Les régions polaires Arctiques | La saga de l'Arctique (page 1)

1 / Des origines jusqu'à 1895 : le temps des calvaires (page1)

En 330 av JC, Pythéas, le Grec de Masillia a-t-il menti ?
Pythéas fut un grand navigateur grec qui résidait à Marseille (Masillia) ; vers 330 avant notre ère, il entreprend un grand voyage en bateau vers les régions du Nord de l'Europe. On connaît évidemment peu de détails sur cette entreprise, sauf le fait qu'il a réellement vu le soleil de minuit et qu'il a accosté un pays qu'il a baptisé Thulé. A son retour, ses compatriotes le traitent de menteur.

En 982, Eric le Rouge, le Viking est banni de la terre d'Islande.
Pour avoir tué deux fils d'un de ses ennemis, Eric le Rouge doit quitter sa patrie l'Islande. Au lieu de retourner vers la Norvège d'où étaient originaires les siens, il met le cap au sud-ouest. Après une navigation de 5 jours, il découvre une terre aux praires vertes qu'il baptisera le Groenland (le pays vert). vingt ans plus tard, un de ses fils sera le premier homme à fouler la terre d'Amérique en débarquant à Terre Neuve.

En 1553, Sir Hugh Willoughby obéit aux ordres.
Vient le temps des grandes découvertes. L'Angleterre veut découvrir une route septentrionale vers les Indes, qu'on appelait à l'époque Cathay. C'est Sir Hugh Willoughby qui est investi de cette importante mission ; en 1953, le navigateur s'en va vers les mers du Nord armé de trois vaisseaux. Bloqué par les glaces, le marin décide d'obéir aux ordres et d'hiverner au large des côtes de Sibérie. Tout l'équipage est retrouvé mort par des autochtones un an plus tard.
Richard Chancellor, commandant du 3e navire, a plus de chance ; il trouve refuge dans la baie d'Arkhangelsk ; apprenant cela, le Tsar l'invite à Moscou. Deux ans plus tard, en 1555, sera fondée la Compagnie anglaise de Russie.

En 1576, Martin Frobisher pense avoir trouvé de l'or dans le grand Nord.
Après 15 ans de recherches de commanditaires, cet aventurier navigateur britannique s'en va vers l'Arctique avec deux navires. En Juin 1576, il reconnaît le sud du Groenland et rencontrent les premiers Esquimaux. De ce premier voyage il ramène des pierres noires striées de jaune : à Londres on pense que c'est de l'or. D'où la mise dur pied de deux autres expéditions que l'on croit fort prometteuses (1577 et 1578) : mais il s'avère que ces pierres ne sont que de la vulgaire pyrite de fer.

En 1585, l'Anglais John Davis découvre le détroit qui mène vers la route des Indes.
Trois voyages entrepris par ce navigateur britannique ne suffiront pas pour atteindre l'extrémité du détroit auquel Davis donne son nom ; le passage du Nord Ouest vers la route des Indes est effectivement trouvé, du moins Davis en est convaincu. L'inventeur du quadrant (ancêtre du sextant) a raison : ses observations seront d'une grande utilité pour les explorations futures.

Dès 1597, Barents et les Hollandais tentent à leur tour de découvrir le fameux passage.
Comme les Provinces unies des Pays-Bas viennent de se débarrasser du joug espagnol, elles se lancent, elles aussi, dans la conquête du passage septentrional qui doit mener aux Indes orientales. Trois voyages durant (1594-1597), le pilote hollandais Willem Barents va tenter de forcer le destin. Mais les résultats de ses expéditions sont maigres : les marins chassent chassent l'ours et l'un d'entre eux se fait blesser à mort par un grand mâle. Lors du 3e voyage, Barents prend pied sur le Spitzberg. Avant de continuer vers le sud-est. Le 19 août 1596, l'expédition est immobilisée par les glaces, ils construisent une cabane pour passer l'hiver. Neuf mois plus tard, en mai 1597, Barents abandonne son vaisseau prisonnier de la banquise. Quinze hommes naviguent plein sud à bord d'une chaloupe et d'un canot ; le 20 juin, le pilote que la postérité va honorer en donnant son nom à une mer célèbre, meurt, terrassé par le scorbut.

