ARCTIC OCEAN 2000
Rune Gjeldens and Torry Larsen

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4 juin

Ce fut donc samedi matin à 5h30, heure locale, que Rune Gjeldens et Torry Larsen ont posé le pied sur le continent nord américain, à Cape Discovery sur l'île Ellsmere plus précisément (83°04'41"N & 77°00'19"W).
Après avoir traversé l'océan Arctique en 109 jours et en autonomie totale - rappelons pour ceux qui ne le savent pas encore (et ils sont plus nombreux qu'on ne le croit), que l'Arctique est un océan recouvert d'une banquise alors que l'Antarctique et un véritable continent.
Pour résumer les derniers moments de l'expédition : Rune et Torry ont fait le forcing depuis vendredi matin - après avoir déjà progressé pendant 24 heures sans interruption et sans sommeil entre mardi et mercredi dernier. Arrivés en vue des côtes canadiennes à la hauteur de Cape Discovery, ils se sont trouvés bloqués devant une eau libre de plus de 200 mètres de large. Au-délà, c'était la délivrance, l'explosion du rêve, la fin de tous les cauchemars...
Pendant des heures, ils ont essayé de passer mais, sans traîneau, c'était difficile. Impossible même, dit le communiqué, en raison des énormes quantités de glaces flottantes et instables qui entrouraient cette zone de mer non gelée. Quelle n'était pas la frustration des aventureirs ! Ils se trouvaient à 200 mètres du but, sans fuel, sans vivres, sans eau, avec seulement deux cingarettes restantes.
C'est alors qu'est apparu dans le ciel l'avion, qui venait les chercher : après avoir atterri sur la terre ferme - et non sur la banquise donc - s'est engagé un échange de propos, surréaliste dit le communiqué, entre ceux qui venaient accueillir les rescapés et ces derniers qui ne savaient pas comment faire pour rejoindre le groupe.
Finalement, l'avion a redécollé pour aller se poser sur la banquise, 200 mètres plus loin, et secourir ceux qui venaient de parcourir un total de 1914 km en 109 jours dans les conditions que l'on sait.

Un détail peut-être pour clore les retransmissions de cette expédition polaire ; je me suis rendu à Paris la semaine dernière dans le but de rencontrer les gens de Cercles Polaires Expéditions, - Nicolas Maingasson et Christian de Marliave, entre autres. Qui non seulement organisent - au départ de la Sibérie - des voyages touristiques au pôle Nord pour les Tour Operator vendant ce produit mais qui également s'occupent de la logistique des expéditions polaires qui choisissent la Sibérie comme point de départ popur traverser l'Arctique - ce sont eux qui ont managé toute l'expédition norvégienne, par exemple - et la française aussi.
Nicolas et Christian - qui étaient au pôle Nord lorsque les Français et les Norvégiens sont passés par là - m'ont expliqué que, lorsqu'ils ont voulu s'approcher de la tente de Rune et de Torry pour aller les saluer, simplement leur dire bonjour, ces derniers ont refusé tout contact avec le groupe en leur demandant de s'éloigner - autonomie du projet oblige.
Une preuve de plus - nous en avons déjà parlé précédemment - que ces deux gars de la septentrionale Norvège sont plus que probablement des mecs formidables, entiers et authentiques.

