ANTARCTICA 2000
Dixie Dansercoer, Julie Brown & Rudy Van Snick


27 Décembre -> 7 Janvier9 -> 27 Janvier

Vendredi 7 janvier: Camp de base : les voyageurs attendent…
La liaison satellite ayant été perturbée hier soir, l'habituel contact nocturne entre l'expédition et le QG à Bruxelles n'a pas duré plus de deux minutes. Le temps pour Dixie de rassurer tout le monde quant au sort de Julie qui était restée seule sous la tente au camp 2 par des températures avoisinant les - 40°C (elle était en train de rire lorsque Dixie téléphonait) et nous dire que tout le monde était sain et sauf de retour au camp de base. "Il y a bien eu un petit incident de nouveau dans le mur, a déclaré Dixie, un des clients de Rudy qui est de nouveau tombé, mais de fut sans aucune gravité".

Le groupe des Belges maintenant donc se repose. De toutes façons, il n'y a rien d 'autre à faire étant donné que le temps s'est remis au couvert. D'après Dansercoer, ce n'est pas franchement du white out mais c'est bouché tout de même et les nuages sont de nouveau fort bas. Pas question en tout cas de permettre pour l'instant l'atterrissage du Twin Otter de Patriot Hills. Les voyageurs doivent donc de nouveau patienter.

Nous n'avons pas eu la possibilité de demander à Dansercoer s'il avait décidé d'attendre que Julie embarque à bord d'un avion pour démarrer la deuxième partie de l'expédition - il y a quand même les touristes avec elle et le responsable ANI du camp de base du Vinson, une situation qui devrait rassurer tout le monde - ou s'ils allaient quand même partir au plus vite - c'est-à-dire samedi 8 janvier - afin de rattraper le temps perdu.

Il est possible en tout cas que cette nouvelle attente forcée serve à Dixie et à Rudy de temps de réflexion et de concentration ; car ce qui les attend dans la 2e partie de l'expédition n'a vraiment rien à voir avec ce qu'ils viennent de faire et de vivre. Il vont en effet devoir évoluer dans du terrain parfaitement inconnu - seulement trois expéditions ont effectué le chemin Vinson-Patriot à pied et ils n'ont pas emprunté le même itinéraire - et faire face à des situations de progression ou des difficultés (puisqu'ils ont décidé d'escalader l'un ou l'autre pic) qu'ils n'ont peut-être pas envisagée ou que personne ne pourrait prévoir.

Jeudi 6 janvier : 4897m, champagne et larmes de victoire
Il était 9.10 pm au QG de l'expédition hier soir - c'est à dire 5.10 pm à Patriot Hills - lorsque nous avons reçu un appel de Dixie Dansercoer nous annonçant qu'il venait de poser les crampons au sommet du mont Vinson. Dans un état d'euphorie peu ordinaire - et on peut le comprendre -, le steward flamand a tenu à peu près la conversation suivante (enregistrement) :

