ANTARCTICA 2000
Dixie Dansercoer, Julie Brown & Rudy Van Snick


27 Décembre -> 7 Janvier9 -> 27 Janvier

Jeudi 27 janvier : Les voyageurs attendent
Nous venons de recevoir, par e-mail, quelques informations en provenance de Patriot Hills et concernant le raid entre le mont Vinson et la station.

  • "Go places, leave no traces" (le slogan de Patriot) : 5,5 kilos de déchets humains emballés dans des sacs en plastique ont été rapportés par Rudy et Dixie de cette deuxième partie expédition. Mis à part les petits besoins naturels liquides, aucun autre déchet n'a été laissé dans cet environnement vierge.
  • Dixie a perdu plus de poids lors de ce trajet. Au moment du départ à Punta Arenas, il pesait 68 kilos. Aujourd'hui, il n'en pèse plus que 59. Est-il besoin d'ajouter, note Julie, qu'il se rattrape en mangeant bien. Pourquoi cette perte de poids ? Ils n'ont pas assez soigné le côté calories de la nourriture qu'ils ont emmenée avec eux. Ils pensaient surtout qu'ils allaient pouvoir faire de la voile, avancer plus vite et donc rester moins longtemps sur la glace.
  • Une seule ascension a été effectuée ; ce fut au cours du dernier jour de voyage (vendredi 22 janvier). Comme récompense d'avoir réussi leur pari, Dixie et Rudy ont grimpé un des nunataks qui se trouve à l'entrée de la vallée Horseshoe, juste avant d'arriver à Patriot. Le pilote du Twin Otter a pu voir les traces qu'ils ont laissées dans la neige lorsque les deux hommes étaient en route vers le sommet. Bien que ce fut évidemment insuffisant pour satisfaire leur goût de l'escalade, ils ont pu enfin savourer les plaisirs de la grimpe après deux semaines passées à crapahuter dans la neige et contre le vent.
  • Qu'est-ce qui les a surtout ralenti dans leur progression ? Le mauvais temps en premier, mais cela, vous le saviez déjà. Jour après jour, ils ont rencontré du whiteout, des vents violents, des températures extrêmement froides, dues naturellement au windchill. Mais ils ont aussi dû affronter des zones de crevasses importantes, qu'ils été obligés de négocier par des conditions de visibilité très mauvaises. Aussi, ils ont progressé dans de la neige très profonde, ce qui a également ralenti leur marche. Quant aux voiles de traction, les powerkites, ils n'ont pu s'en servir que le dernier jour, lorsqu'ils étaient proches de Patriot.

En ce qui concerne le retour de l'expédition, Dixie, que nous avons eu au téléphone mercredi soir, n'en savait encore rien. Car le mauvais temps (de nouveau lui) ne permet pas que le Hercules atterrisse. Il semble que, pour aujourd'hui, les météorologues prévoient une accalmie passagère mais nul ne sait si elle sera assez longue pour permettre au C130 de faire l'aller-retour Punta Patriot.

Lundi 24 janvier : Sains et saufs à Patriot, depuis samedi à l'aube
C'est dans la nuit de vendredi 21 à samedi 22 janvier que le duo Van Snick Dansercoer est arrivé, sans encombre, à la station de Patriot Hills.
Afin de pouvoir embarquer à bord du Hercules C130 pour Punta et donc d'arriver le plus vite possible à la base, Dixie et Rudy ont finalement opté pour une marche forcée. Une petite marche forcée de 19 heures et 20 minutes au cours de laquelle ils ont accompli 43 kilomètres dont 15 km à la voile et le reste à skis. Le tout, avec seulement deux potages dans le ventre - ce qui prouve tout de même que les deux hommes étaient franchement à court de nourriture. C'est ainsi qu'ils sont arrivés en vue des tentes à 4 am samedi à l'aube et qu'ils ont eu l'immense joie de voir que le troisième membre de l'expédition et épouse de Dixie, Julie Brown, se trouvait encore à la station. Durant cette dernière journée, ils ont eu quand même le temps d'escalader un nunatak et de faire de légers détours ci et là pour explorer ces rochers de granit qui, comme autant de cathédrales, émergent noirs ou rouge-ocre de la calotte glaciaire.

