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ANTARCTICA 2000
Dixie Dansercoer, Julie Brown & Rudy Van Snick
Jeudi
27 janvier : Les
voyageurs attendent
Nous venons
de recevoir, par e-mail, quelques informations en provenance
de Patriot Hills et concernant le raid entre le mont Vinson et
la station.
-
"Go places, leave
no traces" (le slogan de Patriot) : 5,5 kilos de déchets
humains emballés dans des sacs en plastique ont été rapportés
par Rudy et Dixie de cette deuxième partie expédition.
Mis à part les petits besoins naturels liquides, aucun
autre déchet n'a été laissé dans
cet environnement vierge.
-
Dixie a perdu plus
de poids lors de ce trajet. Au moment du départ à Punta
Arenas, il pesait 68 kilos. Aujourd'hui, il n'en pèse
plus que 59. Est-il besoin d'ajouter, note Julie, qu'il se rattrape
en mangeant bien. Pourquoi cette perte de poids ? Ils n'ont pas
assez soigné le côté calories de la nourriture
qu'ils ont emmenée avec eux. Ils pensaient surtout qu'ils
allaient pouvoir faire de la voile, avancer plus vite et donc
rester moins longtemps sur la glace.
-
Une seule ascension
a été effectuée ; ce fut au cours du dernier
jour de voyage (vendredi 22 janvier). Comme récompense
d'avoir réussi leur pari, Dixie et Rudy ont grimpé un
des nunataks qui se trouve à l'entrée de la vallée
Horseshoe, juste avant d'arriver à Patriot. Le pilote
du Twin Otter a pu voir les traces qu'ils ont laissées
dans la neige lorsque les deux hommes étaient en route
vers le sommet. Bien que ce fut évidemment insuffisant
pour satisfaire leur goût de l'escalade, ils ont pu enfin
savourer les plaisirs de la grimpe après deux semaines
passées à crapahuter dans la neige et contre le
vent.
-
Qu'est-ce qui les
a surtout ralenti dans leur progression ? Le mauvais temps en
premier, mais cela, vous le saviez déjà. Jour après
jour, ils ont rencontré du whiteout, des vents violents,
des températures extrêmement froides, dues naturellement
au windchill. Mais ils ont aussi dû affronter des zones
de crevasses importantes, qu'ils été obligés
de négocier par des conditions de visibilité très
mauvaises. Aussi, ils ont progressé dans de la neige très
profonde, ce qui a également ralenti leur marche. Quant
aux voiles de traction, les powerkites, ils n'ont pu s'en servir
que le dernier jour, lorsqu'ils étaient proches de Patriot.
En ce qui concerne le
retour de l'expédition, Dixie, que nous avons eu au téléphone
mercredi soir, n'en savait encore rien. Car le mauvais temps (de
nouveau lui) ne permet pas que le Hercules atterrisse. Il semble
que, pour aujourd'hui, les météorologues prévoient
une accalmie passagère mais nul ne sait si elle sera assez
longue pour permettre au C130 de faire l'aller-retour Punta Patriot.
Lundi
24 janvier : Sains
et saufs à Patriot, depuis samedi à l'aube
C'est
dans la nuit de vendredi 21 à samedi 22 janvier que le
duo Van Snick Dansercoer est arrivé, sans encombre, à la
station de Patriot Hills.
Afin de pouvoir embarquer à bord
du Hercules C130 pour Punta et donc d'arriver le plus vite possible à la
base, Dixie et Rudy ont finalement opté pour une marche
forcée. Une petite marche forcée de 19 heures et
20 minutes au cours de laquelle ils ont accompli 43 kilomètres
dont 15 km à la voile et le reste à skis. Le tout,
avec seulement deux potages dans le ventre - ce qui prouve tout
de même que les deux hommes étaient franchement à court
de nourriture. C'est ainsi qu'ils sont arrivés en vue des
tentes à 4 am samedi à l'aube et qu'ils ont eu l'immense
joie de voir que le troisième membre de l'expédition
et épouse de Dixie, Julie Brown, se trouvait encore à la
station. Durant cette dernière
journée, ils ont eu quand même le temps d'escalader
un nunatak et de faire de légers détours ci et là pour
explorer ces rochers de granit qui, comme autant de cathédrales, émergent
noirs ou rouge-ocre de la calotte glaciaire.
