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Les régions polaires Antarctiques | Brève histoire de l'Antarctique

Drames, tragédies & exploits (Page 3)



La découverte de l'Antarctique durant l'entre-deux guerres.
L'exploit d'Amundsen et le drame de Scott ont fait grand bruit dans le monde et l'Antarctique est soudain revenu à la une de l'actualité internationale. A cette époque, nombreuses sont les nations qui souhaitent, elles aussi, se lancer à la conquête du 6e continent et inscrire leur nom quelque part sur cette terre qui n'appartient encore à personne. Les espérances sont d'autant plus vives que les régions à découvrir restent vastes et que la découverte de nouvelles technologies viendront nourrir les rêves les plus fous.


1911 : Allemagne.

Une expédition allemande dirigée par le lieutenant major Wilhelm Filchner quitte Bremerhaven à bord d'un trois-mâts, le Deutschland, pour se rendre dans l'Antarctique. Son objectif était de vérifier si, entre la mer de Weddell et la mer de Ross, il existait un continent ou bien un immense canal d'eau gelée. Arrivés en mer de Weddell, ils découvrent la langue côtière qui porte aujourd'hui le nom de plate-forme glaciaire de Filchner et construisent un baraquement d'où partiront les raids vers le sud. Mais un énorme iceberg se détache du bout de la plate-forme glaciaire où ils ont élu domicile et les Allemands sont obligés de tout redémonter et de battre en retraite. L'hiver austral est à la porte et le Deutschland commence à dériver avec la banquise. Afin de passer ces mois difficiles plus à l'aise, le chef décide d'un autre débarquement. Malgré quelques raids à l'intérieur des glaces et la découverte de lieux géographiques importants situés sur la côte occidentale de la mer de Weddell, l'expédition est un échec.


1911 : Australie.
Douglas Mawson n'est pas néophyte en matière de découverte antarctique ; il a en, effet, participé à l'expédition de Shackleton en 1908-1909 et s'est même payé la frayeur de sa vie en tombant dans une crevasse alors que lui et ses deux compagnons étaient en train de rejoindre la base après avoir été les premiers à atteindre le pôle Sud magnétique. En 1911, l'Australien décide d'aller cartographier les 3.000 kilomètres de côtes antarctiques se trouvant en face des littoraux sud de son pays. Il installe son QG (deux maisons préfabriquées pouvant contenir une vingtaine de personnes) dans la baie du Commonwealth sur une langue rocheuse qui descend vers la mer tandis que son navire va déposer une autre équipe de 8 hommes à 2.500 kilomètres de là. Les deux années passées par l'Australasian Expedition en Antarctique vont être consacrées à des raids en traîneaux le long des côtes qui rapportent une foule de renseignements topographiques de première importance. Mais des blizzards terribles soufflant parfois à plus de 200 km/h retardent les projets de l'Australien et rendent difficiles les progressions en traîneaux. En fait, sans le savoir, Mawson a installé sa base dans un des endroits les plus venteux de tout le continent.
Lors d'un raid vers l'est, Mawson perd les deux compagnons qui l'accompagnent ; le premier tombe dans une crevasse et l'autre, un montagnard suisse de 28 ans, meurt épuisé sur le traîneau que le chef d'expédition est en train de tirer. Ce dernier parvient quand même à rallier sa base ; lorsqu'il rejoint ses compagnons, son état est lamentable, il n'a presque plus de cheveux et l'extrémité de ses membres a depuis longtemps commencé à pourrir.


1922 : Ernest Shackleton.

Le célèbre explorateur anglais, qui entre-temps est devenu Sir Ernest Shackleton, s'en va une nouvelle fois dans l'Antarctique pour diriger des opérations de cartographie dans la région de la mer de Weddell. Mais après avoir autant bourlingué, l'homme est fatigué. Le 4 janvier, il est atteint d'une crise cardiaque à bord du navire qui l'amène sur place et, à 42 ans, meurt dans sa cabine. A la demande de sa veuve, ses compagnons l'enterreront en Géorgie du sud.


1928 : En avion au-dessus de l'Antarctique.

L'explorateur australien Hubert Wilkins (1888-1958) effectue les premiers vols en Lockheed Vega (dont un vol de plus de 1.000 kilomètres) au-dessus de l'Antarctique, dans la région de Bransfield, au départ de l'île de la Déception.


1929 : Etats-Unis.

