The Serco TransArctic Expedition
Ben Saunders en solo

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Terra Firma! - Samedi 15 mai 2004
Pour la première fois depuis dix semaines, je suis sur la terre ferme ! Mon escapade a suffisamment duré et tant Monica et Dave que Troy de Kenn Borek Air ont fait un travail fantastique en me ramenant à Resolute Bay dans le nord du Canada. Je suis pressé, car je dois prendre un vol pour Ottawa dans deux heures. J’enverrai plus de nouvelles dès que possible...

Une rapide mise au point... - Vendredi 14 mai 2004
Je me sens coupable ! Je suis honteux ! Je déclare souvent qu’une partie de ma motivation consiste à encourager les jeunes à délaisser leur téléviseur et leurs jeux informatiques pour découvrir les grands espaces. Et comment est-ce que je passe les quelques heures qui me restent (j’espère) dans cette incroyable région sauvage ? Je vous le donne en mille ! En jouant au solitaire sur mon iPAQ...
A dire vrai, je fais autre chose aussi. Les pilotes m’ont demandé que je leur rédige un journal météo détaillé, avec plein de mots pompeux comme « distinction de l’horizon » ou « résolution des contrastes » que j’aime bien. La journée est très belle, idéale pour mon « ramassage ».
J’ai trouvé la meilleure surface de glace (plus ou moins) plate depuis longtemps. J’ai indiqué les quatre coins du terrain et j’ai aplati les plus grosses bosses avec ma pelle. C’est juste assez long, mais si les pilotes ne sont pas de cet avis, ils atterriront un peu plus loin. Je devrai alors marcher jusque-là.
Si tout se passe bien, ils devraient atterrir vers 1700-1800 UTC (autrement dit, temps moyen de Greenwich). En tapant ces quelques mots, j’ai donc encore six à sept heures à attendre.
J’espère que je rédigerai mon prochain compte-rendu sur la terre ferme. Je n’ai plus posé le pied sur « du solide » depuis 71 jours. Je vous tiendrai informé...

Taxi s'il vous plaît ! - Mardi 13 mai 2004
A quoi bon la « TV réalité » lorsque l’on suit une expédition comme la mienne ? C’est ici que tout se passe ! J’ai discuté avec Kenn Borek Air et ils sont inquiets au sujet de la glace et des conditions météo (comme tout le monde dans le club !).
Comme il se pourrait que le temps ne soit pas terrible, ils viendront me chercher au cours des douze prochaines heures et ils me demandent de trouver aussi vite que possible un terrain convenable pour se poser. Ce n’est pas facile lorsque la glace est aussi mauvaise (voir la photo). Malheureusement donc, Ben n’aura pas le temps de dormir. Et il se pourrait fort bien que vous deviez attendre un peu plus longtemps pour mon prochain compte-rendu...
Croisez les doigts pour moi. Je me sens assez nerveux.

Cap au sud - Mercredi 12 mai 2004
Les choses ne sont pas tellement différentes ici, de l’autre côté du monde. Je maintiens à peu près le cap dans la même direction, même si le nord est devenu le sud et l’est est devenu l’ouest. Comprenne qui pourra...
Je vis et je navigue également à l’heure russe plutôt que canadienne, car ainsi je ne dois pas modifier ma routine et je peux skier avec le soleil dans mon dos, plutôt que de lui faire face (il est fort lumineux ici). Naturellement, avec 24 heures de jour, je peux m’organiser exactement comme je veux.
Le temps demeure excellent, mais j’ai vu un nombre énervant de zones sans glace ce matin (voir photo) : deux énormes bras d’eau. Je suis heureux de signaler que les conditions se sont améliorées tout au long de la journée, même si – dans l’ensemble – la glace est loin d’être parfaite. Encore une journée satisfaisante quant au kilométrage parcouru et je me sens toujours en forme, ce qui me fait d’autant plus regretter ne pas avoir été ici quinze jours plus tôt. J’ai de plus en plus l’impression que je suis dans la dernière ligne droite. Je pensais que ma motivation s’effondrerait une fois le Pole atteint, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est l’inverse qui se passe.
Que faire à présent ? Je n’erre certainement pas sans but : mon nouvel objectif consiste à couvrir les 36 miles nautiques que nous avons survolé au commencement de l’expédition (en raison de vastes zones d’eau libre et de glace dangereusement fine). Cela me conduit à 89'24. La nouvelle étape sera le franchissement des mille kilomètres. Un chiffre bien rond, que je franchirai à 89'13 (1.000 km constituent une distance en ligne droite et je pense que j’aurai franchi de 20 à 30 pour cent de plus en raison de la glace, de l’eau libre et de la dérive négative). Une fois ces deux objectifs atteints, nous verrons bien comment est la glace...
Je dédie cette journée à Chris Hyman, le CEO de Serco. J’ai essayé de l’appeler hier pour le remercier, mais je n’ai pas réussi à obtenir la communication. Je n’oublierai jamais le travail formidable qu’il a accompli pour emballer mon traîneau pendant le réapprovisionnement (alors que je donnais une interview), pas plus que son intérêt et son enthousiasme constants pour mon expédition. Merci Chris.
Un TRÈS GRAND merci également à tous ceux qui ont laissé des messages sur le site. Je n’en ai reçu qu’un petit nombre par le biais du téléphone satellite, mais le bouche à oreille fonctionne parfaitement et réchauffe le cœur. Un grand bonjour à Dixie et DB (j’espère que vous avez toujours les orteils en éventail).