Entre 1607 & 1610, le destin tragique du Britannique Henry Hudson.
La peau tannée par le froid, les vents et les tempêtes, le navigateur Henry Hudson est un des héros de la conquête polaire arctique. Il effectue un premier voyage en 1607 pour le compte des Anglais : ayant choisi de naviguer plein Nord (puisque les tentatives précédentes par l'Est et par l'Ouest avaient échoué); c'est ainsi qu'il atteint 80°23', soit à 1065 km du pôle Nord, un record qui tiendra pendant 166 ans.
Un an plus tard, nouvelle tentative, par le Nord Est cette fois : nouvel échec.
Son 3e voyage, Hudson va l'effectuer pour le compte des Hollandais. Il emprunte la route Nord Ouest et va ainsi découvrir - non pas le fameux passage - mais le fleuve qui portera son nom, ainsi que le site où sera construite la future ville de New York. Lors de son 4e voyage, il reconnaît la baie d'Hudson mais doit hiverner. Une mutinerie se produit à bord et, au printemps 1611, les hommes de la Discovery (son voilier) forcent le capitaine à quitter définitivement le bord et à embarquer dans une chaloupe : son fils, six matelots et le mathématicien du bord ont choisi de lui rester fidèle et de l'accompagner dans ce dernier voyage. On ne les reverra jamais plus.
Le voilier, lui, regagne péniblement les côtes anglaises après avoir fait une escale au cours de laquelle 8 marins parmi les mutins sont tués par des Esquimaux.

1615 : Jusqu'à sa mort, W. Baffin prétendra que le passage du N-O n'existe pas !
William Baffin, navigateur anglais, s'embarque à bord du même navire que Hudson, le Discovery. Nous sommes en 1615. Sous l'étendard de la nouvelle "Compagnie de la baie d'Hudson", créée par le roi Charles II, l'homme qui poursuit le rêve de ses prédécesseurs longe la côte ouest du Groenland le plus loin qu'il peut et atteint ainsi la latitude de l'actuelle base américaine de Thulé.
L'année suivante, en 1616, nouveau voyage. Il poursuit toujours plus au nord (77° 50') et découvre ainsi successivement la mer et la Terre qui porteront son nom. Obliquant à l'ouest, il entre dans le détroit de Lancaster qui, en fait mène à la mer de Beaufort. Si le temps avait été plus clément, sans doute que Baffin aurait découvert le passage du Nord-Ouest. Mais, pour ne pas être prisonnier des glaces, il faut rebrousser chemin. Jusqu'à la fin de ses jours, Baffin prétendra que le passage tant recherché n'existe pas.

1619 : le réveil des Danois.
Comme les possibilités de commerce dans ces eaux poissonneuses arctiques se précisent au fil des ans, les Danois se disent qu'il faut de toute urgence participer à l'effort de découverte international pour avoir droit un jour au partage des eaux de pêche.
Le roi Christian IV lance donc un certain Jens Munk, chasseur de baleines de son état, sur la piste du passage. Il lui commande de tenter la voie Ouest. Mais un hiver terrifiant s'abat sur le navire et l'équipage qui est obligé d'hiverner dans la baie d'Hudson. Le résultat de cet hiver passé sous des températures inhumaines est catastrophique : sur les 59 membres d'équipage que comprenait l'expédition, seuls trois hommes survivent, dont le chasseur de baleines Munk. Lorsqu'ils rentrent enfin au pays, en juin 1620, les Danois croient voir des fantômes...
Tout au long du siècle, de multiples tentatives vont encore être menées pour joindre le Pacifique et trouver le passage vers l'Orient. Sans succès.
Déçus, les grands explorateurs laissent le champ libre aux grands commerçants.

