TRANSARCTIQUE 2000
Arnaud Tortel et Rodolphe André
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Semaine du 03 au 10 juin
Mardi 13 juin / 10am : A l'heure qu'il est, les deux Français n'ont pas encore rejoint Resolute Bay, mais nous savons que l'hélico canadien qui avait accepté la mission s'est posé sans encombre à leur camp de base et qu'ils ont été enfin secourus hier soir. Cela dit, ils doivent encore attendre à la base Eureka que le Twin vienne les chercher là-bas.
Nous avons d'autre part des infos en ce qui concerne le vol du Twin samedi dernier ; ce fut, paraît-il épique ! Car en effectuant le premiet touch and go, les vitres de l'avion ont volé en éclats à cause de gros morceaux de glace qui ont heurté violemment les hélices. Et, de plus, lorsque l'appareil est rentré sur Eureka, une forte tempête soufflait sur la région et le pilote ne voyait presque plus rien au moment de toucher la piste. Ce fut un véritable miracle que l'atterrissage se soit pour finir bien passé. Il faut dire que les pilotes canadiens qui effectuent ces opérations sont passés maîtres dans ce type de manuvre.
Ce dernier communiqué met fin au suivi de cette expédition.
Dimanche 11 juin / 6 pm : Hier samedi 10 juin, une nouvelle tentative a été effectuée par le Twin de First Air pour aller rechercher les deux Français qui sont toujours sur la banquise - la fenêtre météo était favorable.
Las ! Bien que le bimoteur soit parvenu sur zone dans de bonnes conditions, l'atterrissage n'a pas pu avoir lieu. En effet : dans ce type de circonstances et surtout sur ce type de terrain, le Twin effectue toujours plusieurs TOUCH AND GO avant de se poser définitivement sur la glace ; ce qui signifie que l'avion effectue plusieurs manuvres d'atterrissage en touchant la surface de ses skis, comme s'il s'agissait de la bonne mais en ne ralentissant pas définitivement sa vitesse. Ce qui permet de tester les conditions d'atterrissage réelles.
Hier, le Twin a tenté de se poser 7 fois ! Mais la glace était manifestement trop molle - les skis s'enfonçant de plus de 70 centimètres. Dans ces conditions, pas question d'atterrir. On imagine la déception de Arnaud et de Rodolphe qui ont vu sept fois l'avion faire mine de se poser et repartir tout aussitôt ! Aujourd'hui dimanche 11 juin, la petite équipe française s'inquiétait sérieusement du sort des deux hommes. La dernière solution s'offrant à eux étant le recours à un hélicoptère assez puissant pour faire l'aller retour.
Grâce aux compétences du météorologiste de Resolute et à l'amabilité des Canadiens qui ont une base militaire tout au nord de l'île d'Ellesmere - Alert - et qui ont accepté d'aller secourir les deux hommes, un hélico est enfin parti cet après-midi vers le camp des Français.
A l'heure qu'il est, ils devraient être de retour à Resolute.
09 juin / 8 pm : Hier soir jeudi, tout était prêt pour que décolle de Resolute Bay le Twin Otter qui devait aller chercher Arnaud et Rodolphe. Il y avait une fenêtre météo favorable de 12 heures et malgré une activité solaire extrêmement intense qui était de nature à empêcher toute communication radio entre les avions, le Twin a quand même pris l'air.
Après le traditionnel stop de refuelage à Eureka, le bimoteur est parti vers le lieu de rendez-vous balisé par les deux Français - ou plutôt, balisé par Rodolphe car Arnaud, lui, ne peut toujours pas marcher.
Mais un quart d'heure avant d'arriver, le pilote et son équipage ont été pris dans un immense brouillard. L'appareil a tout de même continué sa route ; c'est ainsi qu'il a pu survolé brièvement le camp établi par les deux hommes mais sans avoir la possibilité d'atterrir.
Pas de chance ; en retournant vers Eureka, ils ont pu toutefois larguer quelques vivres, ce dont les hommes avaient le plus besoin. Le colis a paraît-il éclaté en touchant la glace mais Arnaud (qui va beaucoup mieux) et Rodolphe ont quand même pu sauver un peu de nourriture. Gageons que dans le paquet surprise, il y avait les fameuses Terry's Cookies...
Ce qu'il a de plus délicat dans cette opération de sauvetage - qui est loin d'être terminée - c'est que, pour l'instant, il règne des températures trop positives sur la banquise arctique - entre + 2° et + 5°C. Ce qui signifie que la glace fond de plus en plus.
Pas trop de problème pour atterrir avec un Twin sur ce type de surface - glace molle et neige mouillée. Mais il n'en va pas de même lorsqu'il faut décoller... Les skis de l'avion s'enfoncent et collent à la neige, empêchant l'appareil de décoller sur une courte distance..