2 juin

Le déroulement de cette fin d'expédition est nettement moins problématique que ce qui se passe du côté des Français. En effet, Rune et Torry se trouvent, en ce 2 juin 2000, à 50 kilomètres du but et, dans le flash de la homepage, nous avons annoncé, ce même jour, qu'à 7h ce matin, ils ont aperçu pour la première fois les montagnes de Resolute Bay. Une image qu'ils attendent depuis le 12 février dernier ! On imagine ce qui a pu se passer dans leur esprit à ce moment...
Un dernier suspense subsiste cepandant - qui pourrait venir mettre en cause, non pas le succès de cette grande traversée, mais l'autonomie du projet. Et l'on sait combien est pointilleux le monde des explorateurs polaires lorsqu'il s'agit d'attribuer à une équipe le bénéfice du "sans ravitaillement".
Explication : ce matin, il leur restait donc envrion 50 kms à faire ; mais ils n'avaient plus dans leur sac que pour 12 heures de nourriture. Or, le terrain est de plus en plus difficile (chaos de glaces, hummocks, eaux libres) et Torry, dans son communiqué matinal, estimait pour mettre pied à terre sur l'île d'Ellesmere, il leur fallait encore marcher (ou skier) pendant au moins 24 heures. Ce qui leur laisserait une douzaine d'heures de travail acharné sans pouvoir avaler la moindre calorie.

D'autres nouvelles, plus tard dans la soirée probablement...
02 juin 9pm : pas d'autres nouvelles depuis tout à l'heure.

22 mai

Rune et Torry sont en train de vivre un véritable enfer. La grande nouvelle de cette deuxième partie d'expédition, depuis notre dernier rapport, le 12 mai, réside dans le fait que les deux Norvégiens ont décidé - cela s'est passé le 13 mai - d'abandonner leurs traîneaux. Et de mettre tout ce dont ils avaient le plus besoin dans leurs sacs à dos.
C'est ainsi qu'ils ont laissé sur la glace arctique leurs meilleurs matelas de sol, par exemple (heureusement, ils en ont encore chacun un de rechange - mais beaucoup moins confortable que l'autre), ainsi que leurs vêtement de rechange et leur... thermos, Désormais, ils utiliseront leurs urinoirs pour transporter la boisson dont ils auront besoin dans la journée !!!

ILS ONT ABANDONNE
LEURS TRAINEAUX

Ce qui fait que, depuis une diziaine de jours, Rune et Torry avancent sur la banquise avec des sacs à dos qui pèsent chacun 45 kilos. Cette nouvelle manière de progresser leur cause naturellement pas mal de problèmes : leur corps est devenu si maigre, disent-ils, plus une once de graisse, qu'ils ont été obligés de découper des languettes dans leur matelas de sol afin de les disposer entre les sangles du sac et leur dos. La charge est tellement lourde qu'une fois arnachés la matin, ils ne se délestent pas du sac à dos de toute la journée.

Inutile de dire que leur moral est au plus bas. Et la situation ne fait qu'empirer. D'une part, nous venons de le voir, il y a les douleurs occasionnées par le port de si lourdes charges : la cuisse droite de Rune est paralysée depuis le 19 mai - sans doute à cause des sangles qui bloquent la circulation sanguine. Torry, lui, ne peut guère utiliser ses mains qui souffrent, elles aussi, de paralysies intermitente. "Le sac à dos, a expliqué Torry, est probablement en train de presser sur quelques nerfs ou quelque chose du genre du côté de mes épaules, et je ne puis utiliser mes mains durant le plus clair de la journée..." De l'autre, il y a les conditions de progression dans une neige profonde et molle (amoncelée à cause du vent) qui est pratiquement impossible à skier. Cela, en plus de la dérive de la banquise (négative naturellement) qui leur fait parfois perdre une journée entière de marche.
Puis, devant eux, se dressent de plus en plus souvent des amas chaotiques de blocs de glace à l'intérieur desquels d'ailleurs les deux hommes ne s'aventurent plus ; vulnérables comme ils sont, ils ont trop peur de se fracturer un membre. La cerise sur le gâteau, c'est le bris d'un ski le 20 mai. Ce qui a obligé Torry a avoir recours à son dernier ski de secours.
Malgré cela, et nonobstant le white out qui est venu noyer la banquise le 21, ils expliquaient hier que leur moral remonte un peu. Ils approchent en effet du 85°... D'après le calcul des positions qui est communiqué par leur site (86°13'23"N / 85°34'00"W, le 21 mai), ils ne devraient plus avoir qu'environ 400 kilomètres à faire. Mais dans ces conditions, c'est un sacré challenge...