Janvier 1725 : le Danois Béring entre en scène pour le compte des Tsars de Russie.
Une semaine à peine après la mort de Pierre le Grand, son épouse Catherine entérine les projets de son mari et confirme à Vitus Béring la mission qu'il lui a confiée il y a quelques années : découvrir le passage du Nord Ouest. Seulement cette fois, il faudra traverser à pied toute la Sibérie (8000 km depuis St Petersbourg), construire deux bâtiments sur place et partir du Pacifique.
Quatre ans plus tard, en 1729, Béring est à pied d'oeuvre. Il franchit le détroit qui portera son nom mais, en raison d'un hiver précoce, ne parvient pas à rallier l'Alaska et les côtes américaines. Il revient donc bredouille. A Moscou, on considère cette aventure comme un demi-échec.
En 1731, Béring convainc l'impératrice Anne de renouveler l'expérience. Dix ans plus tard, deux navires partent d'Okhotsk, le premier sous les ordres de Béring, l'autre commandé par le capitaine Tchirikov. Ce dernier sera le plus heureux des deux.
En effet, à peine Béring a-t-il dépassé la péninsule du Kamtchatka que son voilier fait naufrage : il devra attendre des secours qui n'arriveront qu'après sa mort. Tandis que Tchirikov, lui, a la chance d'atteindre les côtes de l'Alaska après 41 jours de navigation. Mais il ne rapporte toujours pas la preuve de l'existence du passage du Nord Ouest ; il ne sait même pas dire si la Russie et l'Amérique sont reliées par de la terre ou de la mer. Nouvel échec donc. Pendant ce temps, tout au long de ce XVIIIe siècle, las d'explorer le passage du Nord Ouest, les Européens pêchent et commercent.


1818 : Après Napoléon, pourquoi ne pas être capable de vaincre les pôles ?
En 1818, nouvelle tentative des Anglais : ils envoient deux navires vers le passage du Nord-Est et deux autres bâtiments vers le passage du Nord-Ouest. Nouvel échec cuisant. Les quatre bâtiments reviennent au port quelques mois après le départ sans avoir rien trouvé.
L'année suivante, avec deux navires plutôt confortables, Edward Parry est investi d'une nouvelle mission : aller plus loin que le détroit de Lancaster qui a longtemps arrêté les hommes. Le 4 septembre 1819, un équipage a franchi pour la première fois le 110e méridien à l'ouest de Greenwich, par 74°40' de latitude nord. C'est une première victoire. Mais les hommes doivent hiverner sur place. Lorsque revient la belle saison, Parry tente d'aller plus loin, il parvient au méridien 113° mais ne peut naviguer plus à l'ouest. Il revient en Angleterre.
Lors d'une expédition ultérieure, Parry fait construire deux embarcations qui peuvent également être hâlées par des hommes sur la glace (l'ancêtre des traîneaux utilisés par les aventuriers modernes) ; quittant le Spitzberg à bord de ces deux canots, il est rapidement obligé de progresser à pied et de surmonter sans cesse des chaos de glace. De plus, il constate que la dérive de la banquise les ralentit dans leur progression vers le pôle. Trois mois après avoir quitté le bord, ils reviennent vers leur bateau l'Hécla ancré au Spitzberg ; ils auront parcouru près de 2000 km sur la banquise! Après quoi, Parry rentre en Angleterre.

1829 : la famille Ross (John & James) réalise quelques premières...
Il s'agit toujours de trouver le passage du Nord-Ouest. John Ross part avec son neveu James (qui a fait partie de l'équipage de Parry) à bord du Victory, un bâtiment où, pour la première fois dans l'histoire de la navigation polaire, a été disposée une machine à vapeur qui doit remplacer la navigation à voile. L'engin ne marche pas bien et est passé par dessus bord par le capitaine. Les deux Ross et leur équipage vont passer quatre hiver consécutifs dans les latitudes polaires ; une autre première. Ils furent d'autre part les premiers à découvrir la technique de l'igloo et à se rendre compte que toutes l'aiguille aimantée de toutes les boussoles se dirigent vers un point qui n'est pas le pôle Nord géographique et qu'il faut bien appeler le pôle Nord magnétique. Obligés d'abandonner le Victory au début du printemps 1832, les hommes de Ross continuent avec des barques et des traîneaux. Le 25 août, ils sont sauvés par une baleinière et rentrent sains et saufs en Angleterre.