Bien entendu, nous laissons
aux trois membres de Antarctica 2000 le soin de raconter en détail
ce qu'ils ont vécu pendant les deux parties de l'expédition
lors de leurs prochaines conférences ou interviews télévisées.
A ce propos d'ailleurs, Dixie et Julie sont déjà en
train d'écrire un livre qui s'appellera "De Witte
Passie" et sortira sans doute bien vite aux éditions
Van Halewijck (Leuven).
En attendant, voici,
en résumé, ce que Dixie nous a raconté au téléphone
de Patriot, quelques heures après son retour - et qui confirme
d'ailleurs ce qui a été écrit dans ces communiqués
depuis leur départ du camp de base du mont Vinson. "Nous
avons eu tout le temps des cents contraires, a expliqué Dixie, et
des vents violents parfois, jusqu'à 100 km/h parfois. Lorsque
le vent ne soufflait pas, nous avions alors du white out… pas
très amusant ! Sur les 12 jours de marche, figure-toi, Michel,
nous avons eu 5 jours de white out ! Le reste du temps, le vent
soufflait de face. Heureusement, comme il n'a jamais fait plus
froid que -27°C, nous n'avons pas trop souffert du froid, même
avec le windchill. Cela dit, nous avons eu quand même l'occasion
d'effectuer quelques observations de terrain dans les zones qui
n'avaient jamais été foulés par l'homme. Et
le dernier jour, vendredi, nous avons été explorer
quelques nunataks avant d'arriver à Patriot. Même
si le programme ne s'est pas déroulé tout à fait
comme prévu - nous aurions naturellement aimé faire
quelques sommets de plus, je suis - nous sommes, Rudy et moi -
extrêmement contents d'avoir fait ce périple. Ce fut
un expérience inoubliable…"
En ce qui concerne le
retour de l'expédition, il semble que la fenêtre météo
ouverte en début de semaine sur Patriot s'est refermée
bien vite ; le Hercules affrété par ANI n'a, en effet,
pas pu encore être appelé par le chef de la base.
L'attente du beau temps avait inauguré cette sympathique
expédition. Elle est derechef au rendez-vous pour, mais
cette fois pour clôturer et donner un dernier suspense à l'aventure.
Jeudi
20 janvier, 6 pm : Nouvelles
(et dernières ?) incertitudes
Il n'y a pas à dire,
la fin de Antarctica 2000 se déroule dans une certaine confusion.
D'après les dernières
nouvelles que nous avons reçues (la nuit de mercredi à jeudi
au téléphone avec Julie et un e-mail ce jeudi matin),
il semble que ANI - qui, d'après elle, souhaite aussi voir
Dixie et Rudy quitter l'Antarctique le plus vite possible, c'est-à-dire,
par le prochain vol vers Punta - propose au team plusieurs possibilités
de retour.
Première solution :
chercher les hommes en Twin Otter lors du retour de l'avion qui
devait faire, aujourd'hui jeudi 20 janvier, un dernier voyage vers
le mont Vinson - ceci pour autant qu'ils ne se trouvent pas trop éloignés
de l'itinéraire de retour (cette option est gratuite).
Deuxième solution : aller les chercher par un
vol spécial - en Twin toujours. Coût : 2.500 dollars
l'heure de vol.
Troisième solution : aller à leur rencontre en skidoos
- cette solution ne peut être envisagée que si Dixie et Rudy
ne se trouvaient, au cours de cette journée de jeudi, pas à plus
de 25 kilomètres de la station.
Quatrième solution : ils rentrent à la
base par leurs propres moyens, c'est-à-dire en poursuivant
leur marche. Dans ce cas, le tandem devrait attendre la fin du
mois et les opérations de fermeture de la station pour
rentrer à Punta - ce qui retarderait naturellement leur
retour au pays d'au moins une dizaine de jours.
Cette situation de fin
d'expédition est d'autant plus hésitante que la communication
entre le duo Dixie-Rudy et la base de Patriot ne fonctionne plus
très bien. Julie parvient à prendre contact par le
téléphone Irridium avec les deux hommes - et elle
les entend bien - mais ceux-ci n'ont pas le retour, ce qui veut
dire qu'ils ne savent pas que ANI leur propose ces 4 possibilités.
