Northpolesolo.com
Wave Vidmar en solo et sans ravitaillement

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24 avril 04 - A Borneo
Encore une journée de tempête. Le vent hurle et secoue ma tente, avec parfois des rafales de neige poudreuse. Ce temps s’est maintenu toute la journée ou presque. Je suis resté dans la tente la matinée, puis j’ai décidé de m’aventurer dehors pour prendre quelques photos. A cause de la violence du vent, il me fallait des lunettes pour protéger mon visage.

Les nouveaux chenaux proches de ma tente sont autant de sujets à photographier. Vers le soir, les nuages se font moins denses. Je téléphone à l’agence de voyage de l’expédition, à la station glaciaire.
Dès que la visibilité s’améliorera, ils partiront pour venir me chercher. Très vite, peut-être en 20 minutes, tout se dégage. Le soleil brille et le ciel est presque vide de nuages. Dans ma tente, je donne une interview en direct à la télévision CBS, par téléphone satellite. Dès que j’en ai fini, j’entends le grondement grave de l’hélicoptère MI-8 russe qui approche. Je démonte rapidement ma tente et je vais à la rencontre du gros engin, qui atterrit.
Il n’y avait pas de raison de me hâter : l’hélicoptère a amené des scientifiques qui doivent forer la glace et placer des bouées de surveillance. Pendant qu’ils vaquent à leurs occupations, je rencontre les autres passagers à bord de la machine.
Tony Haile, Chris Hyman, CEO de Serco, et Ben Saunders, sponsor, m’accueillent. C’est bon de revoir Tony et de faire connaissance avec Chris. Ensuite, c’est au tour du correspondant et du caméraman de CBS News Los Angeles. Christian, de Cerpolex, me salue aussi.
Tandis que les chercheurs pratiquent leurs trous et posent leurs instruments à quelque distance, je donne des interviews et relate brièvement quelques-unes des péripéties marquantes de mon aventure, en réponse à leurs questions.
Quelques heures plus tard, les scientifiques sont prêts à repartir. Nous embarquons pour aller retrouver Ben Saunders et lui laisser vivres, combustible et autres provisions pour qu’il puisse continuer vers le Pôle.

Nous volons jusqu’à l’endroit où Ben se trouve et sortons pour le voir. Il est en bonne forme, contrastant avec mon aspect délabré. C’est formidable de le revoir, mais je dois avouer un peu de jalousie en voyant qu’il va poursuivre jusqu’au bout. L’équipe Serco réapprovisionne Ben, tandis que les scientifiques font d’autres trous et placent d’autres bouées de surveillance. Nous faisons nos adieux à Ben en lui souhaitant bonne chance, avant de gagner un autre endroit en mal de bouées.
Enfin, nous atteignons Borneo Ice Station, un terrain d’aviation improvisé, avec une demi-douzaine de grandes tentes chauffées, plusieurs hélicoptères en stand-by et un avion. Nous gagnons tous la tente-réfectoire. Il est tard, environ 4 heures du matin. D’autres personnes attendent dans la tente. L’on m’interroge au sujet de mon périple, de mes rencontres avec les ours, etc. Je suis content de pouvoir m’attabler devant un repas chaud, le premier en près de deux mois.
Prêt à me coucher, je crois que j’aurai du mal à trouver un lit de camp. Je décide donc de dormir à la belle étoile. J’étale mon sac de couchage sur la glace, sans tente. Je dors bien.
Aujourd’hui, j’espère avoir encore une chance d’arriver au Pôle. Croisons les doigts !