Bien entendu, nous laissons aux trois membres de Antarctica 2000 le soin de raconter en détail ce qu'ils ont vécu pendant les deux parties de l'expédition lors de leurs prochaines conférences ou interviews télévisées. A ce propos d'ailleurs, Dixie et Julie sont déjà en train d'écrire un livre qui s'appellera "De Witte Passie" et sortira sans doute bien vite aux éditions Van Halewijck (Leuven).

En attendant, voici, en résumé, ce que Dixie nous a raconté au téléphone de Patriot, quelques heures après son retour - et qui confirme d'ailleurs ce qui a été écrit dans ces communiqués depuis leur départ du camp de base du mont Vinson. "Nous avons eu tout le temps des cents contraires, a expliqué Dixie, et des vents violents parfois, jusqu'à 100 km/h parfois. Lorsque le vent ne soufflait pas, nous avions alors du white out… pas très amusant ! Sur les 12 jours de marche, figure-toi, Michel, nous avons eu 5 jours de white out ! Le reste du temps, le vent soufflait de face. Heureusement, comme il n'a jamais fait plus froid que -27°C, nous n'avons pas trop souffert du froid, même avec le windchill. Cela dit, nous avons eu quand même l'occasion d'effectuer quelques observations de terrain dans les zones qui n'avaient jamais été foulés par l'homme. Et le dernier jour, vendredi, nous avons été explorer quelques nunataks avant d'arriver à Patriot. Même si le programme ne s'est pas déroulé tout à fait comme prévu - nous aurions naturellement aimé faire quelques sommets de plus, je suis - nous sommes, Rudy et moi - extrêmement contents d'avoir fait ce périple. Ce fut un expérience inoubliable…"

En ce qui concerne le retour de l'expédition, il semble que la fenêtre météo ouverte en début de semaine sur Patriot s'est refermée bien vite ; le Hercules affrété par ANI n'a, en effet, pas pu encore être appelé par le chef de la base. L'attente du beau temps avait inauguré cette sympathique expédition. Elle est derechef au rendez-vous pour, mais cette fois pour clôturer et donner un dernier suspense à l'aventure.

Jeudi 20 janvier, 6 pm : Nouvelles (et dernières ?) incertitudes
Il n'y a pas à dire, la fin de Antarctica 2000 se déroule dans une certaine confusion.

D'après les dernières nouvelles que nous avons reçues (la nuit de mercredi à jeudi au téléphone avec Julie et un e-mail ce jeudi matin), il semble que ANI - qui, d'après elle, souhaite aussi voir Dixie et Rudy quitter l'Antarctique le plus vite possible, c'est-à-dire, par le prochain vol vers Punta - propose au team plusieurs possibilités de retour.

Première solution : chercher les hommes en Twin Otter lors du retour de l'avion qui devait faire, aujourd'hui jeudi 20 janvier, un dernier voyage vers le mont Vinson - ceci pour autant qu'ils ne se trouvent pas trop éloignés de l'itinéraire de retour (cette option est gratuite).
Deuxième solution : aller les chercher par un vol spécial - en Twin toujours. Coût : 2.500 dollars l'heure de vol.
Troisième solution
: aller à leur rencontre en skidoos - cette solution ne peut être envisagée que si Dixie et Rudy ne se trouvaient, au cours de cette journée de jeudi, pas à plus de 25 kilomètres de la station.
Quatrième solution : ils rentrent à la base par leurs propres moyens, c'est-à-dire en poursuivant leur marche. Dans ce cas, le tandem devrait attendre la fin du mois et les opérations de fermeture de la station pour rentrer à Punta - ce qui retarderait naturellement leur retour au pays d'au moins une dizaine de jours.