Aujourd'hui donc, ils risquaient de voir arriver l'avion pour les
reprendre alors qu'ils n'ont rien demandé. Ce qui est certain
en revanche, c'est que, d'une part, les deux marcheurs vont bien
et que, de l'autre, le beau temps est enfin revenu sur cette partie
du 6e continent. Julie est sans doute en train de voler vers Punta
car Stephen, le responsable de la base, devait profiter des conditions
favorables pour faire voler le Hercules aujourd'hui. A l'heure
où nous publions ce communiqué, jeudi soir, 20 janvier,
nous ne savons pas encore ce qui est advenu de Dixie et de Rudy.
D'autres nouvelles, ce
week end, bien entendu.
ANI
réagit
Hello
Michel
Avant
toute chose, permettez de vous dire que j'aime vraiment
beaucoup votre website, son layout, son graphisme, son
contenu aussi… Bref, je trouve le tout très
réussi.
Je
viens pourtant de lire les commentaires que vous avez fait
récemment au sujet de ANI et de Steve Pinfield ;
et je dois dire que je suis déçu de constater
que vous n'avez pas pris la peine de contacter l'intéressé pour
lui demander son avis en ce qui concerne la décision
que vous commentez au lieu de lancer ainsi un jugement
assez sévère à son endroit. Puis-je
me permettre de vous suggérer de faire des rapports
plus équitables ; dans le cas qui nous préoccupe,
Steve pourrait bien avoir pris sa décision en se
basant sur des facteurs de sécurité.
Deuxièmement,
vous écrivez que ANI jouit d'un monopole gouvernemental.
Rien ne pourrait être aussi loin de la réalité.
N'importe quelle compagnie peut commencer à opérer
dans l'Antarctique. Preuve : l'Illyouchine de l'expédition
russe qui a fréquenté Patriot Hills cette
saison. De plus, dans le passé, ANI a eu à affronter
la compétition ; toutes les compagnies ou sociétés
qui ont essayé le type de voyage que nous organisons
ont fait faillite. En ce qui concerne les contacts que
nous avons avec les gouvernements, je dois vous informer
que, dans le passé, plusieurs d'entre eux ont essayé de
nous empêcher de travailler dans l'Antarctique et,
si nous avons actuellement des contacts avec certains gouvernements
membres du Traité qui opèrent là-bas,
ce n'est qu'en raison de la longévité et
le sérieux de nos opérations sur le 6e continent.
Je dois ajouter qu'ANI survit simplement en raison du fait
que ses propriétaires sont tous des amoureux de
l'Antarctique et qu'ils sont prêts à prendre
des risques financiers que personne sans intérêt
matériel à la clef ne prendrait.
Il
est vrai pourtant que des explorateurs comme Alain ou Dixie
aident ANI à poursuivre ses opérations polaires
en leur communiquant, entre autre, la passion que l'entièreté du
team de ANI éprouve pour ces terres lointaines.
Les grandes aventures, c'est tout ce qui concerne ANI.
Encore merci pour votre site ; c'est vraiment du très
beau travail.
Regards,
Martyn Williams, Director, ANI
|
antarctica.org
répond
Dear
Martyn
Si
je n'ai pas pris la peine de contacter Stephen Pinfield,
c'est que, depuis que j'assure le suivi de l'expédition
Antarctica 2000, il m'est arrivé à plusieurs
reprises de devoir rentrer en contact avec la base de Patriot
Hills par e-mail. A chaque fois, je ne recevais en retour
par le moindre courrier de confirmation de bonne réception,
comme cela se fait d'habitude dans l'univers du Net lorsque
des échanges lointains ont lieu. J'imagine mal Stephen
répondre rapidement (rapidement en raison du délais
de publication) à mes questions.
En
ce qui concerne le monopole, je n'ai jamais, écrit
que ANI détenait un monopole gouvernemental. J'ai écrit "ANI
possède en effet un véritable monopole des
activités touristiques sur le 6e continent".