23 avril 04 - Je vais quand même aller au pôle
Tout indique que la fin de l’expédition WorldWideLearn.com North Pole Solo est proche. Beaucoup de gens se sont démenés, faisant plus que ne l’exigent le métier ou l’amitié, mais nous ne sommes pas parvenus à organiser une rencontre ultérieure au Pôle.
Je suis désolé de vous décevoir. Parfois, il y a des forces qui dépassent notre volonté. Quels que soient nos efforts, nous devons l’accepter.
Mais je ne suis pas trop déçu. Je reviendrai de cette expédition avec une mine de souvenirs, d’expériences, de photos, de films, fort de la conviction que le voyage n’a pas aidé et changé qu’un seul homme. Je suis ravi d’apprendre que des enfants et des adultes ont pu partager mon aventure.
Il me reste encore quelques jours sur la glace. J’espère que vous continuerez à me suivre. J’irai au Pôle Nord dans un jour ou deux, et j’aimerais partager l’expérience avec vous tous. Vous m’avez tellement aidé, vous, mes visiteurs. En novembre, nous nous retrouverons pour vivre ensemble mon expédition solo en Antarctique. Je suis impatient. Pouvoir raconter ce qui m’arrivait sur la banquise m’a bien plus soutenu que je ne l’imaginais. Au cours de l’année écoulée, nombreuses sont les personnes qui m’ont aidé à arriver ici, ce point du globe où peu de gens sont venus et viendront. Depuis quelques jours, plusieurs amis ont travaillé dur pour essayer de me faire enlever plus tard au Pôle, afin que je puisse continuer. Dave Cooper, tu m’as vraiment impressionné et surpris. Dr Rich Lee ? Incroyable. Lori Nitahara ? Inimaginable. Charlie, du bureau de la députée Anna Eshoo, m’a fait parvenir les médicaments dont j’avais besoin. Mon sponsor, Angela Lovett et WorldWideLearn.com m’ont supporté depuis le jour de notre rencontre.

Si je ne suis qu’un homme qui tente de réaliser ses rêves, il y a littéralement des centaines de personnes et d’entreprises sans qui cette expédition n’aurait jamais eu lieu. Merci à tous ! Restez avec moi ces derniers jours. Ils ne seront sûrement pas sans surprises et aventures. Demain est un autre jour, un jour d’horizons nouveaux, de splendeur, de chances à saisir pour vivre nos rêves et nos passions.
Ceux que cela intéresse peuvent m’envoyer un e-mail pour être avertis quand le livre et le DVD sortiront, ou quand la prochaine aventure commencera.

22 avril 04 - J'y vais ou j'y vais pas ?
Désolé pour mes retards de ces derniers jours. Je sais que vous attendez mes articles, que vous les lisez. Tout espoir n’est pas perdu ! Nous avons des chances de continuer ! Des chances minces, mais c’est mieux que rien. Les délais deviennent serrés : ils veulent venir me chercher dans 36 heures environ. Si j’arrive à obtenir un engagement pour financer un enlèvement ultérieur, je pourrai continuer. Quoi qu’il en soit, je suis heureux, même si je dois arrêter avant la fin. Naturellement, il y aura toujours une déception, mais l’expérience a été tellement enrichissante, surtout parce que j’ai pu toucher la vie d’un si grand nombre de personnes dans le monde entier. Cet après-midi, j’ai parlé par téléphone satellite (merci au World Communication Center, www.wcclp.com) avec l’école Ein Ganim et la classe de Me Gorem, en Israel. Beaucoup d’enfants avaient bien réfléchi à leurs questions, et toute la classe m’a chanté une chanson. Cela m’a beaucoup touché !
Dans quelques minutes, je vais m’entretenir avec la classe de troisième de M. Santana, à l’école primaire Temple Heights d’Oceanside, en Californie. Pouvoir toucher ces jeunes esprits présente des bénéfices pour nous tous. J’espère que ces enfants vont profiter de leurs expériences et de leur enthousiasme pour rendre le monde meilleur.
Je n’ai pas levé le camp aujourd’hui. J’ai préféré mettre tout en ordre pour le cas où le financement me permettrait de continuer. Je dois m’arranger pour obtenir du carburant, des vivres, la logistique pour me reprendre, et des fournitures médicales. Mon médecin, le Dr Rich Lee, s’est coupé en quatre pour m’envoyer des médicaments. Merci encore, Doc !
Mes yeux et mon visage sont moins gonflés. A l’intérieur, je suis un « joyeux campeur ». Quant à mon extérieur, il redeviendra bientôt normal. Ma cheville me fait encore mal, mais se remet progressivement.