  • Dixie Dansercoer : C'est extraordinaire ici, incroyable, comme c'est beau… Incroyable, incroyable. Je suis enfin au sommet du Vinson, avec une petit bouteille de champagne Lawson et trois souvenirs de mes enfants. Incroyable... Que ce sommet est beau. Quelle blancheur !
  • Michel Brent : Tu as grimpé combien d'heures aujourd'hui ?
  • Dixie : Nous sommes partis du camp 3 aux environs de 10h30 et maintenant, il est - attends que je regarde car j'ai laissé ma montre avec Julie au camp 2 -, il est 5h10. Donc, nous avons marché environ 7 heures. C'est incroyable, je viens de trouver le ski de Chris Bonington ici, planté dans la neige (Ndlr : nous ne connaissons pas cette histoire de skis de Christian J.S. Bonington, alpiniste anglais célèbre qui est l'auteur du film The Hard Way, l'escalade de l'Everest par la voie sud-ouest, un à pic de plus de 2.500 mètres d'altitude face Sud). Mais j'ai très froid, surtout aux pieds, qui doivent être un peu gelés sans doute. En fait nous avons eu tous très froid depuis quelques jours, il fait aux alentours de -35°, -40°C la nuit…
  • Michel : Le temps justement ?
  • Dixie : ll fait moins beau que lors des jours précédents. Il y a un peu de brume et, de temps à autre, cette brume se déchire pour laisser apparaître les sommets environnants, c'est splendide, incroyablement splendide...
  • Michel : Rudy et ses clients ?
  • Dixie : Il sont partis en même temps que moi ce matin mais ils sont extrêmement lents et Rudy doit naturellement les accompagner. Sinon, il serait déjà depuis longtemps ici. Je vais d'ailleurs les attendre pour filmer leur arrivée au sommet - cela leur fera plaisir. Mais jusqu'à maintenant, attends Michel, je regarde encore vers le bas (on imagine aisément la scène de quelqu'un qui se trouve au sommet d'une montagne et qui se penche légèrement en direction du chemin qu'il vient de prendre afin d'augmenter le profondeur de son champ visuel), je ne vois rien venir. En fait, je suis arrivé au sommet juste après deux guides américains qui, eux aussi, avaient des clients, mais qui sont montés seuls car les clients ont dû rentrer à la maison à cause de retard pris… Evidemment, j'attends pour ouvrir ma petite bouteille de champagne que Rudy et son groupe arrivent.
  • Michel : Tu rentres au camp 2 ce soir ?
  • Dixie : Je ne crois que nous n'aurons pas le temps d'atteindre le camp 2, ce serait d'ailleurs imprudent. Nous allons plutôt bivouaquer au camp 3 et, demain matin, tôt, nous mettre en route pour le camp 2 et le camp de base que nous devrions atteindre demain soir, Jeudi. Après quoi, nous prendrons un jour de repos avant de nous remettre en route, Rudy et moi, dimanche.
  • Michel : On a appris qu'il avait beaucoup neigé cette saison sur l'Antarctique. Il a beaucoup neigé là haut ?
  • Dixie : Il a énormément neigé sur la montagne ces dernières semaines mais la neige n'est pas trop mauvaise, on peut la négocier facilement. C'est en fait de la neige d'excellente qualité. Bon sang… (on entend même Dixie bouger un peu)… que j'ai froid aux pieds ! Allez, Michel, si tu n'as plus d'autres questions, je vais vite faire des aller-retour sur la dernière petite paroi afin de ne pas me les geler sur place. Car je dois attendre le reste du groupe. Avant de te quitter, Michel, je voudrais ajouter que je dédicace ce sommet à mes enfants et à toute ma famille. Dans des moments pareils, l'on pense naturellement à tous ceux qui vous ont aidé dans cette aventure - que ce soit du côté professionnel ou du côté familial - et je leur suis extrêmement reconnaissant : les copains, Alain, dont j'ai énormément appris, Denis, qui nous aide dans la logistique de l'expédition, - bonjour à lui -, les gens de Compaq, of course; et aussi, toi, Michel, qui te trouve toujours derrière ta plume et ton écran et qui accepte d'être standby… Bref, à tout le monde, un immense merci…
Mercredi 5 janvier : Trop dur pour elle …
Mardi soir, 8.30 pm, quelque part vers 3800 mètres d'altitude, sur les pentes du mont Vinson. Température extérieure : - 30°C. Météo : les quelques jours de beau temps qui viennent d'illuminer la montagne se sont évaporés. Il y a maintenant des nuages - de gros et longs nuages gris - qui réduisent considérablement les dimensions antarctiques.

A cet endroit, quelques tentes sont accrochées à la paroi dans lesquelles on prépare le repas du soir avant de se glisser dans le sac de couchage. Dans l'un d'elles, 5 Belges : Dixie, Rudy et trois de ses clients. Ils viennent d'arriver au camp 3, sans le moindre problème technique ou autre fatigue. Enfin presque... Car Julie Brown, la jeune épouse de Dixie, a préféré abandonner. Hier soir, elle était pourtant parvenue en pleine forme jusqu'au camp 2 ; mais ce matin, devant le mur de glace qui se dressait face à ses crampons - une pente vraiment plus raide et passablement technique selon les dires de ceux qui connaissent le Vinson -, elle a dû renoncer.