1819 - 1848 : le temps de Sir John Franklin, toujours les drames, toujours les échecs...
1819 : alors que Parry est une nouvelle fois chargé par l'amirauté Britannique de forcer le passage du N-O, John Franklin est envoyé avec une poignée d'hommes en reconnaissance terrestre pour la même expédition. Ils parcourent 600 milles le long des côtes dans les environs de la baie d'Hudson ; 18 hommes périrent au cours d'une marche forcée detinée à rejoindre Fort Providence, un des épisodes les plus dramatiques de toute la conquête Arctique.
1825 : nouvelle offensive anglaise vers le pôle Nord. Parry est toujours du voyage, F.W. Beechey (qui avait déjà commandé une expédition en 1825 le long des côtes canadiennes) doit contourner les deux Amérique et aller à la rencontre de Parry via le détroit de Béring, Franklin, lui, étant chargé des reconnaissances terrestres. Nouveau calvaire (Franklin et ses hommes échappent à un massacre général de la part des Esquimaux) , nouvel échec...
1845 : L'amirauté britannique décide cette fois de tenter un gros coup. Sir John Franklin va commander deux navires qui reviennent d'une épopée glorieuse dans les eaux australes, l'Erebus et le Terror. Il y a 160 hommes à bord, quatre années de vivres, de l'eau chaude pour tous grâce aux machines à vapeur, de la musique choisie, une biblitohèque de plusieurs centaines d'ouvrages et des couverts en argent... "Pas de doute, cette fois, nous devons réussir", pensent les Anglais...
Après une dépêche envoyée depuis les côtes du Groenland puis le compte-rendu d'un baleinier qui a bel et bien aperçu l'expédition dans la baie de Baffin, les Britanniques passeront trois hivers sans la moindre nouvelle de Franklin et de ses hommes. Un silence qui va donner lieu aux plus importantes opérations de recherche jamais entreprises dans les régions polaires.
Pendant dix ans en effet, sous l'instigation de l'amirauté et surtout encouragées par Lady Franklin, la fidèle épouse de l'explorateur, des expéditions vont se succéder dans les eaux arctiques pour tenter de découvrir ce qui s'est passé avec l'Erebus et le Terror. Un lieutenant français, Joseph René Bellot, partira même en 1851 à la recherche des disparus avant d'être le premier explorateur français arctique à mourir en mer, prisonnier dérivant sur un ilôt de glace en compagnie de deux compagnons qui, eux, auront la vie sauve. Impressionnés par autant de désintéressement et de courage, les Anglais ont érigé un obélisque dans la ville de Greenwich à la mémoire de cet intrépide explorateur plolaire.
C'est au cours de ces nombreuses recherches (39 bateaux en tout participeront aux opérations) que la jonction va être faite - une jonction terrestre et non par voie maritime - entre les points ultilmes atteints par les explorateurs, les uns progressant d'est en ouest , les autres allant de l'Alaska vers la baiee détroit de Baffin, c'est-à-dire d'ouest en est.
Une dernière expédition lancée en 1859 (toujours financée par l'épouse du disparu) va enfin résoudre le mystère Franklin. Partis en 1845, L'Erebus et le Terror ont rapidement été bloqués par les glaces dès septembre 1846. Juin 1947 : mort de Franklin. Quelques mois plus tard, sous le commandement du second Crozier, 23 hommes sont morts de froid. En avril 1848, les deux navires sont abandonnés. Les 105 survivants ont tenté de rejoindre la côte mais tous ont péri dans cette dramatique aventure.

Entre 1871 et 1874, deux nouvelles latitudes record seront atteintes par les marins de sa Gracieuse Majesté : 82° 15' pour Charles Hall à bord du Polaris, et 83° 20' pour George Nares et Albert Markham, respectivement à bord de l'Alerte et de la Découverte, ils ont atteint un point géographique situé à 740 km du pôle Nord.

1878 : La découverte du passage du nord-est enfin, pour les Suédois.
C'est avec une déconcertante facilité que le baron Eric Nordenskjöld (né en Finlande d'une vieille famille suédoise) franchit entre 1878 et 1879 (il lui faudra quand même hiverner une fois) le passage du nord-est entre les eaux de la mer du Nord et celles du détroit de Béring - par les côtes de Sibérie donc.
Ce navigateur aristocrate n'a rencontré aucune difficulté, ni avec les autochtones qui font commerce avec les voyageurs, ni avec son bateau, le Vega (un navire mixte voile et vapeur de 45 mètres de long) , ni avec son équipage, ni avec l'hiver ou les glaces.
Après l'hivernage, la navigation a repris le 18 juillet 1879 et, deux jours plus tard, le passage tant convoité entre l'Ancien et le Nouveau Monde était trouvé et franchi...