Je vais me mettre en route rapidement le matin, au cas où les fonds arriveraient pour me permettre d’aller jusqu’au Pôle. Merci à tous pour votre soutien sans faille ! Ces lignes sont dédiées à la classe de Me Johnson, de la Loma Vista Resource School, à Whittier, en Californie. Merci beaucoup pour votre intérêt, votre curiosité et votre support durant cette expédition. Allez-y, faites de votre mieux, et vous aussi, vous pourrez réaliser les choses que vous pensiez impossibles !

20 avril 04 - Il faut agir...
Eh bien, on dirait que je vais devoir arrêter cette expédition un peu plus tôt que je l’espérais. Ils veulent venir me chercher ce week-end, et sans une alternative pour regagner la terre ferme, je devrai m’y résoudre. J’irai quand même jusqu’au Pôle, et cela me fait très plaisir. J’aurai accompli presque tout ce que j’étais parti pour faire, du moins dans les limites de mes moyens. D’accord, certains penseront que je n’aurai pas réussi à gagner le Pôle en solo et sans assistance, mais à mes yeux, les succès ne manquent pas. Je tiens à remercier tous les gens et les enfants qui ont aimablement voulu m’aider à poursuivre mon expédition. Vos pensées et vos efforts me touchent profondément ; j’apprécie beaucoup. Malheureusement, il me fallait un peu plus de $100.000 en quelques jours. L’argent, toujours l’argent…

L’état de mes yeux s’améliore. J’arrive à les ouvrir tous les deux ce matin. Ce n’est pas encore parfait, mais c’est mieux qu’hier. J’ai fait quelques kilomètres aujourd’hui, sans forcer. Naturellement, il fallait que je pratique ma fameuse manœuvre « faceplant », que je réalise encore assez bien. J’ai aussi dû nager aujourd’hui, mais pas trop, une dizaine de mètres. Il faisait chaud (environ moins 15 degrés C) et beau.
Je me sentais plutôt comme un touriste aujourd’hui, jusqu’au moment où il a fallu nager. J’ai pris beaucoup de belles photos et filmé en vidéo. Il y a dans mes projets un DVD que je veux mettre à la disposition des autres pour qu’ils voient à quoi ressemblait mon expédition. J’ai reçu beaucoup de commentaires sur les photos que je prends. J’utilise deux appareils Nikon, un Coolpix 3100 (qui a servi à prendre la plupart des photos que vous voyez) et un Coolpix 5400. Avec ces deux appareils, il est facile de créer de belles images, grâce à Nikon. J’ai quelque chose à demander à tous mes visiteurs et à tous ceux qui ont suivi mon expédition. L’inspiration est une chose, mais il y a aussi l’action. J’ai essayé d’inspirer ceux qui m’ont accompagné à distance. Maintenant, il faut dépasser cette inspiration et agir. Faites quelque chose de bien pour quelqu’un d’autre, aidez vos parents, vos enfants, ou vous-même, mais agissez !
Vous trouverez trois mots sur mes sites web. Vision : osez rêver, imaginer un plan. Inspiration : motivez-vous, rassemblez l’énergie pour réaliser votre plan. Accomplissement : suivez votre rêve et votre plan, agissez ! Sans action, l’inspiration n’est qu’un sentiment positif. Ecrivez-moi, dites-moi ce que vous avez fait, où vous avez trouvé votre inspiration, ce que vous avez accompli.

Ma page d’aujourd’hui est dédiée à Frédéric Chamard-Boudet, un des autres explorateurs polaires en solitaire. Son expédition a pris fin très tôt. Je pense à toi tous les jours, Fréderic. Quand je marche sur la glace, j’espère que tu entends mes pas et que tu vois ce que je fais comme si tu étais là. Je me réjouis de te revoir bientôt. Je suis content que tu sois rentré sain et sauf..

19 avril 04 - Jour de repos imposé par la fatigue
Je suis toujours là où j’étais hier. Ce matin, au réveil, j’avais les yeux gonflés au point de ne pouvoir les ouvrir. J’ai pu en ouvrir un après quelques heures, puis entrouvrir l’autre. Probablement une infection cutanée due aux gelures du visage et de la région des yeux. Heureusement, j’ai les antibiotiques pour me soigner. Tout devrait aller mieux dans quelques jours. J’espère pouvoir utiliser mes yeux demain, car je prévois de faire du ski.

