Les régions polaires Antarctiques | L'océan Austral

Un océan pas comme les autres

Depuis le développement de l'océanographie au cours de l'entre deux-guerres, le doute n'est plus permis : l'océan Austral, jadis appelé océan glacial antarctique, est le coeur de l'océan mondial. Il fonctionne comme un puissant moteur qui distribue dans les autres océans du monde - Pacifique, Atlantique et Indien - des quantités d'eau telles que les grands mouvements océaniques en dépendent étroitement. Seul océan au monde à circuler sans obstacle (le seul point de ralentissement sensible étant la pointe sud de l'Amérique du Sud) autour d'un continent, ses dimensions sont gigantesques ; d'une profondeur moyenne de 4 kilomètres, sa surface totalise (si on limite ses frontières à la convergence subtropicale) 75 à 80 millions de km², soit près de 20 % de la surface totale des océans du monde. Parce que la chaleur fournie par cet océan est -dans cette région du moins- supérieure aux calories distribuées par l'énergie solaire (la température de ses eaux varie de -1,8°C, le point de congélation, à 10°C), son influence est grande sur le climat antarctique (voir chapitre climatologie et échanges océan-atmosphère).

L'océan Austral renferme également le courant le plus puissant du monde : le courant circumpolaire antarctique. Les océanographes ont calculé (1) que pas moins de 150 millions de m³ par seconde (en fait, les chiffres varient entre 130 et 190 millions de m³) passent entre l'Antarctique et l'Afrique. Soit quatre fois le débit du Gulfstream, 400 fois celui du fleuve Mississipi et 1.000 fois celui de l'Amazone. Sous l'action des vents dominants (les fameux quarantièmes rugissants et cinquantièmes hurlants) et de la force de Coriolis, il tourne d'ouest en est sur une distance d'environ 24.000 km et mesure entre 200 et 1.000 kilomètres de large ; aux abords des littoraux antarctiques, le sens giratoire du courant austral est inversé et les eaux côtières antarctiques tournent d'est en ouest.

Ces deux zones de circulation hydrologique sont séparées par une ligne fictive appelée ligne de divergence antarctique ; une autre séparation, la ligne de convergence antarctique ou "front polaire", déterminée à la fois par le système des vents, les pressions atmosphériques, la circulation sous-marine des masses d'eaux et la topographie des fonds océaniques, sépare, en théorie, l'océan Antarctique proprement dit, au sud des eaux subantarctiques plus tempérées, au nord.

Une autre frontière virtuelle aide à définir plus précisément les limites de ce vaste océan Austral : la convergence subtropicale, qui ondule aux alentours des 40° de latitude sud.

Pas moins de 150 millions de m³
par seconde passent entre l'Antarctique
et l'Afrique

C'est à partir de ces régions que la température des eaux chute brusquement ; en quelques dizaines de kilomètres seulement, le thermomètre plongé dans l'eau de mer passe, en effet, de 17° à 12°C. Ce front est généralement caractérisé par la présence de nombreux nuages et par une concentration anormalement importante d'oiseaux de mer. Bien que tous ne soient pas unanimes en ce qui concernent ces frontières et ces appellations, on peut dire que c'est à partir de cette frontière hydrologique que commence l'océan Austral. Au front polaire, les températures s'abaissent de 12° à 7°C.

Cette distribution des masses d'eau n'est pas uniforme ; dans l'une ou l'autre région de l'océan Austral, des facteurs comme le relèvement des fonds marins ou leur topographie tourmentée - voire encore le relief des côtes - agissent tantôt comme étau de resserrement des eaux, tantôt comme sources de turbulences pouvant créer des tourbillons océaniques tels que ceux des mers de Weddell et de Ross, par exemple, deux profondes échancrures qui entaillent les terres antarctiques.

 

 

(1) Les calculs ont été réalisées pour la première fois par Harald Sverdrup alors directeur de la Scripps Institution of Oceanography à La Jolla (Californie) et publiés en 1942. Cet éminent océanographe avait basé son travail sur les observations faites au cours de l'entre-deux guerres par les campagnes hauturières du navire britannique Discovery.