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Certains considèrent que l'Arctique englobe toutes les régions situées entre le pôle Nord et la latitude 66°33' dite " Cercle Polaire Arctique" qui marque en principe la limite des territoires où, l'été, le soleil ne se couche jamais. Mais une telle approche est un peu imprécise.
Contrairement à l'Antarctique qui est une masse de terre encerclée par l'océan, l'Arctique est un océan entouré de terres. Il s'agit donc d'un vaste univers essentiellement marin.
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En fait, la frontière méridionale de cet ensemble géographique paraît devoir être tracée plus opportunément par la ligne des arbres qui, loin d'être régulière, hésite entre 55° (dans le Labrador) et 71° (en Scandinavie) de latitude nord.
La partie centrale de cet univers est recouverte de glace en permanence. C'est la banquise polaire. Autour de celle-ci, on trouve une banquise mobile, puis des mers qui, parsemées de glaces flottantes, d'icebergs et de nombreuses îles, débouchent finalement sur de vastes étendues émergées non flottantes, qu'elles soient insulaire (Groenland) ou continentales (Canada, Alaska, Sibérie et Scandinavie). On accède là où domaine de la toundra, dernière étape avant la ligne des arbres et les contrées subarctiques de la taïga.
La banquise polaire (polar pack)
Dans l'Océan glacial arctique, la température de l'air se traduit en valeurs négatives à peu près toute l'année. Au plus fort de l'été, elle dépasse à peine 0°C. Un réchauffement nettement insuffisant pour provoquer la fonte de la calotte glaciaire. Les glaces de la banquise polaire remontent donc à plusieurs années ; on les dit même "éternelles".
Épais de trois à cinq mètres en moyenne, le "pack" polaire flotte sur un océan dont la profondeur flirte parfois avec les 5 000 mètres. Il est entraîné par le puissant courant de dérive transpolaire qui longe le nord de la Russie. Venu du détroit de Béring, ce courant emmène le flux de glace vers la côte nord du Groenland où il se divise en deux parties, l'une s'en venant longer la côte est de cet obstacle naturel, l'autre partant vers l'ouest pour s'en aller alimenter le courant circulaire de Beaufort qui tournoie au cur de l'océan arctique.
La banquise polaire présente en surface des digues de pression issues de la rencontre de champs de glaces distincts dont les extrémités se superposent pour atteindre une hauteur maximale d'une dizaine de mètres. Ce genre d'événement reste cependant assez peu fréquent en raison, d'une part, du calme météorologique régnant à ces latitudes et, d'autre part, de l'épaisseur de la couche de glace qui limite drastiquement toute possibilité de mouvement.
La banquise mobile (drift ice)
Contrairement à la banquise polaire, la banquise mobile est soumise à des déplacements continus dans de larges portions de mer libre. Courants, marées et vents exercent sur elle de redoutables contraintes. De toutes ces pressions résultent des mouvements de compression et de détente qui se traduisent aussi bien, sur le plan sonore, par des craquements, des grognements et des mugissements que, au niveau physique, par des crevasses, des collisions et des chevauchements. Certaines plaques se heurtent, se broient et s'effritent. D'autres empiètent l'une sur l'autre et se superposent. Ce qui explique l'aspect très accidenté de la banquise mobile et la formation de "hummocks', ces monticules qui compliquent singulièrement la tâche de tout qui se déplace en traîneau.
En hiver, le sol paraît formé d'un seul bloc car les champs de glace sont unis jusqu'à monopoliser le paysage à perte de vue. Même s'il arrive que des failles provoquent brutalement la rencontre d'une eau salée à - 1,8°C avec de l'air avoisinant les - 40°C, le phénomène semble aussi anecdotique que momentané : tout juste un long rideau de vapeur apparaît-il pendant une petite heure, le temps de laisser l'eau de surface retrouver l'état solide.
Mais le printemps désolidarise les espaces entre les divers champs. Quand la température remonte, la banquise se morcelle de toutes parts. Début mai, les plaques s'écartent pour laisser apparaître des cassures qui, en s'élargissant, se transforment en importantes fissures (les chenaux), en petits lacs bleu turquoise ou même, dans certains cas, en immenses lacs d'eau libre (les polynies).
Arrive alors l'été arctique. En cette période caractérisée par une stabilisation de la température entre -5°C et + 5°C et par l'apparition d'une épaisse couche nuageuse recouvrant le bassin arctique, la glace fond et se fracture toujours davantage. Dans une succession de mouvements qui dureront jusqu'à l'automne, les champs de glace se réduisent parfois à des plaques de quelques mètres carrés.
Les glaces flottantes
Même au paroxysme de la saison "chaude", l'eau navigable reste reléguée tout là-bas, à proximité des côtes continentales. Il n'empêche : sur sa périphérie, la banquise se modifie continuellement. Avec le refroidissement automnal, elle peut gagner plusieurs kilomètres en quelques heures seulement. Mais pendant l'été, elle perd une multitude de morceaux de glace qui se détachent et partent à la dérive. Ce sont les glaces flottantes, aussi appelées "floes", qu'il convient de ne pas confondre avec les icebergs.
Les icebergs
Contrairement aux floes qui sont plats et peu épais (3,60 m au grand maximum), les icebergs peuvent atteindre 100 mètres de hauteur. Cette différence s'explique par la genèse des uns et des autres : alors que les premiers ont la banquise pour origine, les seconds proviennent des terres qui l'entourent, le plus souvent du Groenland ou de l'île d'Ellesmere. A titre d'exemple, le glacier le plus prolifique du Groenland, celui de Jakobshavn, génère 25.000 tonnes de glace par jour.