Ne parlons pas de la preuve par l'Illiouchyne qui n'est
que l'exception qui confirme la règle. Car, depuis
que nous fréquentons les latitudes polaires, nous
n'avons jamais entendu parler d'un TO russe qui emmenait
des gens au pôle Sud par exemple.
Mais
disons plutôt trois choses en ce qui concerne le
monopole de ANI.
Un : il existe une différence entre un monopole d'état
(gouvernemental) et un monopole de fait. En ce qui concerne ANI, c'est
d'un monopole de fait qu'il s'agit bien évidemment. Et tous
les polaires sont d'accord sur ce point : avant qu'un autre TO puisse,
par exemple, comme l'a fait ANI pour la sécurité de ses
vols, installer des dépôts de fuels in the middle of
nowhere entre le pôle Sud, Patriot Hills et Blue One, il
y aura bien des flocons qui seront tombés sur la calotte polaire.
Deux : c'est fort probablement le lobby des explorateurs polaires qui
a aidé à la mise en place de ce monopole car ils aiment
travailler avec des professionnels - et le moins qu'on puisse dire
c'est que ANI fait bien son boulot.
Trois : il subsiste malgré tout un flou artistique (entretenu
par ANI ou pas, mais les incertitudes existent bel et bien) en ce qui
concerne ce que les professionnels de l'aventure peuvent faire ou ne
pas faire sur le 6e continent. Les assurances, les permissions, les
relations du TO avec les autorités Antarctiques, etc…
Je
ne voudrais pas terminer sans vous souhaiter un franc succès
pour votre projet Pole
to Pole 2000 (dès avril, Martyn Williams emmène
des jeunes d'un pôle à l'autre) dont nous espérons
pouvoir bientôt parler dans nos colonnes.
Michel
Brent |
Mercredi
15 janvier : Un
vent méchant souffle sur le continent blanc
Après
avoir quitté Zaventem
samedi en début de soirée, Dixie Dansercoer et son épouse
Julie Brown sont bien arrivés le lendemain à Punta
Arenas d'où ils devraient s'envoler vers l'Antarctique le
20 décembre - Rudy Van Snick, lui, ne partant de Bruxelles
que demain jeudi 16 décembre.
Le trio n'est pourtant
pas encore certain de la date de leur vol (en Hercules C130) car
depuis plus d'un mois, un temps pourri règne sur cette partie
de l'Antarctique. Des vents d'une rare violence soufflent en effet
sur la calotte glaciaire depuis le début novembre. Alain Hubert
qui devait embarquer à bord d'un C130 pour Patriot
Hills la semaine dernière (afin d'effectuer son expédition
de repérage dans les Queen Maud Land en compagnie de l'alpiniste
français Danier Mercier) n'a pu en fait partir que mardi soir,
profitant sans doute d'une accalmie passagère..
Pour l'instant, Dixie
et Julie testent une dernière fois le matériel - et particulièrement
le matériel de communication qu'ils vont utiliser pendant
leur expédition. C'est ainsi que nous avons reçu notre
premier appel de Punta via satellite hier soir ; tout fonctionnait
parfaitement.
Aujourd'hui, Dixie et Julie
se rendent pour deux jours dans le parc naturel chilien de Torres
del Paine. Ils profitent de ce temps mort pour faire un peu de
tourisme dans une réserve naturelle dont la réputation
n'est plus à faire car, dès 1978, l'Unesco lui
a donné le statut de patrimoine de l'humanité du parc,
en le reconnaissant comme une biosphère particulièrement
digne de reconnaissance internationale.
En attendant d'autres
nouvelles, voici quelques infos concernant les autres expéditions qui
se trouvent aux prises avec les catabatiques de l'Antarctique. Il
y a des Australiens (Peter Treseter et Tim James) qui ont quitté l'île
Berkner pour rejoindre Mc Murdo, à pied et en autonomie. Pour
l'instant, leur progression est bonne. On trouve également
sur la calotte glaciaire des Singapouriens dont l'objectif est de
relier Patriot Hills au pôle Sud. Bonne progression également.