Pour avoir déjà eu la chance d'atterrir et de décoller au pôle Nord (c'était lorsque la presse belge avait été chercher le duo Hubert-Goetghebuer après leur aventure vers le pôle Nord, en mai 1994), je puis vous dire que même, dans des conditions que les polaires qualifient de normales, atterrir et décoller là-bas donne froid dans le dos...
Alors ? Quand vont-ils revenir sur la terre ferme ? Nul ne le sait. Car la prochaine fenêtre météo qui pourrait permettre d'envisager l'opération est prévue seulement pour dans 4 ou 5 jours..Et d'ici là, la glace va fondre encore et encore...
07 juin : Hier après midi à environ 85°08'N et 71°00'W. Alors les deux hommes continuaient malgré tout de progresser, Arnaud Tortel, qui avançait loin devant son compagnon Rodolphe, a fait une sérieuse chute en franchissant une crête de compression (hummock) - la grande fatigue sans doute... Entraîné par le poids, son traîneau a heurté sa tête provoquant une commotion cérébrale. Lorsque, quelques minutes plus tard, Rodolphe est arrivé à sa hauteur, Arnaud était encore dans une demi inconscience. Il divaguait et avait du sang sur la figure.
Après avoir repris enfin repris ses esprits, Arnaud a été obligé de constater que le bilan, sans être très grave, était pourtant sérieux ; il avait une méchante entorse au genoux et une côte enfoncée. Rodolphe déclencha tout aussitôt la balise Argos. Et se mit en quête d'un terrain d'atterrissage propice pour les secours.
Il y a eu toutefois plus de peur que de mal car, le soir même, Arnaud rassurait les siens à Dieulefit en leur disant que, même s'il ne pouvait plus marcher, il était capable de se prendre en main ; acuponcture et strapping autour du genou. Il a également pu joindre Christian de Marliave (Cercles polaires Expéditions) qui a assuré la logistique de l'expédition. "Il avait mal lorsqu'il parlait", nous a déclaré Christian cet après-midi, mais Arnaud sait comment manger de telles situations..."
Cet incident met malheureusement fin à l'expédition française ; il reste à souhaiter que le temps s'améliore rapidement. Car, pour l'instant, même si un terrain de glace est découvert par Rodolphe, qui puisse permettre l'atterrissage du Twin Otter en provenance de Resolute Bay, aucun avion ne peut se porter à leur secours, à cause du white out qui règne depuis plusieurs jours sur la glace arctique. Et les deux hommes ne peuvent pas attendre trop longtemps car ils commencent à être à court de vivres...
06 juin : Nous savons cependant que Arnaud et Rodolphe sont au bord de l'abandon. Ils seraient dans l'incapacité de continuer leur expédition, tant la glace se brise et le terrain devient chaotique, voire impraticable.
Preuve : par jour, les deux hommes tombent au moins deux ou trois fois dans l'eau. Certes, c'est plus grave lorsque la température ambiante évolue dans les - 40°C. Mais quand même, marcher avec les vêtements mouillés alors qu'il gèle, ne facilite ni les cabrioles ni les mouvements en général.
Or, ils doivent en faire de plus en plus chaque jour. Comme il reste encore plus de 150 km à faire dans des conditions qui ne vont faire qu'empirer, il est presque certain que Arnaud et Rodolphe vont demander à Resolute d'envoyer le Twin sous peu.
Dans ce cas, cette expédition serait donc - en terme de résultats secs - un échec. Si l'on parle du binôme mental-physique, en revanche - et à ce sujet, il n'est point besoin d'attendre confirmation pour en dire un mot - , ce raid restera aux yeux de tous comme un très bel exploit.
Tout ceci devrait naturellement être confirmé sous peu. Mais nous craignons que le site internet ne soit désormais déjà plus alimenté...
Une foule d'enseignements de toutes natures peuvent naturellement déjà être tirés des expériences polaires de ce printemps 2000. Nous avons demandé à Alain Hubert d'écrire quelques lignes à ce sujet.
En attendant ses réactions, ce que l'on peut dire d'ores et déjà, c'est que le duo Hubert-Dansercoer - qui va tenter, en 2002, une aventure bien plus difficile encore (trajet plus long de 1000 km), - devra partir sur la glace bien plus tôt dans l'année que ne l'ont fait les Norvégiens qui, on peut le dire, sont passés in extremis. Ce qui devra situer le début de l'expédition belge vers la mi janvier de l'an 2002.
02 juin : Depuis le 31 mai, plus de nouveau contact avec l'expédition française.
Du 21 mai au 2 juin
Avec le temps qui passe, Arnauld et Rodolphe progressent de plus en plus lentement et de plus en plus difficilement.
Ils sont freinés, on s'en serait douté, par la douceur des températures qui oscillent - entre - 2° et - 5° C -, qui font dégeler la banquise et leur barre la route, avec toutes ces eaux libres qu'il faut traverser en transformant les traîneaux en embarcation amphibie.
