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Iceshelfs & Icebergs

les Iceshelfs

L'ice-shelf ou plate-forme de glaces flottantes peut être comparé à une énorme dalle de glace qui, soudée au glacier producteur, est déversée par lui sur l'océan. Il ne s'agit donc pas de glaces marines mais de glaces terrestres qui viennent s'écouler sur la surface de l'océan.

C'est le cheminement millénaire des glaciers et leur incroyable épaisseur qui ont pu produire au fil des siècles des telles coulées. Les plate-formes de glaces flottantes sont intéressantes à plus d'un titre. Actuellement, grâce aux radio-échosondages, il est, en effet, possible de déterminer avec précision l'endroit où l'ice-shelf se détache du substrat rocheux ; ce sont des zones réputées dangereuses en raison de l'effet charnière qu'y subissent les glaces et des nombreuses crevasses qui s'y produisent. Un autre phénomène a éveillé l'attention des scientifiques ; ces derniers ont observé, en effet, que les eaux provenant de la formation de la banquise proche du continent - des eaux denses en raison de leur forte salinité (rejet de sel lors de la formation de la glace) - effectuent un trajet sous-marin en dessous de l'ice-shelf en direction du point d'ancrage.
Parce qu'elles sont amenées à plus forte pression, ces eaux se trouvent au-dessus de leur point de congélation et disposent, dès lors, de calories suffisantes pour faire fondre une certaine quantité de glace se situant à la base de l'ice-shelf. Ce qui provoque des eaux de fonte naturellement moins denses (la glace de l'ice-shelf est une glace terrestre et donc non salée) qui se faufilent en-dessous de la plate-forme de glaces flottantes ; parce que leur pression diminue, elles sont amenées au-dessous de leur point de congélation et forment des dépôts de glaces (ce qu'on appelle le fraizil ou glaces marines) qui viennent se coller sous l'ice-shelf, l'épaissir et donc, le renforcer.

Jean-Louis Tison, un géographe physicien belge de l'ULB, dont la carrière a bifurqué vers la chimie des glaces, décrit l'importance de ce phénomène : "Les vents catabatiques, explique-t-il, sont capables, par leur violence inouïe, d'éroder fortement la glace de surface de l'ice-shelf et provoquer ainsi une disparition progressive de la glace continentale au profit d'un apport de glaces provenant du dessous de la plate-forme. Plus il y a de glaces marines se formant par le dessous de l'ice-shelf, plus la plate-forme est stabilisée sur les eaux et plus l'écoulement qui vient de la calotte glaciaire est freiné par ce processus. Ce qui implique d'une part que le décrochage des icebergs est lui aussi freiné et de l'autre, que la participation de la calotte glaciaire au relèvement du niveau marin est limité. Si, au contraire, la part de la fonte liée au réchauffement de l'océan augmente, l'épaisseur des ice-shelfs diminue et, au lieu d'être renforcées, ces plates-formes sont rendues plus fragiles; ce qui entraîne une écoulement vers l'océan plus rapide ainsi qu'un drainage des glaces de la calotte glaciaire plus important. Ce mécanisme pourrait, à la longue, déstabiliser une grande partie de la calotte glaciaire antarctique et avoir les conséquences que l'on devine sur le relèvement des niveaux marins."

Quoiqu'il en soit, le spectacle offert par les ice-shelfs lorsqu'ils sont en bout de course est souvent grandiose ; une falaise verticale qui tombe à pic sur l'océan. La plus grande plate-forme de glaces flottantes de l'Antarctique est l'ice-shelf de Ross. D'une superficie approximative de 540.000 km², elle retient le tiers de toutes les glaces flottantes de l'Antarctique et mesure 900 mètres d'épaisseurà son point de charnière et 200 mètres au front. C'est là que vont se produire les fractures ; c'est là que vont naître les icebergs.

Les Icebergs

Contrairement à l'ice-shelf qui est une forme de glace peu connue du grand public, l'iceberg, lui, fait partie de la saga polaire. Depuis des temps les plus reculés, ces énormes blocs de glace ont, en effet, provoqué des catastrophes et terrifié les navigateurs. Ces derniers racontent souvent que, lorsque la visibilité des 40e parallèles empêche de voir les icebergs de loin, ils consultent le thermomètre pour détecter la moindre variation de température; une chute brusque de un ou deux degrés peut, en effet, vouloir dire que l'on se trouve dans les environs immédiats - deux ou trois kilomètres au plus - d'un iceberg.

Les icebergs sont plusieurs milliers autour de l'Antarctique; en 1985, une expédition scientifique en a dénombré pas moins de 30.000 dans une zone de 4.000 km², entre 40° et 168° de longitude est, et l'on estime qu'environ 1.500 km³ de glace se détachent chaque été des ice-shelfs sous forme d'icebergs. Leur taille va naturellement du glaçon qui tombe soudain de la falaise au bloc gigantesque qui met des années à se détacher du glacier auquel il appartient. Le 12 novembre 1956, le navire américain Glacier a signalé la présence d'un des plus gros icebergs jamais vus : il mesurait 335 kilomètres de long sur 97 km de large, soit la taille de la Belgique et, vu sa hauteur et sa forme, devait contenir au moins 31.000 km³ de glace.

D'une manière générale, l'Antarctique produit des icebergs plus grands que ceux qui se sont séparés de la calotte polaire ou des glaces arctiques; ils peuvent peser jusqu'à 400 millions de tonnes, présenter la même hauteur sur l'eau qu'un building de dix étages et contenir assez d'eau douce pour alimenter une ville de trois millions d'habitants pendant un an.