Sur le sommet du monde ! - Mardi 11 mai 2004
Quatre-vingt-dix degrés nord. L’axe de la rotation de la terre. Toutes les longitudes et tous les fuseaux horaires convergent ici. C’est le Pôle Nord géographique.
J’ai eu 68 jours pour préparer mon discours, mais – lorsque j’ai allumé le caméscope et que j’ai entamé le compte à rebours de mes derniers pas sur mon GPS – je ne savais plus que dire.
C’est toujours le cas. Mes émotions sont incroyablement mitigées aujourd’hui : une joie et un bonheur formidables, du soulagement, de la tristesse, de la frustration due au fait que je suis trop tard dans la saison pour atteindre la côte canadienne. J’ai pensé à Dominick Arduin, qui est morte au printemps en essayant d’atteindre l’endroit où je me trouve. Et je me suis dit qu’il est très étrange qu’il n’y ait rien ici. C’est un morceau de glace, exactement comme tant d’autres.
Je l’ai toujours su, bien sûr, mais il est néanmoins très étrange que la seule preuve dont je dispose soit un chiffre sur le GPS. Je me suis assis sur mon traîneau et, en quelques instants, la dérive m’a éloigné du Pôle. C’est un cliché, mais il est exact : l’important c’est le voyage, pas la destination.
Et quel voyage jusqu’ici. J’ai obtenu bien plus que j’étais venu chercher : les conditions ont été pires que jamais par le passé et j’ai dû puiser plus profond dans mes ressources que j’imaginais possible pour continuer d’aller de l’avant. Ma motivation et mes objectifs ont changé du tout au tout. Au départ, c’était une question de compétition, d’affirmation de soi. J’en suis arrivé à me rendre compte que la seule compétition a été celle qui m’a opposé à moi-même et que ma seule « conquête » a consisté à vaincre mes propres doutes. L’Arctique change chaque année : skier jusqu’au Pôle Nord, ce n’est pas comme courir un cent mètres. Ce n’est même pas comme d’escalader l’Everest ou skier jusqu’au Pôle Sud, car plus on avance, plus c’est dur. Partir en solo et sans soutien pour effectuer la traversée ? J’hésite à utiliser le mot impossible, mais on en est pas loin. J’espère que quelqu’un prouvera que j’ai tort.
Mon plan consiste désormais à mettre le cap sur le Canada dès que possible. Je me trouve sur « le côté canadien » et mon monde a littéralement basculé : le nord, le sud, l’est et l’ouest ont, tous, changé de place.
Désolé de vous avoir fait attendre pour la transmission, mais j’étais au téléphone !
Je dédie cette journée à une société et pas à une personne : Serco. « Merci » semble un bien faible mot. J’espère que ma randonnée sera plus parlante que mes mots...

Attention... La presse ! - Dimanche 9 mai 2004
Des nouvelles passionnantes de l’Arctique profond ! Je viens juste de devoir effacer tout mon compte-rendu (des plaintes concernant le temps), pour le recommencer ! Comme il fallait s’y attendre, l’événement s’est passé après dix heures de ski dans des conditions de visibilité nulle, avec un vent mordant et une avalanche de neige. J’ai planté ma tente, dégoûté, et tout s’est amélioré. Vous ne pouvez imaginer à quel point je suis excité. Je ne sais pas encore comment je parviendrai à dormir avec un tel ciel bleu. Je ne peux m’empêcher de sortir pour l’admirer. Si la visibilité est nulle demain, je suis sûr que j’aurai le plus beau rire jaune de ma longue carrière...
Il semble faire plus froid aujourd’hui, car la plupart des bras d’eau que j’ai traversés commençaient à geler. La glace s’améliore considérablement par rapport au début de mon parcours, même s’il y a encore des endroits où le pack est vraiment mauvais, avec des piles de blocs de glace bleuâtre de la taille d’une voiture.
En plus du pack, il y beaucoup d’eau libre aux alentours pour le moment et j’ai dû traverser plusieurs bras d’eau risqués aujourd’hui. Notamment un bras d’eau gigantesque (plus de 100 mètres de large), en passant par un chapelet d’« îles flottantes ». Je ne suis pas prêt d’oublier l’expérience : tout a commencé à bouger tandis que j’approchais la rive opposée et j’ai vraiment dû me dépêcher, en sautant au-dessus de l’eau et en utilisant par deux fois le traîneau comme un pont. C’est dans des moments comme cela que j’aimerais avoir une caméra vidéo fixée à mon front : lorsque les choses deviennent intéressantes, la situation est en général bien trop dangereuse pour s’arrêter et sortir le caméscope.
Je suis actuellement à 22 miles nautiques au sud du Pôle et je devrais y arriver mardi (oui, je compte bien m’arrêter pour prendre quelques photos !). J’avais projeté de couvrir le dernier degré un peu plus vite, mais la visibilité nulle rend impossible toute progression rapide.
Je dédie cette journée à Damien du Toit, qui a créé ce site web. Je suis sûr d’en avoir déjà parlé, mais il mérite très certainement ce nouvel hommage :)