J’ai aussi réfléchi à des solutions pour poursuivre l’expédition et atteindre le pôle. Mon sponsor principal, WorldWideLearn.com, s’est montré merveilleux. Ils vont peut-être pouvoir m’aider, ou du moins trouver avec moi une autre source de fonds pour continuer jusqu’au pôle. Si nous y arrivons, je serai approvisionné en vivres et fournitures ce week-end. Sinon, ils viendront me chercher.
J’ai réparé la fixation de mon ski. J’en suis content. Espérons qu’elle tiendra jusqu’au bout. J’ai encore fait un peu de couture.

Il a fait chaud aujourd’hui; j’ai remarqué de la neige qui fondait dans ma tente. L’environnement est très beau, même si je vois tout flou, comme si je devais porter des lunettes.
Je me suis habitué à être ici, seul dans cette vaste étendue, ces milliers de kilomètres de glace toujours changeante. Chaque endroit est unique, avec ses propres surprises subtiles. Aucune logique ne semble régir les formations de glace, les contours, fissures, chenaux et autres phénomènes composant cette surface hostile. Chaque jour me rappelle aussi que j’évolue sur de la glace flottante, une pellicule ténue surmontant des kilomètres d’eau profonde.
Je n’ai pas entrepris cette quête du Pôle Nord pour « me trouver » ou en savoir plus à mon sujet. Une chose est sûre, cependant: l’expédition m’a changé, et il me faudra probablement des années pour digérer ce changement. J’ai beaucoup de chance d’être ici, de pouvoir réaliser mon rêve. Nombreux sont les gens qui se sont mis en quatre pour m’aider à arriver jusqu’ici. Je me sens vraiment privilégié. Aujourd’hui, je dédie ces lignes au médecin principal de l’expédition, le Dr Rich Lee. Il est issu d’une prestigieuse lignée de praticiens, a fait l’Everest et y a aidé bien des gens. Il a largement dépassé les limites de sa tâche pour m’assister. Merci beaucoup, Dr Lee, pour votre sollicitude, votre savoir et votre amitié. Vous êtes un bienfaiteur de l’humanité.

18 avril 04 - On ne s'ennuie jamais en Arctique
,Bonjour, avez-vous passé une bonne journée? Moi, couci-couça. J’ai bien progressé, plus vite que jamais. Mais j’ai aussi parlé à la société qui gère mon expédition, et les nouvelles ne sont pas bonnes.
Ils vont fermer Borneo plus tôt cette année, le 29 avril. Cela change tout pour moi. J’ai aussi appris que la glace est en très mauvais état. Je n’ai aucune chance de faire des journées de 25 à 40 kilomètres pour franchir les derniers degrés. Il faut donc que je trouve de l’argent pour être réapprovisionné et repris au pôle plus tard si je veux y arriver par mes propres moyens. Je réfléchis aux possibilités.

J’ai traversé de la glace difficile aujourd’hui. Quelques belles grandes parties, mais aussi pas mal de crêtes de pression et de chenaux ouverts. Heureusement, je n’ai pas dû nager; j’ai trouvé le moyen de passer les chenaux. Quelques fois, j’ai skié sur de la glace très mince, en faisant attention de ne pas tomber dans l’eau glaciale. Je suis au bord des 86 degrés de latitude ! La fixation de mon autre ski a cassé, sans quoi j’aurais parcouru quelques kilomètres de plus. Cela ne m’en fait que 15. Je vais réparer avant de continuer.
Physiquement, je suis mal en point. Oui, ma cheville me fait mal à chaque pas, mais elle m’a aidé à avancer vers le pôle. Ce sont mes yeux qui posent le plus gros problème. Pour une raison que j’ignore, ils ont gonflé, presque jusqu’à se fermer. Ma vue est floue et j’ai à peu près perdu le sens de la profondeur. Quand je suis à l’extérieur, après quelque 7 heures au froid, le gonflement s’atténue et je vois mieux. Il m’a fallu longtemps pour écrire mon journal, et skier n’est pas facile. J’attends une réponse, un remède, un traitement de mon médecin. Le problème, c’est que je n’aurai probablement pas le nécessaire avec moi. Personne n’a dit qu’une expédition polaire était facile… Mais je persiste !