Certes, on se doutait que la stewardess ne pourrait pas aller jusqu'au sommet, mais, de là, à abandonner au camp 2, dès l'altitude de 3300 mètres… Et puis, il y eu cet incident du touriste grimpeur qui, soudain en cours d'ascension, a malencontreusement glissé dans la paroi mais qui, par chance, a pu être rattrapé in extremis par son compagnon. Naturellement dans la tente des Belges, on est un peu déçu (ou peut-être soulagé, qui sait? ) de l'abandon d'un des membres de l'expédition. "Elle devra rester seule 3 ou 4 jours, déclarait Dixie au téléphone hier soir, seule et sans moyen de communication. Enfin j'espère que les grimpeurs singapouriens qui nous suivent pourront installer leur tente à côté de la sienne et seront assez sympa pour lui permettre de me téléphoner…"
A part cela, c'est la forme - nous dirions presque la routine - pour Van Snick qui en est à sa troisième ascension. Pour Dansercoer et les autres aussi d'ailleurs. Ils sont arrivés au camp 1 en début de soirée dimanche 2 (environ 3000 m) après une progression de 6 heures (voir le compte rendu du 3 janvier) ; le lendemain soir, ils atteignaient avec facilité le camp 2 (3300 m) et, hier soir, le camp 3. Après une journée d'ascension légèrement plus technique et plus difficile.

Si les conditions météos le permettent, ils devraient parvenir au sommet dans la journée de jeudi, au plus tard vendredi. Chacun sait que le Vinson est une montagne relativement accessible, que ses difficultés techniques sont réduites et que le danger ne peut provenir que de la météo. A ce propos justement, une information intéressante : au téléphone avec Denis Dupont (monsieur logistique communication) lundi soir, Dixie expliquait qu'en journée, avec le soleil, il faisait environ + 35°C, alors que, la nuit, le mercure descendait facilement au-dessous de - 30°C. Et qu'un tel écart de température n'était pas évident à supporter.

Lundi 3 janvier : Emotions avant, pendant et après…
Par la force des choses, les communications ont été ralenties entre l'Antarctique et le QG pendant ces deux premiers jours de l'an 2000 - chacun étant forcément trop occupé par les festivités que l'on sait. Il faut dire d'autre part que le couple de tourtereaux a été fort occupé par les interviews qu'ils on dû donner aux différents médias belges (VRT, Radio 1, le Soir, VTM etc)

Il n'empêche qu'en recoupant divers sources d'informations - et en ayant eu quand même Dixie en ligne pendant deux ou trois minutes -, nous avons pu avoir une idée de la façon dont s'est passé le fameux réveillon à la base de Patriot Hills.

Bien entendu, comme partout ailleurs dans le monde, ce fut une grande fête qui a vu le passage à l'an 2000 avoir lieu 3 heures plus tard que le TU (temps universel). Il était 4 heures du matin chez nous lors les gens de la base - team d'Antarctica 2000 et touristes compris - ont levé le verre pour célébrer l'événement.

Mais il y eut une surprise de taille qui a rendu le réveillon sans doute inoubliable pour ceux qui s'y trouvaient : vers 11h30 pm, en effet, donc une demi heure avant minuit, un IIiouchyne 76 a largué une trentaine de parachutistes en provenance des 4 coins du monde avant d'atterrir sur la glace de Patriot. Que signifiait tout cela ? En gros, il s'agit d'une expédition officielle russe qui a de multiples objectifs comme l'application de nouvelles technologies dans le mode de transport et le parachutage de matériel dans l'Antarctique (ils vont parachuter plus de 20 tonnes de matériel au-dessus de Vostok, ils vont aussi tenter, avec des véhicules toutes glaces - des snob bus - ", la traversée du 6e continent de part en part, ils vont faire des observations scientifiques tout au long du voyage dans le cadre du programme de recherches russe "Ecologie of the Planet", dirigé par des experts de la State University et du Institute of Earth's Geography de Moscou. Bref de quoi rappeler au monde que les Soviétiques ont toujours été partie prenante dans les affaires antarctiques. Pour plus d'informations consulter leur site web.

Mais le plus cocasse dans cette fête du réveillon 2000, ce fut le bruit qui a réveillé les gens vers 4 heures du matin. Un des scientifiques de la bande des Russes n'ayant en effet pas trouvé d'autre divertissement que de gonfler un ballon (un ballon météo peut-être), d'y attacher une bouteille de gaz et d'enfourcher le tout avant de s'élever de quelques dizaines de mètres dans les airs ! Cette scène digne d'un film de Walt Disney a clôturé les festivités de Patriot Hills.