Troisième expédition ; des Anglaises qui, elles aussi,
font le raid Patriot Hills - pôle
Sud. Aux dires d'Alain (qui est en communication avec Patriot), elles
avancent trop lentement. Dans cette brève énumération,
il ne faut pas oublier l'alpiniste française Laurence
de la Ferrière qui a quitté le pôle Sud pour
un incroyable raid de plus de 3000 km qui devrait la mener à la
station française de Dumont d'Urville ; une fois de plus,
elle est seule sur la glace et avance avec des voiles dont la technologie
est différente de celle utilisée par les Belges en
1997-98. Après un début pénible, elle commence à toucher
des vents favorables. " 145 km parcourus ce dernier week-end,
elle commence à skier comme un Norvégien, je suis fier
de Laurence " déclarait hier le Norvégien Kjell
Ove Storvik, son routeur basé à Dumont d'Urville.
Vendredi
14 janvier : Inouïs,
violents, effroyables...
Pas
de chance pour l'expédition
Antarctica 2000 ; le mauvais temps, un sale, un infecte mauvais temps
s'est à nouveau installé sur la région de Patriot
Hills et ses environs. C'est Julie qui nous a annoncé cette
nouvelle, dans un e-mail d'abord, au téléphone cette
nuit, ensuite - nous rappelons que Julie est restée à Patriot
Hills et s'occupe de faire le relais pour la communication
entre les deux hommes sur le terrain et le QG à Bruxelles.
Chaque soir, après avoir établi le camp et sans doute
après dîner, Dixie appelle Julie aux environs de 9 pm
pour donner les infos de la journée. Une demi-heure plus tard,
Julie appelle le QG et le lendemain matin, studieuse comme pas deux,
elle se met à rédiger son carnet de notes et à envoyer
les e-mails.
Tableau
du facteur vent (windchill) pour savoir par exemple quelle
température réelle il fait lorsque le mercure
descend à -30°C et que le vent souffle à 60
km/h
cliquer
ici
|
Voici donc ce que Julie
nous a raconté cette nuit au sujet du vent qui souffle sur
Patriot: "C'est
incroyable comme le vent est violent, Michel, tu ne peux pas t'imaginer à quel
point cela souffle ici. Il faut aussi dire que les rafales sont d'autant
plus infernales que nous sommes situés à quelques encablures à peine
des montagnes, ce qui rend l'effet toboggan des vents encore plus
spectaculaire. Hier matin il était tellement fort, soufflant à plus
de 130 km/h - tu te rends compte ?- que ma tente a été complètement
déchirée. Voici comment les choses se sont passées.
Après une nuit sans sommeil - le bruit du vent et le souci
que je me fais des deux hommes -, j'avais été me réfugier
dans la tente mess en attendant que passe la tempête. Il était
aux environs de 10 heures. C'est alors qu'un des employés
de ANI a fait irruption pour m'avertir que ma tente était
en train de s'envoler en lambeaux ! Bien entendu, on s'est précipité au
dehors, ce qui n'était pas évident, tu comprends bien… C'est
simple : nous avons dû nous agripper les uns aux autres pour
pouvoir tenir debout tellement les rafales étaient violentes.
Lorsqu'on est arrivé près de ma tente, il n'y avait
plus rien à faire : heureusement, nous avons été à même
de sauver tout ce qu'il y avait à l'intérieur mais
en ce qui concerne la tente elle-même, elle était bien
et bien déchirée, fichue ! Heureusement ANI prévoit
ce type d'aventure et il m'ont donné une tente de remplacement
où je loge avec une très agréable touriste américaine
originaire de New York, Lori. "
A
l'intention de ceux qui veulent en savoir d'avantage sur les
terribles vents antarctiques
cliquer ici |
Sachant cela, le point
de la situation est simple à faire. Rudy et Dixie sont en train
de vivre un véritable enfer ; depuis deux jours, le vent n'a
pas arrêté de souffler en dessous de 60-80 km/h, et
de souffler de face ! Ce qui, étant donné les basses
températures qu'ils ont connues ces derniers jours, doit donner
un windchill (facteur vent) comme jamais l'expédition South
through the Pole 1997-98 n'en a connu !
