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Les régions polaires Antarctiques | Les glaces de l'Antarctique | Les glaces océanes Un iceberg de la taille du Luxembourg ; l'affaire de l'A25 Le 25 février 1995, un communiqué de presse en provenance du British Antarctic Survey (BAS) (1) annonçait au monde entier que deux événements majeurs venaient de se produire le long de la côte est de la péninsule Antarctique : d'une part, la plate-forme de glaces flottantes qui reliait la côte et l'île Ross par le détroit du Prince Gustav venait d'éclater en mille morceaux. De l'autre, un gigantesque iceberg (qui allait être appelé A25) s'était formé à deux semaines d'intervalle en se détachant de l'ice-shelf de Larsen ; mesurant 78 kilomètres de long sur 37 de large et couvrant une superficie de 2400 km², l'iceberg pouvait être comparé à la taille du Luxembourg.
Dans le communiqué de presse, le glaciologue David Vaughan précisait que le échauffement progressif et local de cette partie de l'Antarctique a joué un rôle prépondérant dans ce qui venait d'arriver. Beaucoup de scientifiques regrettèrent en tout cas que la presse s'emparât ainsi de l'information pour faire un amalgame de plus, dramatiser encore l'évolution du climat mondial et attribuer aux événements de l'Antarctique une importance exagérée qu'ils n'avaient pas. "Nous vivons des médias et nous mourrons par les médias ; c'est aussi vrai pour les glaciologues que pour Madonna...", pouvait-on lire sur le réseau Internet le 1 mars 1995 sous la plume d'un glaciologue américain. Au-delà des débats qui suivirent l'annonce de ces deux événements, cet exemple a contribué à mieux faire connaître les problèmes liés à la fonte des glaces. Une fois n'est pas coutume, la gent scientifique était sortie de son habituelle cage de verre pour s'exprimer publiquement et tâcher de faire comprendre à tous ce qui se passait réellement dans la partie occidentale du 6e continent. Une seule question, en fait, se répandit dans le monde ; la naissance de l'A25 et la dislocation de l'ice-shelf du Prince Gustav étaient-elles, oui ou non, des signes évidents du réchauffement de la planète ? En matière scientifique, les réponses ne sont jamais simples.
De manière plus générale, on peut conclure en précisant que le vêlage inattendu ou soudain d'icebergs n'est pas nécessairement un signe de déséquilibre dans le milieu des glaces antarctiques. Les scientifiques belges Tony Van Autenboer et Hugo Decleir ont pu, en effet, observer (entre 1967 et 1969, alors qu'ils travaillaient en collaboration avec leurs collègues de la base sud-africaine de Sanae) la naissance d'icebergs géants provenant de la dislocation d'une presqu'île de glace de plus de 4.000 km² située à 150 kilomètres en face d'un immense glacier, le Jutulstraumen. S'ils n'avaient pu mesurer à la fois les dimensions, la vitesse d'écoulement et le débit de ce monstre en même temps que la superficie et l'épaisseur des ice-shelfs qu'il avait produit entre lui et la presqu'île, ils se seraient alors sans doute posé les mêmes questions au sujet des origines de cette cassure que celles qui viennent d'être soulevées à propos de l'affaire de l'A25. Mais les résultats de leurs calculs leur ont indiqué une autre direction : celle - toute naturelle - du mécanisme des glaces et des lois de l'équilibre. Deux ans de travail dans le glacier et sur les ice-shelfs limitrophes avaient, en effet, montré que la presqu'île en question avait mis environ une centaine d'années à être formée par le débit continu de son glacier et que, si elle avait été disloquée en quelques mois, c'est que le volume de ses glaces était devenu trop important pour qu'elle puisse continuer à être solidaire de l'ice-shelf auquel elle était, depuis un siècle, rattachée.
(1) Le British Antarctic Survey (BAS) est un institut de recherche britannique dont les objectifs premiers visent à mener des programmes de recherches scientifiques de haut niveau en Antarctique. Ces programmes ont pour double but de faire jouer à l'Angleterre un rôle influent dans la région et de donner au pays une voix non négligeable lors des discussions entre les pays membres du Traité de Washington. Les études menées par le BAS concernent tous les aspects et toutes les disciplines scientifiques ; elle profitent de la présence sur le terrain de plusieurs stations permanentes pour concentrer leurs efforts sur les problèmes qui concernent à la fois l'avenir de la région (l'Antarctique) et celui du monde -le réchauffement global de la planète ou la pollution des océans, par exemple.
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