Aujourd’hui, je dédie mon article aux enfants de 9ème année à l’Academic Reading & Writing Students of Luther Burbank High School, Paris Elementary School, et à ceux de toutes les écoles du monde. L’intérêt que vous manifestez pour mon expédition et vos réactions me font très plaisir. Parfois, j’en ai les larmes aux yeux. Merci. J’espère avoir une influence positive sur vous. Souvenez-vous, vos rêves peuvent devenir réalité, mais seulement si vous essayez !

13 avril 04 - Vidmar nage dans l'océan et parle aux ours qui le suivent...
Etrange comportement que celui adopté par Wave lorsque, au détour d'un coup d'oeil jeté derrière lui, l'Américain découvre que trois ours le suivent, sans doute depuis un bon moment. Une femelle adulte accompagnée de deux petits. Voici sa narration des faits :

"Le timing est primordial. Vers 17h, je peinais et tirais mon traîneau, lorsque j'ai vu bouger quelque chose à ma gauche, face au soleil. Je me suis arrêté pour regarder : c'était des ours blancs ! Une femelle et ses deux petits. Ils marchaient dans la même direction que moi, à quelque 15 mètres de moi. Dès que je me suis arrêté, ils ont fait de même. J'ai vite sorti mon appareil photo et j'ai pris un cliché. Ensuite, je me suis dirigé vers mon traîneau pour prendre ma caméra vidéo. Je n'étais pas inquiet : l'attitude des ours n'était pas menaçante. Dès que j'ai mis la main sur la caméra et sur l'appareil photo de meilleure qualité, les ours se sont approchés de moi. Directement sous le vent, la mère prenait de grandes bouffées de mon odeur. Les petits restaient entre ses pattes arrière à mesure qu'elle approchait. J'essayais de chauffer la batterie de mon camcorder en soufflant dessus.
Lorsque les ours n'étaient plus qu'à 7 ou 8 mètres, j'ai jugé bon de signaler à la mère que je n'étais pas une proie potentielle. J'ai émis une sorte de 'wu-wu-wu-wu-wu', qui sonnait comme un jouet brisé. Les ours se sont arrêtés et les oursons se sont cachés derrière leur mère. Elle s'est lentement détournée de moi, sans me quitter du regard. Je suis parvenu à faire fonctionner le camcorder lorsqu'ils se trouvaient à une vingtaine de mètres et je me suis mis à leur parler doucement, leur disant que je ne voulais pas leur faire de mal, qu'ils n'avaient rien à craindre de moi. Je leur ai expliqué que j'allais vers le pôle nord et j'ai pointé dans cette direction à plusieurs reprises. J'ai commencé à les rappeler, en tapotant ma jambe de la main et en les encourageant à s'approcher, comme vous le feriez pour un chien. Et ils sont venus ! Ils se sont arrêtés à une quinzaine de mètres et m'ont écouté parler. J'essayais de les filmer et de prendre quelques clichés à haute résolution. La mère s'est détournée après quelques minutes, sans jamais me quitter du regard, et s'est éloignée. Je suppose qu'elle a compris que j'allais vers le nord et elle a commencé à se diriger avec ses petits vers le sud. J'ai pris quelques autres clichés et leur ai dit au revoir. J'avais un fusil mais il était au fond du traîneau et la nuit, je ne le prends généralement pas dans la tente. A aucun moment, je n'ai eu l'impression que j'allais pouvoir en avoir besoin.
Je n'ai pas eu peur de l'ours et de ses beaux petits. Je n'en dirais pas autant d'une rencontre avec un mâle agressif. Quand les ours ont disparu, je me suis senti enthousiaste, réchauffé et tranquille. Je savais que j'allais atteindre le pôle et je me suis senti mieux encore..."
A part cette rencontre, Vidmar avance avec courage malgré les réparations qu'il doit effectuer chaque soir (skis, fixations, gants, etc.) et malgré le fait qu'il vient de se rendre compte que son traîneau prend l'eau... Et surtout malgré le fait que, le 12 avril, il a passé près de deux heures dans l'eau glacée (avec sa combinaison étanche naturellement) afin de pouvoir franchir une chenal d'eaux libres particulièrement difficile à négocier ; un des moments les plus agoissants de sa progression et qui a sans aucun doute laissé des traces...