Pour en revenir à Antarctica 2000, le team a enfin pu voler jusqu'au mont Vison qui a été atteint hier dimanche à 11.30 am. Peu de temps après l'atterrissage, Dixie et Julie commençaient enfin l'ascension par un temps splendide et un ciel bleu azur, laissant un pue en arrière le vainqueur de l'Everest qui faisait le dernier check pu en compagnie de ses trois clients.

A 0h30, ce matin, le couple de Huldenberg appelait le QG pour avertir qu'ils venaient d'arriver au premier camp à environ 3000 mètres d'altitude - ce que Dixie a appelé le camp 1 et 1/2. En effet, ne désirant pas bivouaquer près de l'endroit habituel où des blocs de glace ont été empilés de façon à former des sortes d'igloos en vue de faciliter les choses aux touristes de passage, ils ont préféré monter un peu plus haut et installer la tente dans l'immaculé de la neige - ce que Dixie et Julie sont en fait venus chercher ici. Ce lundi matin, ils ont attaqué en pleine forme et très heureux de pouvoir enfin en découdre avec la montagne de leurs rêves la montée vers le camp 2.

Lundi 27 décembre : L'Antarctique, enfin…
Samedi dernier, vers 2pm, Dixie, Julie, Rudy et quelques uns de ses clients étaient en train de fêter Noël dans un restaurant de poissons à Punta - en dégustant des moules géantes et du crabe royal - lorsque le barman de l'établissement annonça qu'on demandait Julie au téléphone. C'était Faye de ANI qui transmettait enfin la nouvelle tant attendue : "Hi Julie, it's a Go !..;"

C'est donc samedi 25 décembre, à 6pm (9pm GMT), que les membres de l'expédition Antarctica 2000 ont enfin pu monter à bord du Hercules C130 qui allait les emmener sur le continent blanc. "Nous aurons quand même un bout de fête de Noël sur le continent Antarctique", a déclaré Dixie lors de son ultime appel de Punta Arenas. "Autant dire que nous sommes contents de partir !"

Comme Julie pénétrait pour la première fois dans un de ces appareils mythiques qu'est le Hercules, elle nous a livré par email (le système IRIS fonctionne parfaitement) quelques unes de ses impressions : "Le Hercules est une sorte d'énorme bête. Une bête qui certes n'est pas très jolie à regarder, ni confortable, mais qui manifestement effectue superbien le travail qui lui est demandé. Le ventre de l'avion - la cabine - est un espace complètement ouvert, le fret voyage de concert avec les passagers, les sièges semblent avoir été placés, comme cela, pêle-mêle, en plein milieu de la carlingue, quelques passagers ont la chance d'être assis juste à côté des seules minuscules fenêtres qui existent dans cet avion. D'autre part, il court des câblages et des mécaniques compliquées partout le long de la tôle… Quand je pense qu'il y a des gens qui parfois payent le tarif first class pour voyager à bord de cet avion !"

5 heures et demie plus tard, à 11.40pm, le C130 atterrissait sur la glace bleue de Patriot Hills. Le temps était splendide : ciel bleu profond, pas de nuages et pas le moindre souffle de vent. Une petite déception pourtant : ils auraient naturellement aimé rencontrer Alain qui, lui aussi, attendait une meilleure météo pour partir effectuer son repérage dans les Queen Maud Land. Mais ce dernier, profitant de conditions favorables, avait pu s'envoler deux jours plus tôt. "Mais il m'a quand même laissé une lettre d'amour", expliquait Dixie avec humour dans le mail qu'il nous a envoyé dimanche, "cela fait plaisir de recevoir du courrier dans de telles circonstances…"

L'expédition ne pourra pas toutefois rejoindre dans l'immédiat le mont Vinson, la première étape de leur expédition. Car, s'il fait beau à Patriot, le plafond de nuages est trop bas dans la chaîne de montagnes Ellsworth pour permettre l'atterissage du Twin Otter en toute sécurité. C'est donc une nouvelle attente qui commence.

 

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Visiter ici les pages originales de l'expédition telles que publiées à l'époque
(été austral 1999-2000) dans notre site antarctica.org avec des détails
sur les motivations d'un chacun et sur le matériel utilisé