En ce qui concerne le
bilan de la progression, lui aussi, il est aisé à établir
: après une journée de seulement 17 kilomètres
(la journée du jeudi 13 janvier), les deux hommes sont arrivés
hier soir au kilomètre 92. Et pour rejoindre Patriot, il leur
en reste 158 à faire. Dans des conditions optimales de marche,
il leur faudrait à peine une semaine pour faire le trajet.
Jeudi
13 janvier :les
portes de l'amour et la peur…
En
attendant des nouvelles fraîches de l'Antarctique et des
deux voyageurs-explorateurs, voici à nouveau quelques lignes
extraites du journal de bord de Julie. Comme nous avons de temps à autre
quelques problèmes
avec le système de transmission par satellite (via le mail
et le Compaq), nous ne savons pas si elles font directement suite à ce
qui a été publié ici même il y quatre
jours (voir le rapport du 9 janvier). Mais elles concernent en tout
cas la journée du 4 janvier lorsque l'épouse de Dixie
est restée seule dans la tente au camp 2. Il s'agit de lignes
intéressantes car elles ont été écrites
par une femme qui n'a aucune expérience de ce type d'aventure
et que, une fois n'est pas coutume, elles nous conduisent aux portes
si pudiques de l'amour et de la peur…
Mardi
4 janvier
Je n'ai jamais été aussi seule de ma vie. Je suis assise dans
la tente au camp 2 et il n'y a pas âme qui vive autour de moi. Personne.
Absolument presonne… Lorsque nous avons commencé ce matin la
grimpe du mur de glace qui se trouve sur le chemin du camp 3, j'ai su assez
rapidement que cela allait être trop raide pour moi. C'est ainsi que
j'ai dit à Dixie que je ne pouvais pas continuer et que je devais donc
redescendre. Je savais qu'en agissant de la sorte, je lui donnais au moins
l'occasion, à lui et à Fernand qui était en cordée
avec nous, des chances de rester ensemble et d'atteindre le sommet avec les
autres. Si j'avais décidé de tenter d'aller plus haut et été alors
obligée de redescendre, j'aurais fait perdre pas mal de temps à ma
cordée, surtout parce que le mauvais temps était en train d'apparaître
dans la vallée où nous nous trouvions et qu'en perdant du temps
pour moi, ils auraient peut-être été bloqués pour
plusieurs jours ici….
Je suis tout de même heureuse de savoir que Dixie n'est pas seul et j'espère
de tout cœur qu'il réussisse le sommet avec les autres. Mais ce
que, en fait, j'espère par dessus tout, c'est qu'il ait réalisé que
j'ai donné tout ce que j'avais dans le ventre. Lorsque je lui ai annoncé que
je redescendais, il a éprouvé des difficultés pour cacher
son désappointement, mais bien vite, il a trouvé les mots qu'il
fallait pour appuyer ma décision.
Maintenant,
je suis confrontée à une situation d'extrême solitude.
Et je dois survivre par moi-même. Sachant qu'il y avait en tout
cas une possibilité que je n'aille pas en haut, Dixie a laissé le
camp 2 dans le meilleur état possible pour moi. Avec plein de
vivres, suffisamment de fuel pour faire fondre la neige et une tente
excellente. Le problème c'est qu'aujourd'hui, il fait extrêmement
froid ici (je n'ai malheureusement pas de thermomètre car Dixie
l'a pris avec lui). C'est de la malchance, vraiment. Un de mes doigts
de pied est sans doute de nouveau gelé au second degré et
tout le monde sait que cela fait mal. D'un autre côté,
lorsqu'on se trouve seul, comme cela, dans une tente, il n'y fait pas
aussi chaud que lorsqu'on y est à plusieurs. La chaleur du corps
de Dixie et son sac de couchage est évidemment le meilleur isolant
du monde. Mais bien vite, je fais les gestes qu'il faut ; j'apprends à apprivoiser
ce petit bout d'univers glacé et, surtout, à le rendre
plus confortable.
