemain, les scientifiques soviétiques annoncent à la radio qu'ils sont prêts à venir en aide aux Belges, pourvu que ces derniers aient de l'essence en suffisance pour refueler une fois que le C47 se sera posé à la BRB et faire les aller-retour nécessaires entre la base et le lieu de l'accident. Bien entendu, Xavier de Maere, le commandant en second, accepte et, 24 heures plus tard, les Russes atterrissent chez les Belges. Avertie par radio, l'équipe qui est restée au pied des monts Sør Rondane (D3), respire. En Belgique, par contre, les proches, qui ont été avertis de l'accident, vivent sans doute les moments les plus pénibles de leur existence. L'angoisse est d'autant plus critique que le C47 soviétique, lancé depuis deux jours à la recherche des disparus, parvient à se poser près de l'Auster mais sans pouvoir localiser Gerlache et ses trois compagnons. Le 15 décembre, les secours aperçoivent depuis le hublot de l'avion un camp qui semble être abandonné. Ils atterrissent : c'est la consternation ! "Plus nous approchons, plus le spectacle nous serre la gorge, écrit Xavier de Maere qui est monté dans l'avion pour participer aux recherches. Dans un silence implacable, une toile de tente flotte doucement au vent. Tout autour, projetés à quelques cent mètres de distance, un matériel hétéroclite, des caisses de raid vides, une veste en duvet, quelques vivres, des casseroles et le traîneau équipé d'une voile, complètement retourné et cassé ; un peu plus loin, l'appareil de photo de Charlie, une carte entoilée de la région et tant d'objets où nous reconnaissons les initiales des uns et les souvenirs des autres..."
Ce qu'ils ne savent pas encore à ce moment-là, c'est que Gerlache et ses compagnons ont simplement décidé de se défaire du matériel superflu pour progresser plus vite. Quelques heures plus tard, à 22h30, lors d'un utlime vol, parce qu'il n'y a presque plus d'essence, les passagers du C47 aperçoivent par miracle leurs collègues ; un point rouge, la tente, ce sont eux !


Les uns partent, d'autres arrivent.

En 1898, Adrien de Gerlache avait découvert et exploré la région du détroit qui porte son nom. Soixante ans plus tard, son fils et ses compagnons ajoutaient les monts Belgica aux connaissances géographiques du continent Antarctique. Grâce à ces deux épopées, la Belgique inscrivait son nom à côté des autres nations appelées à jouer un rôle dans le futur du 6e continent. C'est pourquoi, le gouvernement n'avait eu d'autre choix que de voter les budgets pour assurer une relève à la base Roi Baudouin. Cette dernière quitte le Cap le 14 décembre 1958 à bord du Polarhav en direction de l'Antarctique pensant arriver quinze jours plus tard à la station.
Une dernière frayeur va toutefois paralyser ceux qui ne pensent plus qu'au retour. La relève, qui arrive le 24 décembre dans les environs immédiats de la baie Roi Léopold III, se fait surprendre par les glaces, malgré les reconnaissances aériennes effectuées en hélicoptère par Gerlache pour montrer le chemin au navire. En l'espace de quelques semaines, le chef de l'expédition entrevoit l'éventualité de devoir passer une deuxième hiver en Antarctique. Soixante ans plus tôt, son père, qui voyait une énième fois la banquise se resserrer autour de la Belgica, avait eu les mêmes angoisses.
Mais, une fois de plus, la solidarité antarctique fonctionne ; le 11 janvier, l'ambassade de Belgique à Washington fait une démarche officielle auprès du State Department qui accepte d'envoyer une de ses unités sur place. Trois semaines plus tard, le brise-glace Edisto arrive sur zone. Comble de malchance ; en quelques heures, ce dernier se fait piéger, lui aussi. On n'a jamais connu de telles conditions atmosphériques, se disent à la radio les météorologues ; en un mois, le Polarhav a dérivé de 150 milles ! N'hésitant jamais à utiliser les grands moyens, les Américains dépêchent alors sur les lieux un deuxième brise-glace, le Glacier, pour dégager tout ce beau monde.
Le moment des retrouvailles, la passation de pouvoir entre les deux équipes, la remise des clefs, le chapelet des consignes, l'hébergement des visiteurs américains, les cérémonies de remerciement qui ont lieu dans Quarters, le drink d'adieu, le salut au drapeau...
Le 2 avril 1959, 499 jours après avoir quitté la Belgique pour ces aventures froides et lointaines, les gars du pôle Sud comme on les appelait parfois arrivent à Ostende. Les quais sont noirs de monde et ils sont accueillis en héros. Dans la cale du Polarhav, se trouvent 54 caisses de documents, de notes et d'archives scientifiques qui vont faire entrer le pays dans la cour des grands.
Pendant ce temps à la base Roi Baudouin, le travail scientifique de l'équipe de relève continue ; la présence belge dans l'Antarctique durera encore dix ans avant de s'interrompre jusqu'en 1985 et de reprendre alors, non plus comme il était de coutume sous l'instigation des Gerlache, mais dans le cadre d'un programme gouvernemental mis sur pied par les services de la politique scientifique. La relation de ces différentes périodes se trouve dans la partie V de l'ouvrage.


Les sources suivantes ont été utilisées pour rédiger ces textes :
Antarctique, la grande histoire des hommes à la découverte du continent de glace, Sélection du Reader's Digest.
Antarctica, the extraordinary history of man's conquest of the frozen continent, Reader's Digest Association Limited, Australia, 1985
The Explorations of Antarctica the last unspoilt continent, G.E. Fogg & David Smith.
Quinze mois dans l'Antarctique, Adrien de Gerlache.
Victoire sur la nuit antarctique, Adrien de Gerlache.
L'Odyssée de l'Endurance, première tentative de traversée de l'Antarctique, Sir Ernest Shackleton.
Explore Antarctica, Louise Crossley.
Au coeur de l'Antarctique, Vers le pôle sud, 1908-1909, Sir Ernest Shackleton.
Explorateurs et Explorations, Raymond Cartier.