Cette situation de fin d'expédition est d'autant plus hésitante que la communication entre le duo Dixie-Rudy et la base de Patriot ne fonctionne plus très bien. Julie parvient à prendre contact par le téléphone Irridium avec les deux hommes - et elle les entend bien - mais ceux-ci n'ont pas le retour, ce qui veut dire qu'ils ne savent pas que ANI leur propose ces 4 possibilités. Aujourd'hui donc, ils risquaient de voir arriver l'avion pour les reprendre alors qu'ils n'ont rien demandé. Ce qui est certain en revanche, c'est que, d'une part, les deux marcheurs vont bien et que, de l'autre, le beau temps est enfin revenu sur cette partie du 6e continent. Julie est sans doute en train de voler vers Punta car Stephen, le responsable de la base, devait profiter des conditions favorables pour faire voler le Hercules aujourd'hui. A l'heure où nous publions ce communiqué, jeudi soir, 20 janvier, nous ne savons pas encore ce qui est advenu de Dixie et de Rudy.

D'autres nouvelles, ce week end, bien entendu.


ANI réagit

Hello Michel

Avant toute chose, permettez de vous dire que j'aime vraiment beaucoup votre website, son layout, son graphisme, son contenu aussi… Bref, je trouve le tout très réussi.

Je viens pourtant de lire les commentaires que vous avez fait récemment au sujet de ANI et de Steve Pinfield ; et je dois dire que je suis déçu de constater que vous n'avez pas pris la peine de contacter l'intéressé pour lui demander son avis en ce qui concerne la décision que vous commentez au lieu de lancer ainsi un jugement assez sévère à son endroit. Puis-je me permettre de vous suggérer de faire des rapports plus équitables ; dans le cas qui nous préoccupe, Steve pourrait bien avoir pris sa décision en se basant sur des facteurs de sécurité.

Deuxièmement, vous écrivez que ANI jouit d'un monopole gouvernemental. Rien ne pourrait être aussi loin de la réalité. N'importe quelle compagnie peut commencer à opérer dans l'Antarctique. Preuve : l'Illyouchine de l'expédition russe qui a fréquenté Patriot Hills cette saison. De plus, dans le passé, ANI a eu à affronter la compétition ; toutes les compagnies ou sociétés qui ont essayé le type de voyage que nous organisons ont fait faillite. En ce qui concerne les contacts que nous avons avec les gouvernements, je dois vous informer que, dans le passé, plusieurs d'entre eux ont essayé de nous empêcher de travailler dans l'Antarctique et, si nous avons actuellement des contacts avec certains gouvernements membres du Traité qui opèrent là-bas, ce n'est qu'en raison de la longévité et le sérieux de nos opérations sur le 6e continent. Je dois ajouter qu'ANI survit simplement en raison du fait que ses propriétaires sont tous des amoureux de l'Antarctique et qu'ils sont prêts à prendre des risques financiers que personne sans intérêt matériel à la clef ne prendrait.

Il est vrai pourtant que des explorateurs comme Alain ou Dixie aident ANI à poursuivre ses opérations polaires en leur communiquant, entre autre, la passion que l'entièreté du team de ANI éprouve pour ces terres lointaines. Les grandes aventures, c'est tout ce qui concerne ANI. Encore merci pour votre site ; c'est vraiment du très beau travail.