Le
silence est lourd ici. Ce qui fait que j'entends très distinctement
chaque mouvement que fait ma main ou mon bras lorsqu'ils bougent pour écrire
ces quelques lignes. J'aime ce silence et, comme je n'ai aucun moyen
de communication à ma disposition, je vais probablement m'y
habituer très vite. De toutes façons, je serais seule
de nouveau pendant les dix jours que va prendre le chemin du retour
entre Vinson et Patriot mais cela sera me semble-t-il beaucoup plus
facile à supporter que ces deux jours que je dois passer ici à attendre
les autres. De plus, il n'y a pas de soleil aujourd'hui et le temps
est drôlement menaçant. Je suppose que ce que je crains
le plus est de devoir subir une tempête en étant seule
dans la tente. Certes, je m'étais préparée à affronter
une tempête, mais en compagnie de Dixie et surtout pas seule.
Mais pour l'instant ça va… Réconfortons-nous avec
le fait qu'ici, au moins, il n'y a aucun risque de rencontrer des ours
polaires…
Mardi
11 janvier, 11.30 am dernière minute
Nous
venons d'apprendre que, depuis samedi midi, moment de leur départ
du Mont Vinson, Rudy et Dixie n'ont pu avancer que de 40 km ! Ce
qui ne les rapproche pas beaucoup de Patriot... C'est que, faute
de vent, ils n'ont pu utiliser leurs powerkites. Ils sont néanmoins
en superforme et ont un moral d'enfer..."
Mardi
11 janvier : Le
compte à rebours a commencé...
Nous avons appris avant hier
soir par un coup de téléphone que nous ont donné Alain
Hubert et Julie Brown depuis Patriot Hills où ils se sont
retrouvés (Alain venant de Blue One et Julie du mont Vinson)
que cette dernière a pu prendre l'avion samedi à 12h30
pm pour revenir à la base. Rudy et Dixie étant, eux,
enfin partis dans leur randonnée de retour une heure avant
- c'est-à-dire samedi à 11.30am. Le temps était
légèrement couvert et ils ont du partir à pied
car il n'y avait pas un souffle de vent.
Sur la carte publiée
ici, l'on distingue le trajet de retour que vont entreprendre Dixie
et Rudy depuis le camp de base du Vinson jusqu'à la station
de Patriot Hills - qui se trouve quelque peu vers la droite en dehors
de la carte. Les petites flèches rouges qui ont été dessinées
le long du tracé - et perpendiculairement à lui - représentent
les possibilités qu'ont les deux hommes pour entreprendre
ci et là l'escalade d'un pic rocheux. Il est peut être
bon de rappeler ici que, même si ce trajet a été accompli
trois fois par le passé, tous les sommets qui se trouvent
sur ce tracé entre le Vinson et Patriot Hills sont inviolés.
C'est donc bel et bien de l'exploration que le duo est en train d'entreprendre
- avec tous les dangers qu'une telle aventure représente.
Quant aux chiffres de 1 à 8, ils ne sont que des jalons qui
ont été disposés arbitrairement sur la carte
par les deux hommes afin de baliser en quelque sorte le trajet ;
ce sont des points de repère en somme, par où ils doivent
passer et qu'ils doivent atteindre dans un certain laps de temps
- timing que nous ignorons. Samedi soir, ils avaient déjà atteint
le point 1. Il leur en restait donc 7 autres à faire…
En ce qui concerne la
communication entre les deux hommes et le reste du monde, il a été convenu
que Dixie devait contacter chaque soir son épouse, standby à Patriot
Hills ; cette dernière étant chargée de faire
le relais avec le QG à Bruxelles. Et que, si Julie n'avait
pas de nouvelles pendant plus de 4 jours, elle devrait impérativement
déclencher une opération de secours.
Dimanche
9 janvier : Dormir
par - 35°C ! Brrr…
Depuis
48 heures, nous n'avons pas reçu beaucoup de nouvelles du
trio de Antarctica 2000. Au téléphone vendredi soir,
Dixie nous informait qu'ils avaient profité de cette brève
interruption d'activités
pour aller faire une reconnaissance sur le glacier qu'il vont emprunter
pour entreprendre leur périlleux retour vers Patriot. "Ça
a l'air de passer", disait-il, "on va se mettre
en route sans doute demain…."