L'Américain Richard Evelyn Byrd (1888-1957) est une autre figure mythique de la conquête australe. C'est lui, en effet, qui a jeté les bases du transport aérien dans les régions polaires. Trois ans après avoir été le premier à survoler le pôle Nord (1926), il dirige une expédition privée en Antarctique et fonde la base "Little America", sur la plate forme glaciaire de Ross, à proximité de la baie des Baleines. Il s'agit d'une véritable cité souterraine où vivaient une quarantaine d'hommes ; ce fut, en tout cas, la première base antarctique digne de ce nom. Avec ses trois avions, ses équipes de recherches et ses 95 chiens, cette expédition préfigure les gigantesques opérations que vont mener les Etats-Unis dans l'Antarctique quelques années plus tard.
Richard Byrd va aussi être le premier pilote au monde à voler au-dessus du pôle Sud, vol qui est préparé avec minutie à la base pendant le long hiver austral. Ils sont quatre à bord ; Bernt Balchen, pilote, Byrd, navigateur, Harold June, opérateur radio et Ashley McKinley, photographe. Le voyage dure 16 heures et suit pratiquement l'itinéraire d'Amundsen.
Ce fut aussi au cours de cette expédition qu'un raid scientifique de 2.000 kilomètres à l'intérieur des glaces ramène à "Little America" des échantillons géologiques prouvant que les montagnes d'où viennent ces bouts de roches font bel et bien partie d'un continent. Il est intéressant de noter qu'à l'heure où le continent blanc se fait peu à peu coloniser par la technique et les moteurs, les exploits sont toujours dépendants de la bonne vieille technique du traîneau tiré par les chiens. Si Byrd a pu réussir son vol au pôle, c'est parce que plusieurs de ses équipes avaient effectué, avant l'exploit, plus de la moitié de la distance entre "Little America" et le pôle ; raids à traîneaux à chiens au cours desquels des observations météorologiques avaient été faites (sans quoi Byrd n'aurait pas pu partir) et des dépôts de carburant organisés. En juin 1930, Richard Byrd regagne New York où il est accueilli en héros.


1929 - 1930 : BANZARE, première coopération internationale.

Comme les revendications territoriales sur le continent Antarctique commencent à voir le jour, il faut aller cartographier les littoraux antarctiques au plus vite afin de pouvoir débarquer sur les côtes avant les autres et planter les drapeaux respectifs. C'est dans cette idée que part l'expédition organisée conjointement par les Anglais, les Néo-Zélandais et les Australiens. BANZARE est le sigle de British Australian New Zealand Antarctic Research Expedition ; bien entendu, pour ne pas éveiller les soupçons, on donne au projet une priorité scientifique. Le chef de cette première expédition internationale s'appelle Douglas Mawson. Certes, on débarque les scientifiques à terre ; mais les pilotes s'occupent surtout de survoler les côtes, d'atterrir là où ils peuvent et de planter l'Union Jack le plus souvent possible. Deux missions seront ainsi menées; au retour, les autorités britanniques proclament la souveraineté du roi sur les terres découvertes et placent ces nouveaux territoires sous le protectorat du Commonwealth. Désormais, l'Antarctique ne sera plus considéré comme un no man's land.


1934 : seul dans le Grand Sud.

Au fil des ans, les Etats-Unis intensifient leur présence dans l'Antarctique. C'est une nouvelle fois à la tête d'une imposante expédition scientifique que Richard Byrd revient à "Little America" en janvier 1934. Elle comprend, en effet, trois avions, 56 hommes, 153 chiens, un tracteur, deux snowmobiles et trois véhicules à chenilles Citroën. A l'actif de cette nouvelle opération : la preuve qu'entre la mer de Weddell et la plate forme de glaces flottantes de Ross, c'est bien un continent qui existe et non pas de l'eau gelée.

Un an plus tard, Byrd décide d'installer une station météo avancée à 200 kilomètres de "Little America" et d'y passer l'hiver seul. Une autre page d'histoire antarctique sera écrite entre les mois de juillet et août 1934. Car l'Américain va vivre deux mois entre la vie et la mort ; les émanations d'oxyde de carbone du poêle et du générateur dans cette minuscule cabane enterrée sous la glace sont la cause de cette intoxication lente. Mais, que faire ? Par des températures de -79°, il faut quand même se chauffer ! Tout comme Scott, l'explorateur américain fait preuve d'un sens du devoir et du dévouement hors du commun ; il sait que la seule solution pour lui serait d'avertir ses camarades restés à "Little America" puisqu'il est en contact radio régulier avec eux. Mais il sait aussi qu'un voyage de 200 kilomètres dans la nuit polaire ferait courir d'énormes risques à l'équipe de secours. D'ailleurs cette dernière ne serait même pas certaine de trouver l'emplacement de la station. Au sortir du long hiver austral, tout s'arrange. Les compagnons se sont enfin doutés de quelque chose ; lorsque Byrd sera rejoint par les siens, il est tellement affaibli qu'il doit encore attendre deux mois sur place avant de pouvoir monter à bord de l'avion qui le ramène à "Little America". Cinq ans plus tard, en 1939, le même Richard Byrd retournait dans l'Antarctique à la tête d'un expédition organisée cette fois par l'US Antarctic Service et destinée avant tout à réaliser des observations scientifiques.


1935 : un milliardaire se paye le premier vol transcontinental antarctique.