Les icebergs, en effet, sont issus de glaciers qui, après s'être lentement formés dans les vallées de régions montagneuses, se sont mis à avancer sous le poids accumulé des multiples couches de neige et de glace le composant. Conduits à la mer par une progression de plusieurs milliers d'années, ces glaciers ont été usés par les vagues jusqu'à donner naissance à de gros morceaux qui, au terme du processus, se sont détachés et ont été emportés par les courants marins.
Seule, une petite partie de la masse totale de l'iceberg reste émergée. Entre un neuvième et un cinquième selon les cas. Une telle variation dépend des caractéristiques du glacier, les plus récents renfermant une quantité d'air nettement supérieure à celle des anciens qui, du coup, s'avèrent sensiblement plus lourds.
Le pourtour de l'Arctique est composé d'une plaine immense dont les frontières nord et sud correspondent respectivement au littoral de l'océan arctique et à une limite arborée appelée "ligne des arbres". C'est le domaine de la toundra qui couvre la partie septentrionale de tous les continents de l'hémisphère boréal. Sa superficie globale est estimée à treize millions de km², soit 1/10 de l'ensemble des terres émergées.
Grande plaine blanche balayée par de violentes rafales de vents glacés en hiver, la toundra serait une région complètement déserte si une couche de terre et de roc imperméable et gelée en permanence, le pergélisol (ou pergéligel, ou encore permafrost), ne permettait au paysage de reprendre vie pendant l'été en forçant l'eau à rester en surface. Durant cette période plus chaude, certaines régions donnent naissance à un paysage fait de ruisseaux, de rivières, d'étangs, de lacs et de tourbières avant de se couvrir de fleurs, de plantes et d'arbres nains. D'autres territoires, plus arides, se contentent d'une végétation clairsemée.
La ligne des arbres La ligne des arbres serpente entre 55° et 71° de latitude nord. Comme son nom ne l'indique pas, elle constitue moins une ligne qu'une zone de transition dont la largeur varie d'une poignée de kilomètres à plus de 160 km d'une région à l'autre.
Par rapport à la toundra, la taïga se caractérise par des étés sensiblement plus longs et plus chauds qui autorisent un dégel plus manifeste de la terre. |
Transition ? Oui. Car cette ceinture d'arbres chétifs qui s'étire dans des prairies parsemées de taillis et de buissons marque la frontière entre la toundra et une autre zone, la taïga, qui nous fait quitter les territoires arctiques proprement dits pour entrer dans la zone subarctique.
Par rapport à la toundra, la taïga se caractérise en effet par des étés sensiblement plus longs et plus chauds qui autorisent un dégel plus manifeste de la terre. Le Pergélisol se trouvant repoussé beaucoup plus loin de la surface du sol (parfois à plus de trois mètres), les arbres plantent leurs racines en profondeur et poussent nettement plus haut. Place, donc, aux conifères et même à certains arbres feuillus, comme le bouleau, qui se font de plus en plus grands à mesure que l'on descend vers le sud. Cette forêt boréale recouvre la moitié de l'Alaska, du Canada, des pays scandinaves et de la Russie.
La banquise n'est pas immobile. Sous l'effet du vent et à une vitesse 50 fois moins élevée que celui-ci, elle dérive de 25' à 45' par rapport à la direction de l'air. Le vent, cependant, n'est pas toujours de la partie. Quand il est faible ou inexistant, la calotte glaciaire se déplace uniquement sous l'action des courants marins. Dans quelle direction ? Pour répondre à cette question, plusieurs sources de renseignements sont à notre disposition ; du bois qui, venu des fleuves asiatiques, se retrouve le long des côtes du Groenland aux observations ramenées par une bonne trentaine d'expéditions soviétiques en passant par les informations tirées des balises Argos automatiques et par l'analyse des images satellites.
On sait donc aujourd'hui que la banquise flotte sur l'eau et qu'elle est entraînée par le puissant courant de dérive transpolaire qui provient du détroit de Béring, longe le nord de la Russie et prend la direction de la côte nord du Groenland.
Après avoir dépassé celui-ci par le nord et longé l'île d'Ellesmere, ce courant se divise en deux parties, l'une s'en venant lécher la côte est du "pays vert", l'autre prenant le cap de l'ouest et s'engageant à l'extrémité de l'archipel canadien (archipel de la Reine-Elizabeth) pour se jeter dans la mer de Beaufort et s'en aller alimenter le courant circulaire du même nom qui tournoie dans le sens des aiguilles d'une montre au cur de l'Océan arctique.
Le courant de l'est du Groenland représente la porte de sortie la plus importante du bassin arctique puisqu'il permet à la glace de s'en aller fondre dans les mers subarctiques, seule la fraction suivant la côte de très près arrivant à contourner le cap Farewell, au sud du Groenland, pour venir remonter le long de la partie sud-ouest du pays.
De son côté, le courant de Beaufort est actif entre l'archipel canadien, le nord de l'Alaska et le pôle Nord. Comme il circule en circuit fermé, il prend au piège la glace qui n'a pas dérivé vers l'ouest du Groenland. Voilà pourquoi on trouve au centre de ce courant les plus anciennes glaces de l'Océan glacial arctique.
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