05 avril 04 - Malgré une cheville douloureuse, Vidmar continue
Vers la fin du mois de mars, Vidmar a eu un accident avec sa cheville ; lors d'un passage difficile dans une zone de compression, le traîneau de l'aventurier américain est venu heurter de plein fouet le bas de sa jambe et la coincer contre une bloc de glace. Résultat ; une forte douleur qui handicape sa marche en avant et qui n'a pas l'air de s'améliorer avec le temps... Il n'empêche ; Wave continue et, confiant de bientôt trouver un meilleur terrain de progression, il croit de plus en plus pouvoir atteindre le pôle dans les temps.
Malgré la présence des eaux libres, toujours aussi nombreuses, malgré la neige qui n'arrête pas de tomber, " Depuis que nous sommes partis," écrit Vidmar, "il a neigé en quatre semaines sur l'océan Arctique autant qu'en un an !!!", malgré la dérive de la banquise vers le sud (Vidmar estime qu'il a dérivé un total de 17 miles vers le Nord et de 45 miles vers le Sud) , et bien sûr, malgré les douleurs qu'il ressent à la cheville et les conseils que lui donne via satellite son médecin traitant.

24 mars 2004 / Rock and Roll
La journée a été mouvementée. Un peu plus peut-être que j'aurais aimé. La nuit dernière, j'ai entendu plusieurs grosses détonations et des craquements. Par deux fois, ma tente a même été secouée. Lorsque je me suis mis à skier ce matin, j'ai constaté qu'un chenal s'était ouvert à un peu plus de vingt mètres de ma tente.
J'ai continué à skier jusqu'au bout de la grande cuvette sur laquelle j'étais arrivé hier. Il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que j'atteigne le 83ème degré ! Enfin ! Je n'ai absolument pas dérivé vers le nord la nuit dernière, mais bien d'environ 800 mètres vers le sud. Et je continue à dériver de plusieurs kilomètres vers l'est ou l'ouest.
Après quelques cuvettes et crêtes de pression, ainsi que deux chenaux, je suis arrivé à une zone de convergence de crêtes de pression et failles.
Après avoir franchi un chenal, je suis arrivé à un autre, plus grand, avec de l'eau libre parcourue par quelques blocs de glace et une haute crête de pression sur l'un des côtés. Comme il n'y avait pas moyen de le contourner, j'ai bien dû le traverser. A mi-chemin, j'ai eu droit à ma deuxième dose d'océan Arctique, puisque j'y ai trempé la jambe gauche, jusqu'à la cuisse.
J'ai d'abord pesté face à ce contretemps, puis j'ai vite retiré ma jambe. Je me suis empressé de frotter de la neige sur toute ma jambe et ma botte. J'étais davantage mouillé que la première fois et je pouvais sentir l'eau glacée s'insinuer jusqu'à mes orteils. J'ai alors réfléchi au danger que cela pouvait représenter. J'ai décidé d'exercer des pressions pour expulser l'eau et l'humidité hors de ma botte et de mon pantalon.
Mon pied était froid, raide et un peu plus lourd, mais je pensais être tiré d'affaire. J'ai achevé de faire franchir le chenal à mes traîneaux, mais je n'ai pas tardé à tomber sur d'autres failles, presque toutes avec des portions d'eau libre.
On aurait dit que la glace pouvait sentir ma présence et n'appréciait pas ma visite. Tout autour de moi, elle a commencé à faire beaucoup de bruit et, bientôt, de nombreux gros blocs de glace se sont mis en mouvement.
A un certain moment, toute la glace autour de moi se déplaçait, comme si mon monde tombait en miettes. Inutile de dire que j'ai pensé qu'il valait mieux ne pas traîner dans les environs, tandis que de gros blocs de glace tombaient et se soulevaient à quelques mètres de moi.