Regards,
Martyn Williams, Director, ANI


antarctica.org répond

Dear Martyn

Si je n'ai pas pris la peine de contacter Stephen Pinfield, c'est que, depuis que j'assure le suivi de l'expédition Antarctica 2000, il m'est arrivé à plusieurs reprises de devoir rentrer en contact avec la base de Patriot Hills par e-mail. A chaque fois, je ne recevais en retour par le moindre courrier de confirmation de bonne réception, comme cela se fait d'habitude dans l'univers du Net lorsque des échanges lointains ont lieu. J'imagine mal Stephen répondre rapidement (rapidement en raison du délais de publication) à mes questions.
En ce qui concerne le monopole, je n'ai jamais, écrit que ANI détenait un monopole gouvernemental. J'ai écrit "ANI possède en effet un véritable monopole des activités touristiques sur le 6e continent". Ne parlons pas de la preuve par l'Illiouchyne qui n'est que l'exception qui confirme la règle. Car, depuis que nous fréquentons les latitudes polaires, nous n'avons jamais entendu parler d'un TO russe qui emmenait des gens au pôle Sud par exemple.
Mais disons plutôt trois choses en ce qui concerne le monopole de ANI.
Un : il existe une différence entre un monopole d'état (gouvernemental) et un monopole de fait. En ce qui concerne ANI, c'est d'un monopole de fait qu'il s'agit bien évidemment. Et tous les polaires sont d'accord sur ce point : avant qu'un autre TO puisse, par exemple, comme l'a fait ANI pour la sécurité de ses vols, installer des dépôts de fuels in the middle of nowhere entre le pôle Sud, Patriot Hills et Blue One, il y aura bien des flocons qui seront tombés sur la calotte polaire.
Deux : c'est fort probablement le lobby des explorateurs polaires qui a aidé à la mise en place de ce monopole car ils aiment travailler avec des professionnels - et le moins qu'on puisse dire c'est que ANI fait bien son boulot.
Trois : il subsiste malgré tout un flou artistique (entretenu par ANI ou pas, mais les incertitudes existent bel et bien) en ce qui concerne ce que les professionnels de l'aventure peuvent faire ou ne pas faire sur le 6e continent. Les assurances, les permissions, les relations du TO avec les autorités Antarctiques, etc…
Je ne voudrais pas terminer sans vous souhaiter un franc succès pour votre projet Pole to Pole 2000 (dès avril, Martyn Williams emmène des jeunes d'un pôle à l'autre) dont nous espérons pouvoir bientôt parler dans nos colonnes.

Michel Brent

Mercredi 15 janvier : Un vent méchant souffle sur le continent blanc
Après avoir quitté Zaventem samedi en début de soirée, Dixie Dansercoer et son épouse Julie Brown sont bien arrivés le lendemain à Punta Arenas d'où ils devraient s'envoler vers l'Antarctique le 20 décembre - Rudy Van Snick, lui, ne partant de Bruxelles que demain jeudi 16 décembre.
Le trio n'est pourtant pas encore certain de la date de leur vol (en Hercules C130) car depuis plus d'un mois, un temps pourri règne sur cette partie de l'Antarctique. Des vents d'une rare violence soufflent en effet sur la calotte glaciaire depuis le début novembre. Alain Hubert qui devait embarquer à bord d'un C130 pour Patriot Hills la semaine dernière (afin d'effectuer son expédition de repérage dans les Queen Maud Land en compagnie de l'alpiniste français Danier Mercier) n'a pu en fait partir que mardi soir, profitant sans doute d'une accalmie passagère..

Pour l'instant, Dixie et Julie testent une dernière fois le matériel - et particulièrement le matériel de communication qu'ils vont utiliser pendant leur expédition. C'est ainsi que nous avons reçu notre premier appel de Punta via satellite hier soir ; tout fonctionnait parfaitement.

Aujourd'hui, Dixie et Julie se rendent pour deux jours dans le parc naturel chilien de Torres del Paine. Ils profitent de ce temps mort pour faire un peu de tourisme dans une réserve naturelle dont la réputation n'est plus à faire car, dès 1978, l'Unesco lui a donné le statut de patrimoine de l'humanité du parc, en le reconnaissant comme une biosphère particulièrement digne de reconnaissance internationale.