Un bras d'eau d'une petite centaine de mètres, ils mettent environ trois quarts d'heure pour le traverser : et il s'en présente de plus en plus sur leur route. Le 28 mai, ils ont mis deux heures pour franchir une eau libre qui ne mesurait guère plus de 80 mètres de large.
Ce qu'il y a de plus fatiguant dans ces passages d'eaux libres, c'est que, parfois, il faut encore casser à coups de pagaies la fine pellicule de glace qui n'est pas encore tout à fait fondue et qui recouvre encore l'eau.
Les voies d'eau et aussi la glace qui devient de plus en plus molle. Inskiable, naturellement. "A chaque pas, ont ils déclaré dans leur communiqué du 24 mai, le pied s'enfonce dans un mélange de neige, de glace et d'eau".
Viennent se greffer sur ces difficultés d'autres obstacles : les jours de white out qui semblent de plus en plus nombreux, les mauvaises dérives qui les fait reculer (le 30 mai, ils ont encore reculé de 6 km !), la faim qui tenaille de plus en plus car, pour atteindre leur but, ils doivent rationner les vivres, malgré les trois ravitaillements qu'ils ont eus en cours de route. A ce propos, voici à quoi sont réduites leurs trois rations quotidiennes : 1 cuiller de flocons d'avoine, 1 cuiller de sucre, 8 noisettes, 4 raisins sec et 1 barre de céréales qu'ils doivent partager en deux !
Et puis, il y a eu une autre terrible nouvelle : contacté par Lycia, le météorologue de Resolute Bay a annoncé qu'il n'y a plus aucune banquise près des côtes du grand Nord canadien, - les Norvégiens ne semblent pas s'inquiéter de cette situation alors que eux n'ont plus de traîneau pour négocier l'élément liquide - autour de Ellesmere, c'est l'océan Arctique dans toute sa splendeur bleue ! Comment vont-ils donc pouvoir passer ?
Le 2 juin, ils sont encore à environ plus de 220 km du but.
Semaine du 13 au 20 mai
Si les deux Norvégiens souffrent des douleurs et des paralysies occasionnées par le poids de leurs sacs à dos - je rappelle pour ceux qui ne suivent pas nécessairement toutes les expéditions polaires que les Vikings ont abandonné leurs traîneaux afin de pouvoir progresser plus vite sur la banquise -, les Français, eux, en ont ras-le-bol de ces mouvements de dérive qui leur fait perdre un temps précieux.
Exemple de situation pour le moins difficile à vivre alors que l'on a déjà près de trois de survie sur la banquise dans les gencives : le 14 mai, ils marchent 10 heures et font 20 km dans la journée. Bonne progression. Mais au moment de comptabiliser les calculs, le GPS affiche une position différente : au lieu de faire les 20 bornes escomptées, ils n'en ont parcouru que dix car la banquise les a fait de reculer de... dix kilomètres. Râlant tout de même. Ce qui veut dire que la moyenne du jour est de 1 km/h ! Pas très rassurant, surtout lorsqu'on se trouve encore à 500 km du but et que - la saison aidant - la banquise se fracture de plus en plus. La veille, même topo : en 9h30 de marche, ils n'avancent que de 11 km... 18 mai : durant les 5 premières heures de progression, ils avalent 13 km, durant les 5 heures suivantes, 2 km seulement.
Et puis, il y a eu, le 21 mai, la chute de Tortel dans l'eau... Jusqu'au cou cette fois, et avec les skis aux pieds ! Mieux vaut lire l'extrait du communiqué : "Ils marchaient pourtant très bien mais ils furent stoppés non pas par le jour blanc mais par Arnaud. Cette fois ci, il est passé vraiment à l'eau. Il progressait devant Rodolphe, quand soudain la glace se déroba sous lui. Il tomba à l'eau avec ses skis aux pieds et son traîneau. Il avait de l'eau jusqu'au cou. Pour prendre appui, il essaya de se rapprocher d'un bloc de glace qui flottait non loin de là. Il y parvint en faisant de petit gestes rapellantla brasse. Mais avec des skis au pied, ce fut très diffcile.
Sur le moment, il n'a pas vraiment eu peur. Il avait plutôt une drôle d'impression sachant que sous ses pieds, il y avait 4000m de profondeur. Il est resté une bonne vingtaine de secondes ainsi plongé dans l'océan Arctique. Heurueusement, Arnaud n'a pas senti la fraîcheur de l'eau car celle-ci n'a pas eu le temps de traverser toutes les couches de vêtements. Aidé de Rodolphe, il a pu parvenir sur le bord, lui, ses ski, ses sangles et son traîneau. Naturellement, Tortel a dû se dévétir pour se sécher. Plus exactement, pour faire geler ses vêtements et pouvoir les brosser car l'eau ne s' évapore pas, elle gèle. Imaginez- vous dans votre plus simple élément en plein froid. Le temps de sécher, beaucoup de temps s'est écoulé. Il a donc fallu établir le campement"