Une fois hors de danger immédiat, j'ai décidé de m'éloigner au plus vite avec mes traîneaux. Alors que je commençais à franchir d'autres failles, la glace a semblé me prendre de vitesse. A plusieurs reprises, je me suis retrouvé avec mes traîneaux sur de la glace mouvante et grinçante, constatant avec horreur la disparition du " chemin " que je venais à peine de parcourir. Je me serais cru dans un parc de divertissement, tout en regrettant les attractions choisies.
J'ai traversé une dizaine de chenaux et suis enfin parvenu dans une grande cuvette, sur de la glace solide. Je venais de vivre quelques heures d'émotions.
Mes pieds et mes jambes ayant désormais été " baptisés " dans l'océan, j'estimais que cela suffisait largement pour la journée.
Pour conclure, je tiens à vous remercier pour vos commentaires sur mon site web. Je suis heureux d'avoir un impact positif sur d'autres personnes et de contribuer à les faire réfléchir. J'apprécie vraiment le feedback et je suis heureux que certains d'entre vous prennent plaisir à lire mes aventures sur le chemin du pôle Nord.

22 mars 2004 - Les 82 degrés font de la résistance
J'aurais dû le savoir. Lorsque je me suis réveillé ce matin, il n'y avait pas de soleil et le ciel était menaçant, bien que le vent ait tourné de 180 degrés. Je devais donc m'apprêter à progresser avec le vent en pleine face et j'étais sûr d'avoir perdu de précieux kilomètres.
A ce jour, la plus longue distance que j'ai parcourue en un jour a été la dérive effectuée alors que je m'étais réfugié sous ma tente en raison d'une tempête ! Or j'ai déjà payé plusieurs fois cette vingtaine de kilomètres " offerts ".
La journée a été très dure, avec de piètres résultats pour la somme d'efforts consentis. Il a neigé la nuit dernière et il fait donc moins froid. Mais j'ai également l'impression de tirer mes traîneaux comme s'ils étaient emprisonnés dans de la colle.
C'est bizarre. Les chutes de neige atteignent en moyenne moins de 25 centimètres par an ici. Or j'ai déjà eu droit à plus de 35% du total annuel en un peu plus de deux semaines.
Hier soir, j'ai également dû effectuer une tâche pénible consistant à prendre soin du muscle froissé de mon épaule. J'ai eu mal pendant la nuit et je n'ai pas beaucoup dormi. Lorsque je me suis réveillé ce matin, j'ai consulté mon GPS pour constater que j'avais été repoussé de 3,2 kilomètres en arrière. Et naturellement, la journée n'aurait pas été complète sans quelques bonnes chutes. C'est particulièrement " amusant " sur de la glace à la fois lisse comme un miroir et émaillée d'aspérités, recouverte par de la neige fraîche.
Inutile de dire que la journée n'a pas été bonne. Ma gelure sur le nez n'est pas bien grave si on la compare à celle de mon doigt. Le vent mordant transformait une température relativement clémente de -25° en douloureux -50°. Des glaçons de huit centimètres de long pendaient de mon menton et de mon nez.
Mais ne désespérons pas ! En dépit de la somme de " petits " problèmes, des kilomètres reperdus, des blessures et du terrain difficile, je suis plus déterminé que jamais à atteindre le pôle.
Certains pourraient penser que je suis un peu timbré, comme mes amis du Reeds Sport Shop. (Telle est en tout cas ma conclusion/conviction.) Les mots " persévérance " et " détermination " me viennent souvent à l'esprit. J'espère que je ne me borne pas vous faire réfléchir, mais que je vous encourage également à passer à l'action dans votre vie quotidienne. On ne vit qu'une seule fois et il faut en profiter. Ou, comme j'aime à le dire : " Le monde ici bas est délicieux. Mordez-y à pleines dents ! "

SOURCE : le site de Vidmar

 

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