En attendant d'autres nouvelles, voici quelques infos concernant les autres expéditions qui se trouvent aux prises avec les catabatiques de l'Antarctique. Il y a des Australiens (Peter Treseter et Tim James) qui ont quitté l'île Berkner pour rejoindre Mc Murdo, à pied et en autonomie. Pour l'instant, leur progression est bonne. On trouve également sur la calotte glaciaire des Singapouriens dont l'objectif est de relier Patriot Hills au pôle Sud. Bonne progression également. Troisième expédition ; des Anglaises qui, elles aussi, font le raid Patriot Hills - pôle Sud. Aux dires d'Alain (qui est en communication avec Patriot), elles avancent trop lentement. Dans cette brève énumération, il ne faut pas oublier l'alpiniste française Laurence de la Ferrière qui a quitté le pôle Sud pour un incroyable raid de plus de 3000 km qui devrait la mener à la station française de Dumont d'Urville ; une fois de plus, elle est seule sur la glace et avance avec des voiles dont la technologie est différente de celle utilisée par les Belges en 1997-98. Après un début pénible, elle commence à toucher des vents favorables. " 145 km parcourus ce dernier week-end, elle commence à skier comme un Norvégien, je suis fier de Laurence " déclarait hier le Norvégien Kjell Ove Storvik, son routeur basé à Dumont d'Urville.

Vendredi 14 janvier : Inouïs, violents, effroyables...
Pas de chance pour l'expédition Antarctica 2000 ; le mauvais temps, un sale, un infecte mauvais temps s'est à nouveau installé sur la région de Patriot Hills et ses environs. C'est Julie qui nous a annoncé cette nouvelle, dans un e-mail d'abord, au téléphone cette nuit, ensuite - nous rappelons que Julie est restée à Patriot Hills et s'occupe de faire le relais pour la communication entre les deux hommes sur le terrain et le QG à Bruxelles. Chaque soir, après avoir établi le camp et sans doute après dîner, Dixie appelle Julie aux environs de 9 pm pour donner les infos de la journée. Une demi-heure plus tard, Julie appelle le QG et le lendemain matin, studieuse comme pas deux, elle se met à rédiger son carnet de notes et à envoyer les e-mails.

Tableau du facteur vent (windchill) pour savoir par exemple quelle température réelle il fait lorsque le mercure descend à -30°C et que le vent souffle à 60 km/h
cliquer ici

Voici donc ce que Julie nous a raconté cette nuit au sujet du vent qui souffle sur Patriot: "C'est incroyable comme le vent est violent, Michel, tu ne peux pas t'imaginer à quel point cela souffle ici. Il faut aussi dire que les rafales sont d'autant plus infernales que nous sommes situés à quelques encablures à peine des montagnes, ce qui rend l'effet toboggan des vents encore plus spectaculaire. Hier matin il était tellement fort, soufflant à plus de 130 km/h - tu te rends compte ?- que ma tente a été complètement déchirée. Voici comment les choses se sont passées. Après une nuit sans sommeil - le bruit du vent et le souci que je me fais des deux hommes -, j'avais été me réfugier dans la tente mess en attendant que passe la tempête. Il était aux environs de 10 heures. C'est alors qu'un des employés de ANI a fait irruption pour m'avertir que ma tente était en train de s'envoler en lambeaux ! Bien entendu, on s'est précipité au dehors, ce qui n'était pas évident, tu comprends bien… C'est simple : nous avons dû nous agripper les uns aux autres pour pouvoir tenir debout tellement les rafales étaient violentes. Lorsqu'on est arrivé près de ma tente, il n'y avait plus rien à faire : heureusement, nous avons été à même de sauver tout ce qu'il y avait à l'intérieur mais en ce qui concerne la tente elle-même, elle était bien et bien déchirée, fichue ! Heureusement ANI prévoit ce type d'aventure et il m'ont donné une tente de remplacement où je loge avec une très agréable touriste américaine originaire de New York, Lori. "

A l'intention de ceux qui veulent en savoir d'avantage sur les terribles vents antarctiques
cliquer ici

Sachant cela, le point de la situation est simple à faire. Rudy et Dixie sont en train de vivre un véritable enfer ; depuis deux jours, le vent n'a pas arrêté de souffler en dessous de 60-80 km/h, et de souffler de face ! Ce qui, étant donné les basses températures qu'ils ont connues ces derniers jours, doit donner un windchill (facteur vent) comme jamais l'expédition South through the Pole 1997-98 n'en a connu !