Après qu'il m'ait demandé de
rassurer tout le monde en Belgique sur leur état de santé à tous
(excellent et moral au zénith, même pour le Belge qui
est tombé dans le mur - voilà qui est fait) et donné quelques
nouvelles du temps (plutôt couvert), la conversation a été interrompue
et ce fut tout ; en effet, comme a son habitude lorsqu'il s'éloigne,
le satellite a transformé d'abord la voix de Dixie en une sorte
de voix d'outre-tombe informatique avant de l'éloigner (on l'entend à peine)
puis de la faire disparaître pour de bon - on va essayer de vous
faire partager ces moments-là un jour…
A part cela, antarctica.org
a eu une belle surprise ce week end ; en effet, un groupe de touristes
américains a rencontré Alain Hubert dans les Queen
Maud Land. Comme le leader de la bande - un certain Ronald Ross, écossais
- est passionné d'informatique et avait tout le matériel
nécessaire sur place, il nous a fait parvenir, via son correspondant à San
Francisco, Ed Anderson (hi Ed), quelques photos hyperintéressantes.
Car elles nous montrent non seulement le type de pic que Dixie et
lui vont tenter de gravir l'an prochain mais aussi un autre visage
de la base de Patriot ainsi que l'avion crashé en 1990 - un
surprenant cliché - que la bande de Antarctica 2000 a été visiter
(voir le rapport du 29 décembre). Une fois encore mille merci à Ed,
Ronald et à tous les autres, voici d'ailleurs le click pour
leur site.
Une dernière surprise
aujourd'hui : Julie a réussi à nous envoyer, via le
mail cette fois, un bref extrait de son journal de bord que nous
reproduisons ci-dessous - ce qui nous rapproche d'eux naturellement
:
Jour
2 sur le mont Vinson, le 3 janvier.
Comme la réalité ici vous éclabousse ! Il fait - 33°C
au lever ce matin. Mon stylo ne fonctionne plus. Heureusement on a emmené des
crayons avec nous. La nuit fut dure, très longue. Mais par bonheur,
Dixie a déjà préparé le café chaud afin
que, lorsque je m'éveille, je puisse en boire tout de suite. Je ne connais
pas de meilleur gars que lui.
Ce qui suit, je n'aime pas : hier soir, j'étais tellement fatiguée
de la longue et difficile journée de travail (Ndlr : je me demande
toujours pourquoi ces "explorateurs-voyageurs" parlent de "travail" lorsqu'ils
font référence aux contraintes de leurs voyages car ce n'est
au fond que par et pour le plus pur des plaisirs qu'ils s'exposent à de
tels tracas) que, lorsque la température a chuté, je n'ai
pu m'endormir. Dixie aussi a éprouvé des difficultés pour
trouver le sommeil. La cause de tout ça ? En fait nos sacs de couchage
ne sont pas aussi chauds que nous l'espérions et ils ne sont en tout état
de cause pas faits pour des températures aussi extrêmes. Dixie
me dit que les sacs qu'il ont utilisés avec Alain lors de leur traversée étaient
bien meilleurs ; mais il me confie aussi qu'à l'intérieur de
la tente, ils n'ont jamais eu aussi froid que ces derniers jours. Quant à nos
matelas Thermarest, ils sont "kaput".
On sent le froid jusque dans le dos et le derrière. Je tente de me rouler
en boule et épouser la forme du fœtus, pour tenir le corps plus
au chaud. Mais cette tactique ne marche pas. Mon haleine gèle presque
instantanément au contact du moindre obstacle ; mon nez est à la
fois endolori et douloureux, ma narine gauche, elle, saigne, tellement elle
est sèche.
J'avais un léger mal à la tête hier soir, mais je ne pense
pas qu'il soit dû à l'altitude mais plutôt à l'exposition
intensive au soleil extrême qui nous a arrosé de ses rayons l'autre
jour. Je tente de me motiver au maximum pour les jours qui vont suivre. Pour
ce faire, les boissons chaudes aident…
Ici prend fin ce court
mais chaud extrait du journal de bord de Julie que le satellite a
bien voulu nous envoyer. Quelques heures plus tard, elle prenait
la décision
de ne pas poursuivre l'ascension.
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Visiter
ici les pages originales de l'expédition telles que publiées à
l'époque
(été austral 1999-2000)
dans notre site antarctica.org avec des détails
sur les motivations
d'un chacun et sur le matériel utilisé
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