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Une immense banquise

Effrayantes, gigantesques, mystérieuses, les banquises antarctiques -appelées aussi pack par les Anglais- naissent en hiver et disparaissent presque entièrement en été; 20 millions de km² de glace en septembre (ce chiffre est revu à la baisse -15 millions- si l'on décompte les zones d'eaux libres comme les chenaux ou les polynies) et 4 millions de km² (3 millions), six mois plus tard.

Lorsque viennent les semaines de grand gel et que les conditions de prise de glace sont optimales, le front de la banquise peut progresser de 4 kilomètres par jour, s'accroître d'environ 100.000 km² en vingt-quatre heures et s'étendre jusqu'à 3.000 kilomètres des côtes antarctiques, dépassant ainsi le cercle polaire austral. Ce gigantisme vient du fait que, contrairement aux glaces arctiques qui sont enserrées par des terres émergées, le pack antarctique est libre de ses mouvements ; cette autonomie a donné naissance à ce lent et énigmatique mouvement de la glace, plus connu sous le nom de dérive de la banquise.

On peut rappeler ici l'hivernage du bateau belge la Belgica qui fut le premier à hiverner dans les eaux australes. Entre le début du mois de mars 1898 et le 14 mars 1899 (jour de leur libération), malgré son immobilité totale dans un étau de glace, le trois-mâts barque a parcouru, sous le seul effet de la dérive, la bagatelle de 1.700 milles nautiques et est sorti du pack à 335 milles au nord-ouest de la position observée le jour où l'étreinte de la banquise les a surpris !

Les observations de la dérive de la banquise se sont poursuivies après la dérive de la Belgica, que ce soit grâce à d'autres bateaux, à des navires scientifiques ou en suivant des sondes déposées sur la glace. Récemment, une équipe de scientifiques américains et russes a même été déposée sur un morceau de banquise dans la mer de Weddell sur lequel elle a dérivé plusieurs mois, fournissant des données particulièrement intéressantes.

Tous ces efforts ont permis de mieux comprendre les causes du mouvement de la glace. La force principale entraînant la glace semble être le vent. Une règle approximative fournit une vitesse de la glace de l'ordre de 2% de la vitesse du vent lorsque la couverture de glace n'est pas trop dense - c'est-à-dire 0,5 km/h pour un vent de 25km/h. Viennent ensuite l'effet de l'océan, la force de Coriolis qui a tendance à dévier la glace vers la gauche en Antarctique et les forces internes de la glace qui peuvent broyer un navire, comme ce fut le cas lors du naufrage de l'Endurance, le voiler de l'explorateur anglais Shackleton, notamment.

Tout ce qui concerne la banquise antarctique revêt une importance considérable lorsqu'on considère la climatologie mondiale. 15 ou 20 millions de km² de mer ne sont, en effet, pas transformés chaque année en glace sans que ce couvercle saisonnier n'altère profondément les échanges habituels qui ont lieu entre l'océan et l'atmosphère et qui, justement, influencent le climat : niveau des gaz (CO2 notamment), transferts de chaleur (tout le monde sait que la glace est un bon isolant), réflexion des rayons solaires.
D'autre part, la formation de la glace affecte fortement la circulation océanique inter-hémisphérique. Le procédé est simple à comprendre. L'eau de mer ne gèle qu'à -1,8°C ; en se congelant, elle rejette la majeure partie du sel qu'elle contient vers l'océan. Ce dernier devient naturellement plus salé et donc plus dense (plus lourd). Cette eau "lourde" est entraînée vers les grandes profondeurs et, finalement, occupe le fond de la majeure partie des océans. En fait, les eaux présentes à plus de 3.000 mètres dans les océans Atlantique, Pacifique ou Indien proviennent en grande partie de l'océan Antarctique.