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Peut-on remorquer des icebergs ?

Le formidable réservoir d'eau douce que constituent les icebergs a de tous temps fasciné l'imaginaire des navigateurs. Au XVIIIe siècle déjà, le célébrissime James Cook qui explorait le Pacifique Sud n'avait-t-il pas prélevé sur des icebergs qui se trouvaient au-delà du cercle Antarctique plus d'une vingtaine de tonnes de fragments de glace pour reconstituer ses réserves d'eau ?
L'Antarctique ne stocke-t-il pas dans ses flottes d'icebergs ce qu'on admet être le tiers des besoins annuels de la planète en eau ? A l'époque où, dans certains pays arides, les besoins en eau posent de véritables problèmes, n'était-il pas logique que certains esprits particulièrement aventureux pensent à mettre tout en oeuvre pour remorquer ces géants ?

EN 1977, LE PRINCE MOHAMMED AL FAICAL D'ARABIE SAOUDITE CREA UNE SOCIETE QUI FUT CHARGEE D'ETUDIER LE FAISABILITE DU REMORQUAGE D'UN ICEBERG DE 100 MILLIONS DE TONNES DES EAUX AUSTRALES JUSQU'AU PORT DE DJEDDAH, SOIT SUR UNE DISTANCE DE 14 000 KILOMETRES...

C'est dans les années 1950 qu'on commença à échafauder des théories sérieuses en ce qui concerne le remorquage d'icebergs ; c'est l'océanographe John Isaacs de la Scripps Insitution à la Jolla (Californie) qui fut un des premiers à sérieusement envisager le remorquage d'icebergs en provenance de l'Antarctique. Il avait en effet calculé qu'une flotte de six puissants remorqueurs pourrait, en quelques mois, hâler depuis le 65° de latitude sud un iceberg mesurant une trentaine de kilomètres de long.

Vingt ans plus tard, deux autres scientifiques américains, John Hult et Neil Ostrander, imaginèrent plus fort encore : remorquer non plus un iceberg à la fois mais relier des icebergs entre eux, les tailler de telle sorte que leur partie avant ressemble à l'étrave d'un navire et pénètre ainsi plus facilement dans l'eau, constituer ainsi un d'attelage d'icebergs et tirer le tout grâce à la puissance de remorqueurs à propulsion nucléaire.

Dans la saga des remorquages d'icebergs, il y eut aussi les rêves un peu fous du prince Mohammed al Faiçal, l'un des fils du roi Faiçal d'Arabie Saoudite. L'idée lui vint après avoir comparé ce que représenterait un remorquage d'iceberg tel que le concevaient Hult et Ostrander et le coût d'un gigantesque plan de désalinisation d'eau de mer. En 1977, le prince créa une société qui fut chargée d'étudier la faisabilité du remorquage d'un iceberg de 100 millions de tonnes des eaux Australes jusqu'au port saoudien de Djeddah, soit sur une distance de 14.000 kilomètres ! On se souvient encore de la sensation que provoqua le prince arabe lorsqu'il offrit, lors d'une de ses conférences sur le remorquage d'icebergs (cela se passait au campus de l'université de Ames dans l'Iowa), des cubes de glace qui provenaient d'un iceberg de deux tonnes qu'il avait fait spécialement hélitreuillé au large de l'Alaska.

A l'autre bout du monde, les glaciologues australiens ont imaginé, un jour, de remorquer des icebergs antarctiques jusque dans les zones arides de leurs villes du sud, comme Perth ou Adelaïde. Bien qu'ils aient été pensés avec tout le sérieux nécessaire, ces projets n'ont jamais pu être menés à bien en raison des multiples problèmes que pose un éventuel remorquage : vitesse ridiculement lente du convoi (moins de 2km/h), tendance des icebergs à se retourner ou se disloquer, fonte d'une partie de l'iceberg en cours de route et isolation de celui-ci, approche des zones portuaires et accueil de l'iceberg, transformation de sa glace en eau, etc. Pour l'instant donc, même si certains croient peut-être encore à l'un ou l'autre de ces projets fous, les scientifiques et les financiers sont unanimes pour admettre qu'une telle opération ne verra sans doute jamais le jour.