Survoler l'entièreté du continent Antarctique : un rêve du milliardaire américain Lincoln Ellsworth. Il devra quand même s'y reprendre à trois reprises avant de réussir. Le premier essai se termine par une petite catastrophe, le bout de banquise où avaient été installés le monoplan et la base se disloquant pratiquement sous les pieds des aventuriers.
La deuxième fois (en 1935), le businessman ne se propose plus de faire l'aller-retour Ross-Weddell, comme prévu initialement mais de partir de la mer de Weddell et de rallier la plate forme glaciaire de Ross. Il s'agit en tout cas d'une première ; personne, en effet, n'a traversé le continent jusqu'ici. Nouvel échec : en 2 mois d'attente, ils n'ont qu'une demi-journée de beau temps.
Troisième voyage : le camp de base est établi sur l'île Dundee, à l'extrémité de la péninsule Antarctique. Le 23 novembre, Ellsworth accompagné du pilote Herbert Hollick-Kenyon s'envole pour un périple de 3.500 kilomètres.
L'intérêt d'une pareille tentative ? Survoler des régions où l'homme n'a jamais posé le pied, prendre des photos aériennes et satisfaire son ego de milliardaire. Les deux hommes doivent atterrir trois fois en raison des conditions climatiques. Lors de leur dernier arrêt, ils sont bloqués dans la tente pendant 8 jours par un terrible blizzard. Lorsqu'ils parviennent enfin, après plus d'une semaine de voyage (au départ, le vol devait durer 15 heures) au-dessus de la plate forme de Ross, ils doivent atterrir une dernière fois et renoncer à aller plus loin ; le monoplan est en panne d'essence ! Le 15 décembre, les deux aviateurs rejoignent en traîneau "Little America". Le bateau qui devait venir les rechercher de l'autre côté de l'Antarctique est au rendez-vous.


1936-37 : les Anglais à nouveau.
Une expédition britannique passe deux ans dans les parages de la péninsule Antarctique qu'ils explorent encore plus profondément que ne l'avait fait Gerlache en 1897. Grâce à un hydravion, ils découvrent de nombreux passages d'eaux libres et apportent une contribution importante à la connaissance géographique de cette partie du continent.


1946 : opération High Jump, quand les Américains mettent le paquet.

Il s'agit sans doute de la plus grosse opération jamais menée sur le continent austral. C'est l'US Navy qui est en charge du programme et c'est le vétéran Richard Byrd qui est aux commandes. Le but avoué de cette gigantesque expédition : comme toujours, les observations scientifiques mais aussi et surtout les photos aériennes ainsi que la topographie des lieux.
4700 hommes, 13 navires (dont un porte-avions et un sous-marin), 50 hélicoptères, des hydravions et 23 avions sont acheminés sur place. Une base est construite autour de l'ancienne "Little America". Des centaines de tentes sont déployées, où vont s'installer 500 hommes, quasiment sur pied de guerre. On aménage un terrain d'aviation, car ce sont les reconnaissances aériennes qui vont prendre le dessus. Le déploiement de forces est inouï : tous les équipements technologiques existant à l'époque sont utilisés. Comme par exemple ce magnétomètre aéroporté qui peut déterminer le type de roche depuis l'avion qui les survole.
Au cours des six semaines qu'ont duré les opérations, l'opération High Jump a survolé plusieurs millions de km², découvert trois chaînes de montagnes jusque là inconnues et parcouru 36. 000 kilomètres dans les airs. D'autre part, les techniciens ont pu prendre 70.000 photos aériennes ; 60% des littoraux antarctiques ont ainsi pu être étudiés et cartographiés.
Ce que l'armada américaine n'avait pas prévu, c'est l'absence de réelle visibilité au sol ; les photos aériennes ne servent donc pas à grand'chose. Afin de camoufler au plus vite cette bévue, ils envoient un an plus tard dans les mêmes régions une autre importante expédition qui fut chargée, elle, d'étudier de plus près la topographie des côtes et de les jalonner de points de repères précis. Lors de ce voyage, les mauvaises conditions climatiques empêchèrent les Américains de s'intéresser à plus de 1.000 kilomètres de côtes.

 

 

Les sources suivantes ont été utilisées pour rédiger ces textes :
Antarctique, la grande histoire des hommes à la découverte du continent de glace, Sélection du Reader's Digest.
Antarctica, the extraordinary history of man's conquest of the frozen continent, Reader's Digest Association Limited, Australia, 1985
The Explorations of Antarctica the last unspoilt continent, G.E. Fogg & David Smith.
Quinze mois dans l'Antarctique, Adrien de Gerlache.
Victoire sur la nuit antarctique, Adrien de Gerlache.
L'Odyssée de l'Endurance, première tentative de traversée de l'Antarctique, Sir Ernest Shackleton.
Explore Antarctica, Louise Crossley.
Au coeur de l'Antarctique, Vers le pôle sud, 1908-1909, Sir Ernest Shackleton.
Explorateurs et Explorations, Raymond Cartier.