En ce qui concerne le bilan de la progression, lui aussi, il est aisé à établir : après une journée de seulement 17 kilomètres (la journée du jeudi 13 janvier), les deux hommes sont arrivés hier soir au kilomètre 92. Et pour rejoindre Patriot, il leur en reste 158 à faire. Dans des conditions optimales de marche, il leur faudrait à peine une semaine pour faire le trajet.

Jeudi 13 janvier :les portes de l'amour et la peur…
En attendant des nouvelles fraîches de l'Antarctique et des deux voyageurs-explorateurs, voici à nouveau quelques lignes extraites du journal de bord de Julie. Comme nous avons de temps à autre quelques problèmes avec le système de transmission par satellite (via le mail et le Compaq), nous ne savons pas si elles font directement suite à ce qui a été publié ici même il y quatre jours (voir le rapport du 9 janvier). Mais elles concernent en tout cas la journée du 4 janvier lorsque l'épouse de Dixie est restée seule dans la tente au camp 2. Il s'agit de lignes intéressantes car elles ont été écrites par une femme qui n'a aucune expérience de ce type d'aventure et que, une fois n'est pas coutume, elles nous conduisent aux portes si pudiques de l'amour et de la peur…

Mardi 4 janvier
Je n'ai jamais été aussi seule de ma vie. Je suis assise dans la tente au camp 2 et il n'y a pas âme qui vive autour de moi. Personne. Absolument presonne… Lorsque nous avons commencé ce matin la grimpe du mur de glace qui se trouve sur le chemin du camp 3, j'ai su assez rapidement que cela allait être trop raide pour moi. C'est ainsi que j'ai dit à Dixie que je ne pouvais pas continuer et que je devais donc redescendre. Je savais qu'en agissant de la sorte, je lui donnais au moins l'occasion, à lui et à Fernand qui était en cordée avec nous, des chances de rester ensemble et d'atteindre le sommet avec les autres. Si j'avais décidé de tenter d'aller plus haut et été alors obligée de redescendre, j'aurais fait perdre pas mal de temps à ma cordée, surtout parce que le mauvais temps était en train d'apparaître dans la vallée où nous nous trouvions et qu'en perdant du temps pour moi, ils auraient peut-être été bloqués pour plusieurs jours ici….
Je suis tout de même heureuse de savoir que Dixie n'est pas seul et j'espère de tout cœur qu'il réussisse le sommet avec les autres. Mais ce que, en fait, j'espère par dessus tout, c'est qu'il ait réalisé que j'ai donné tout ce que j'avais dans le ventre. Lorsque je lui ai annoncé que je redescendais, il a éprouvé des difficultés pour cacher son désappointement, mais bien vite, il a trouvé les mots qu'il fallait pour appuyer ma décision.
Maintenant, je suis confrontée à une situation d'extrême solitude. Et je dois survivre par moi-même. Sachant qu'il y avait en tout cas une possibilité que je n'aille pas en haut, Dixie a laissé le camp 2 dans le meilleur état possible pour moi. Avec plein de vivres, suffisamment de fuel pour faire fondre la neige et une tente excellente. Le problème c'est qu'aujourd'hui, il fait extrêmement froid ici (je n'ai malheureusement pas de thermomètre car Dixie l'a pris avec lui). C'est de la malchance, vraiment. Un de mes doigts de pied est sans doute de nouveau gelé au second degré et tout le monde sait que cela fait mal. D'un autre côté, lorsqu'on se trouve seul, comme cela, dans une tente, il n'y fait pas aussi chaud que lorsqu'on y est à plusieurs. La chaleur du corps de Dixie et son sac de couchage est évidemment le meilleur isolant du monde. Mais bien vite, je fais les gestes qu'il faut ; j'apprends à apprivoiser ce petit bout d'univers glacé et, surtout, à le rendre plus confortable.
Le silence est lourd ici. Ce qui fait que j'entends très distinctement chaque mouvement que fait ma main ou mon bras lorsqu'ils bougent pour écrire ces quelques lignes. J'aime ce silence et, comme je n'ai aucun moyen de communication à ma disposition, je vais probablement m'y habituer très vite. De toutes façons, je serais seule de nouveau pendant les dix jours que va prendre le chemin du retour entre Vinson et Patriot mais cela sera me semble-t-il beaucoup plus facile à supporter que ces deux jours que je dois passer ici à attendre les autres. De plus, il n'y a pas de soleil aujourd'hui et le temps est drôlement menaçant. Je suppose que ce que je crains le plus est de devoir subir une tempête en étant seule dans la tente. Certes, je m'étais préparée à affronter une tempête, mais en compagnie de Dixie et surtout pas seule. Mais pour l'instant ça va… Réconfortons-nous avec le fait qu'ici, au moins, il n'y a aucun risque de rencontrer des ours polaires…

