Longtemps inconnu de l'Occident, le Groenland est entré dans l'Histoire européenne au XVIIIe siècle avec la colonisation danoise. Prisonnier de ce statut pendant deux siècles, il profite depuis 1953 d'une nouvelle constitution qui prévoit la présence au parlement de Copenhague de deux élus chargés de défendre les intérêts du peuple Kakkallissut. En 1979, le pays a même obtenu un statut autonome, le Danemark se contentant pour l'essentiel de garder la mainmise sur la défense et sur la politique étrangère de son ancienne colonie.

Contrée méconnue
Le Groenland n'en reste pas moins l'une des contrées les plus méconnues de la planète. Ce n'est d'ailleurs que tout récemment qu'on a découvert que, sous la masse glaciaire, ce territoire est en fait constitué de trois îles. Les sondages géosismiques et gravimétriques effectués sur l'inlandsis - un mot d'origine scandinave signifiant "glace au milieu des terres" - ont en effet révélé la présence de deux grandes fractures divisant le pays d'un côté à l'autre, entre le 69e et le 71e parallèle. Il y a peu, on ignorait donc encore si "le pays vert" devait être considéré comme la plus grande île du monde, comme la réunion de deux îles séparées par un gigantesque fjord ou comme un archipel.
Il est vrai que huit à neuf dixièmes du socle rocheux sont recouverts par une épaisse couche de glace dont seules émergent les côtes montagneuses et, ça et là, quelques pics isolés connus sous le nom de "nunataks".

Sous le niveau de l'eau
Paradoxe : la calotte glaciaire culmine à 3.270 m alors qu'à cette altitude les relevés géosismiques indiquent une épaisseur de 3.410 m. Cette apparente anomalie indique que l'épaisse couche de glace exerce depuis des millénaires un poids suffisant à enfoncer progressivement le sol sous-jacent dans le magma terrestre. C'est la raison pour laquelle, comme celui de l'Antarctique, le support rocheux du Groenland se situe aujourd'hui sous le niveau de l'eau. On sait en effet de nos jours que la base de l'inlandsis repose sur une plaque tectonique qui se situe à une profondeur à peu près constante de 200 à 500 m au-dessous du niveau de l'Océan arctique et qui s'élève progressivement vers les côtes.

Cuvette
De profil, le Groenland donne donc l'image d'une immense cuvette dont les bords contiennent une énorme étendue glaciaire. Nunataks mis à part, les montagnes apparentes se situent toutes à la périphérie de l'ensemble. Faut-il pour autant conclure à la parfaite symétrie de l'inlandsis ? Non. Car le massif oriental s'avère nettement plus haut que ses homologues occidental et septentrional. Quelle que soit la latitude, une coupe montre on ne peut plus clairement que c'est à l'est que la calotte glaciaire atteint son altitude et son épaisseur maximales. Une asymétrie qui s'explique par une plus grande pluviosité dans cette partie du pays et qui n'empêche pas le glacier le plus prolifique du Groenland de se jeter dans la mer du côté ouest. Ce glacier, dit de Jakobshavn, alimente quotidiennement la baie de Baffin à concurrence de 25.000 tonnes d'icebergs, soit approximativement 1/15.000e de la production de l'ensemble des glaciers qui atteint le chiffre astronomique de 370 millions de tonnes.

Glace et toundra
Même si un quart de sa surface se situe en dessous du cercle polaire arctique, le Groenland ne laisse aucune place à la taïga. Quatre cinquième de son étendue globale sont recouverts en permanence par la glace. Restent 20% où la toundra fait valoir deux mois par an ses droits au miracle des vertes prairies et des tapis de fleurs multicolores. Curieusement, la flore est plus variée et plus abondante sur la côte soumise au courant glacial du nord-est. Étrangement aussi, des plantes à fleurs apparaissent aussi bien au sud que dans l'extrême nord du pays. Mais dans l'ensemble, l'environnement est particulièrement inhospitalier. Certains animaux savent pourtant s'en contenter, de l'ours blanc au boeuf musqué en passant par le renne, le phoque, le morse, le renard polaire, le lemming, le loup blanc, le lièvre arctique mais aussi par les seuls oiseaux qui hivernent sur place : la chouette harfang, le faucon gerfaut et la perdrix des neiges. A noter par ailleurs l'élevage de bovins et d'ovins dans la partie méridionale, plus pluvieuse et au climat instable, ainsi que la présence de nombreux insectes et de quatre espèces de papillons dans la zone la plus septentrionale du pays.

.