Juin 1881 : Le dramatique naufrage de la Jeannette.
C'est précisément à cette même époque qu'a lieu le célèbre drame de la Jeannette. Entrée en scène de Gordon Bennett. Qui est-ce ? Le tout-puissant propriétaire du New York Herald, celui-là même, homme de spectacle s'il en est, qui dépêcha Henry Morton Stanley sur les traces de Livingstone au coeur de la mystérieuse Afrique.
Cette fois, il appuie le capitaine américain George Washington De Long qui veut à la fois conquérir le pôle et, recherche de sensationnel oblige sans doute puisqu'il est à peine parti depuis un an et pas le moins du monde porté disparu, retrouver le baron Nordenskjöld. C'est ainsi que la Jeannette atteint le détroit de Béring le 29 août 1879, soit un peu plus d'un mois après la réussite du baron.
Puisque ce dernier n'est pas mort, le marin américain va tout concentrer sur sa conquête du pôle. Le trois-mâts-barque est bientôt immobilisé par les glaces et se met à dériver - les hommes sont contraints d'hiverner.
En Juin 81, c'en est fini de la Jeannette, le voilier est broyé par la force des glaces. Les hommes se trouvent à 800 km au nord de l'embouchure du fleuve Iéna. Le capitaine divise l'équipage en trois : seul, le groupe commandé par le chef mécanicien Melville aura la vie sauve, les autres périront dans l'aventure. On retrouvera même le carnet de bord de De Long qui a décrit en détail les 139 jours qui ont suivi le naufrage de son bâtiment et précédé l'issue fatale. Le récit se termine à quelques heures de la mort de son auteur ; un drame qui fait étrangement penser au sort qui sera enduré, 30 ans plus tard, par le célèbre Robert Falcon Scott et ses compagnons lors de leur conquête du pôle Sud.

Hiver 1883 : L'affaire De Greely ou les martyrs de la science.
Encore une énorme et pathétique saga de l'aventure polaire arctique. Adolfus de Greely est Major américain ; il a reçu mission d'établir une base d'observation par 81° de latitude nord dans la baie de Franklin. Cette première partie de mission est réussie mais ils doivent se faire ravitailler pour pouvoir poursuivre plus au Nord et tenter la conquête du pôle. Or les bateaux n'arrivent pas. Greely va attendre un an et un hiver et doit se résoudre - ne voyant pas les vivres et le matériel arriver - à rentrer au pays par ses propres moyens.
Obligé de progresser vers le sud, les hommes doivent se préparer à passer un troisième hivernage sur les glaces. Prudent et professionnel avant tout, Greely enferme dans un coffre étanche les observations scientifiques faites au préalable par ses hommes en même temps que le récit de son second, le lieutenant Lockwood, qui a est parvenu à planter le drapeau américain à une latitude jamais atteinte jusque là : 83° 22' N !
Aux Etats-Unis l'affaire fait grand bruit car une sorte de fatalité s'est abattue sur les expéditions entreprises pour aller porter secours à ces hommes de sciences en perdition. Enfin, ordre est donné de tout mettre en oeuvre pour retrouver l'expédition de Greely.
Le 20 juin 1884, le lieutenant Colwell découvre sept pauvres rescapés sous une tente, de véritables morts vivants. Quelques jours plus tot, le même homme avait découvert, à quelques kilomètres de là , un message écrit par ces mêmes rescapés huit mois plus tôt qui mentionne qu'il ne leur reste plus, alors, que trois mois de vivres ; avec trois mois de vivres, ils ont donc survécu 8 mois !
En fait, cet hiver 1883 fut un véritable cauchemar : outre les privations, le scorbut, des hommes qui mangent leurs propres bottes pour sucer le cuir, il y eut à la fois amputation d'un pied et d'un doigt chez un homme qui ne réagit même pas pendant lesdites opérations et exécution d'un des membres de l'équipage, le soldat Henry, qui fut pris plusieurs fois à voler les rations des autres. Comme l'homme amputé est mort pendant le trajet du retour, ce furent donc six martyrs de la science qui survécurent à cette sinistre odyssée...