Mardi 11 janvier, 11.30 am dernière minute
Nous venons d'apprendre que, depuis samedi midi, moment de leur départ du Mont Vinson, Rudy et Dixie n'ont pu avancer que de 40 km ! Ce qui ne les rapproche pas beaucoup de Patriot... C'est que, faute de vent, ils n'ont pu utiliser leurs powerkites. Ils sont néanmoins en superforme et ont un moral d'enfer..."

Mardi 11 janvier : Le compte à rebours a commencé...
Nous avons appris avant hier soir par un coup de téléphone que nous ont donné Alain Hubert et Julie Brown depuis Patriot Hills où ils se sont retrouvés (Alain venant de Blue One et Julie du mont Vinson) que cette dernière a pu prendre l'avion samedi à 12h30 pm pour revenir à la base. Rudy et Dixie étant, eux, enfin partis dans leur randonnée de retour une heure avant - c'est-à-dire samedi à 11.30am. Le temps était légèrement couvert et ils ont du partir à pied car il n'y avait pas un souffle de vent.

Sur la carte publiée ici, l'on distingue le trajet de retour que vont entreprendre Dixie et Rudy depuis le camp de base du Vinson jusqu'à la station de Patriot Hills - qui se trouve quelque peu vers la droite en dehors de la carte. Les petites flèches rouges qui ont été dessinées le long du tracé - et perpendiculairement à lui - représentent les possibilités qu'ont les deux hommes pour entreprendre ci et là l'escalade d'un pic rocheux. Il est peut être bon de rappeler ici que, même si ce trajet a été accompli trois fois par le passé, tous les sommets qui se trouvent sur ce tracé entre le Vinson et Patriot Hills sont inviolés. C'est donc bel et bien de l'exploration que le duo est en train d'entreprendre - avec tous les dangers qu'une telle aventure représente. Quant aux chiffres de 1 à 8, ils ne sont que des jalons qui ont été disposés arbitrairement sur la carte par les deux hommes afin de baliser en quelque sorte le trajet ; ce sont des points de repère en somme, par où ils doivent passer et qu'ils doivent atteindre dans un certain laps de temps - timing que nous ignorons. Samedi soir, ils avaient déjà atteint le point 1. Il leur en restait donc 7 autres à faire…

En ce qui concerne la communication entre les deux hommes et le reste du monde, il a été convenu que Dixie devait contacter chaque soir son épouse, standby à Patriot Hills ; cette dernière étant chargée de faire le relais avec le QG à Bruxelles. Et que, si Julie n'avait pas de nouvelles pendant plus de 4 jours, elle devrait impérativement déclencher une opération de secours.

Dimanche 9 janvier : Dormir par - 35°C ! Brrr…
Depuis 48 heures, nous n'avons pas reçu beaucoup de nouvelles du trio de Antarctica 2000. Au téléphone vendredi soir, Dixie nous informait qu'ils avaient profité de cette brève interruption d'activités pour aller faire une reconnaissance sur le glacier qu'il vont emprunter pour entreprendre leur périlleux retour vers Patriot. "Ça a l'air de passer", disait-il, "on va se mettre en route sans doute demain…."

