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ARCTIC OCEAN 2000
Rune Gjeldens and Torry Larsen
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12 mai
"Si nous parvenons à abattre de temps à autre un phoque pour survivre, nous pourrions nous laisser dériver ainsi par la banquise et atteindre Ward Hunt dans environ 200 jours. Nous pensons réellement et le plus sérieusement du monde à cette hypothèse. Rune a encore un peu de tabac avec lui et nous pourrions de toute façon peut-être en fabriquer à partir de la fourrure de phoque..."
Dans son appel du 10 mai, Torry Larsen - une fois n'est pas coutume - ne plaisante pas. Lorsqu'il dit que les deux hommes pourraient bien se laisser porter par la dérive de la banquise jusqu'à Ward Hunt et terminer de faire des efforts comme ils en font ainsi en permanence depuis maintenant 86 jours qu'ils se trouvent sur la glace pour avancer malgré tout, il pense vraiment que l'aventure pourrait prendre un tel tournant. Tout comme son compagnon d'ailleurs.
C'est que depuis la première victoire de l'arrivée au pôle et la bonne humeur dont ils nous ont fait part tout au long des premières semaines d'expédition, les choses ont bien changé. Ils savaient que le plus dur restait à faire et qu'à partir du pôle, une nouvelle aventure commençait (la même réflexion a d'ailleurs été émise par les deux Français, voir le direct de l'expédition). Eh bien, elle a définitivement commencé.
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Par un coup au moral d'abord ; dans leur appel du 3 mai, ils mettent en avant les mauvaises conditions de glace, l'énorme fatigue, le manque de distance parcourue, le doute qui assiège de plus en plus leur mental, le tendon d'achille de Rune qui le fait souffrir et prend des proportions inquiétantes, le fait qu'ils n'ont plus un gramme de graisse sur la peau... Zoomer sur les aspects négatifs des choses, cela ne leur ressemble pas.
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Par d'importantes difficultés de progression ensuite : là où ils se trouvent, c'est-à-dire vers le 88° de latitude, il y a des zones de compression aussi gigantesques et aussi chaotiques que celles que rencontrent les expéditions au départ de Ward Hunt, naturellement exténuantes à négocier.
- Par quelques problèmes pratiques en même temps que physiques enfin : les semelles des souliers des deux hommes se sont entièrement décollées. Il faut les recoudre chaque soir - pour ce faire, ils utilisent du fil de parachute. Et puis, on commence à percevoir au travers des mots que prononcent chaque jour et à tour de rôle les deux hommes, une énorme fatigue qui sourd. Ils ne s'en cachent pas d'ailleurs. Le 8 mai : "J'espérais récupérer mes forces après la halte de midi", explique Rune, "mais non, cela n'a pas fonctionné. Plus d'énergie, je me sentais terriblement désespéré..."
12 mai
Les deux Norvégiens sont arrivés sans encombre au pôle Nord après 74 jours de progression sur la banquise - et ce malgré une importante dérive de 7° vers l'ouest.
Une dizaine de jours avant de toucher ce point mythique du globe, vers le 22 avril, ils ont dû cependant faire face à une infernale série de chenaux d'eaux libres qu'ils ont négociée comme ils ont pu : en utilisant le traineau comme échelle - comme le font les alpinistes lorsqu'ils doivent franchir une étroite crevasse - ou en les transformant en embarcation amphibie.
Le 23 avril, ils ont battu un petit record en couvrant 24 km dans la journée. Cinq jours plus tard, ils ne se trouvaient plus qu'à 14 km du pôle. Et enfin, le 29 avril à 11 heures du soir, ils ont touché le pôle après avoir déjà parcouru 1100 km depuis le cap sibérien d'Arktikschevsky.
Comme les Français sont arrivés un jour avant mais étaient partis 9 jours après eux, on peut en déduire qu'Arnaud et Rodolphe ont mis 10 jours de moins que leurs collègues Rune et Torry pour faire à peu de chose près, le même trajet.
Les Norvégiens ont profité du jour de repos qu'ils se sont octroyé pour changer de sous-vêtements. C'était la première fois qu'ils se livraient à cette opération depuis leur départ !
Après avoir célébré l'événement comme il se devait (planter le drapeau norvégien, se reposer dans la tente, prendre un bon repas et fumer un excellent cigare), ils ont repris la route - vers le sud cette fois - pour tenter de rallier Ward Hunt vers la fin du mois de mai ou début juin.
Rune et Torry ont estimé que, pour tomber juste et atteindre leur but dans le grand Nord canadien en tenant compte de la dérive de la banquise, ils devaient effectuer leurs calculs de route en mettant Ward Hunt à 15° à l'ouest de sa position réelle ! Le 1er mai, Torry est tombé à l'eau et a dû skier les pieds mouillés toute la journée...
Cela dit, il est étonnant qu'ils ne parlent pas d'avantage dans leurs transmissions radio de l'équipe française qu'ils ont manifestement rencontrée lors de leur passage au pôle. Même réflexion pour les Français qui, eux, n'ont même pas mentionné dans leur communiqués quotidiens la présence des Norvégiens !
19 avril
Il fait moins froid sur la banquise depuis quelques jours et le soir, lorsqu'ils rentrent sous la tente, Rune et Torry ne sont plus obligés de se précipier sur la corvée allumage du réchaud pour réchauffer l'atmosphère. Bref, le printemps doucement arrive sur la banquise.
Ce qui rend naturellement les choses plus faciles et nettement plus agréables. Sauf lorsqu'on se fait surprendre en pleine journée par une couche de glace trop fine et qu'on a failli prendre un bain forcé dans l'océan Arctique, comme ce fut le cas pour Torry le 15 avril dernier.
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