Après qu'il m'ait demandé de rassurer tout le monde en Belgique sur leur état de santé à tous (excellent et moral au zénith, même pour le Belge qui est tombé dans le mur - voilà qui est fait) et donné quelques nouvelles du temps (plutôt couvert), la conversation a été interrompue et ce fut tout ; en effet, comme a son habitude lorsqu'il s'éloigne, le satellite a transformé d'abord la voix de Dixie en une sorte de voix d'outre-tombe informatique avant de l'éloigner (on l'entend à peine) puis de la faire disparaître pour de bon - on va essayer de vous faire partager ces moments-là un jour…

A part cela, antarctica.org a eu une belle surprise ce week end ; en effet, un groupe de touristes américains a rencontré Alain Hubert dans les Queen Maud Land. Comme le leader de la bande - un certain Ronald Ross, écossais - est passionné d'informatique et avait tout le matériel nécessaire sur place, il nous a fait parvenir, via son correspondant à San Francisco, Ed Anderson (hi Ed), quelques photos hyperintéressantes. Car elles nous montrent non seulement le type de pic que Dixie et lui vont tenter de gravir l'an prochain mais aussi un autre visage de la base de Patriot ainsi que l'avion crashé en 1990 - un surprenant cliché - que la bande de Antarctica 2000 a été visiter (voir le rapport du 29 décembre). Une fois encore mille merci à Ed, Ronald et à tous les autres, voici d'ailleurs le click pour leur site.

Une dernière surprise aujourd'hui : Julie a réussi à nous envoyer, via le mail cette fois, un bref extrait de son journal de bord que nous reproduisons ci-dessous - ce qui nous rapproche d'eux naturellement :

Jour 2 sur le mont Vinson, le 3 janvier.
Comme la réalité ici vous éclabousse ! Il fait - 33°C au lever ce matin. Mon stylo ne fonctionne plus. Heureusement on a emmené des crayons avec nous. La nuit fut dure, très longue. Mais par bonheur, Dixie a déjà préparé le café chaud afin que, lorsque je m'éveille, je puisse en boire tout de suite. Je ne connais pas de meilleur gars que lui.
Ce qui suit, je n'aime pas : hier soir, j'étais tellement fatiguée de la longue et difficile journée de travail (Ndlr : je me demande toujours pourquoi ces "explorateurs-voyageurs" parlent de "travail" lorsqu'ils font référence aux contraintes de leurs voyages car ce n'est au fond que par et pour le plus pur des plaisirs qu'ils s'exposent à de tels tracas) que, lorsque la température a chuté, je n'ai pu m'endormir. Dixie aussi a éprouvé des difficultés pour trouver le sommeil. La cause de tout ça ? En fait nos sacs de couchage ne sont pas aussi chauds que nous l'espérions et ils ne sont en tout état de cause pas faits pour des températures aussi extrêmes. Dixie me dit que les sacs qu'il ont utilisés avec Alain lors de leur traversée étaient bien meilleurs ; mais il me confie aussi qu'à l'intérieur de la tente, ils n'ont jamais eu aussi froid que ces derniers jours. Quant à nos matelas Thermarest, ils sont "kaput".
On sent le froid jusque dans le dos et le derrière. Je tente de me rouler en boule et épouser la forme du fœtus, pour tenir le corps plus au chaud. Mais cette tactique ne marche pas. Mon haleine gèle presque instantanément au contact du moindre obstacle ; mon nez est à la fois endolori et douloureux, ma narine gauche, elle, saigne, tellement elle est sèche.
J'avais un léger mal à la tête hier soir, mais je ne pense pas qu'il soit dû à l'altitude mais plutôt à l'exposition intensive au soleil extrême qui nous a arrosé de ses rayons l'autre jour. Je tente de me motiver au maximum pour les jours qui vont suivre. Pour ce faire, les boissons chaudes aident…

Ici prend fin ce court mais chaud extrait du journal de bord de Julie que le satellite a bien voulu nous envoyer. Quelques heures plus tard, elle prenait la décision de ne pas poursuivre l'ascension.

 

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Visiter ici les pages originales de l'expédition telles que publiées à l'époque
(été austral 1999-2000) dans notre site antarctica.org avec des détails
sur les motivations d'un chacun et sur le matériel utilisé