'Pour le plaisir' - Samedi 8 mai 2004
Alors que j’étais en train de skier aujourd’hui, j’ai repensé à ce jour de février dernier lorsque Bettina, Jean-Gabriel, Wave, Frederic et votre serviteur étaient assis dans une petite chambre d’hôtel de Khatanga, dans le nord de la Sibérie. Nous parlions de la motivation sous-tendant nos expéditions respectives (j’ai toujours horreur d’essayer de répondre à la question « pourquoi » !) et, aussi longtemps que je vivrai, je me rappellerai la réponse de Frederic : « pour le plaisir ». Cela semblait grotesque, mais c’est bien sûr absolument vrai. C’est une chose facile à oublier lorsqu’on est confronté à la fatigue, à la faim, à la nostalgie ou qu’on en a marre après une nouvelle journée d’avance obstinée par visibilité nulle, mais une expédition apporte énormément.
J’ai eu un fantastique entretien téléphonique avec Bettina et Jean-Gabriel la nuit dernière. (Ils ont atteint le Pôle voici quelques jours et ont regagné le Danemark.) Bettina m’a déclaré qu’elle regrettait déjà la « vie simple », où la seule chose qu’on a à penser lorsqu’on s’éveille, c’est continuer à progresser vers le nord. J’ai été très heureux de parler à des gens qui ont vraiment skié sur la même glace que moi et connu les mêmes épreuves que les miennes. Je ne pense pas que des mots, des photos ou un film vidéo pourront jamais vraiment faire comprendre à quel point les choses sont difficiles cette année.
Ils m’ont dit que le 89ème degré avait été le plus facile et il est vrai que j’ai traversé plusieurs agréables cuvettes (zones plates) ce matin, même s’il y a encore beaucoup d’eau libre aux alentours. J’ai ainsi passé un temps infini dans une zone qui semblait entièrement constituée d’une zone d’« îles » de glace flottantes qui s’émiettaient (voir photo). Une autre journée de boulot...
Je la dédie à Christian de Marliave. Merci, Criquet !
Un grand bonjour à Juliette Lloyd, Stuart McFarlane, Abigail Wright et Mark Harrop :)
Avec tous ces événements, j’ai presque oublié de me plaindre du temps : il est le même qu’hier, avec un peu moins de vent. Je ne me souviens plus à quoi peu bien ressembler le soleil.
Je dédie cette journée à Roger Jones de Success Talks. Merci pour votre aide.

Et dire que... - Mercredi 5 mai 2004
Et dire que je pensais qu’hier était une dure journée... Aujourd’hui, tous les records ont été battus ! Moins de visibilité encore, plus de neige, un changement dans la direction du vent (je skie désormais face à lui), encore des bras d’eau, beaucoup de dérive négative (vers l’arrière), des crêtes de pression géantes, des kilomètres carrés d’amoncellements de blocs de glace et – la totale – (j’espère que tu es bien assise, Maman) je suis tombé à travers la glace.
La photo montre l’endroit où cela s’est passé : le bras d’eau était complètement caché par de la neige fraîche. Seule ma jambe droite est passée au travers. J’ai vraiment eu de la chance, car j’ai eu l’impression de jouer l’équilibriste sur de la glace qui se dérobait pendant de longues secondes. Très effrayant ! J’en suis resté tout secoué. Les secours sont loin si j’ai des problèmes et je me sens tout petit et seul sur mes skis dans cette immensité « en contemplant l’abîme de mon apitoiement sur moi-même » (c’est l’un des passages de John Ridgway que je préfère).
En plus de la visibilité nulle et de la neige, la douceur de la température est préoccupante ces derniers temps. Dans mon journal, je dispose du carnet de l’expédition 2000 de la traversée norvégienne de l’Arctique (la seule traversée jamais réalisée sans soutien par une équipe de deux hommes – personne n’a réalisé cet exploit seul sans soutien). En avril, leur journée la plus chaude a été de -11 degrés C. La mienne de -2. Aujourd’hui, il fait -5, alors que le 5 mai 2000 il faisait -17 et le 6, -20. Hmmm.
De toute façon, tout n’est pas sombre et triste. Aujourd’hui, j’ai écouté mon lecteur mp3 télépathique (j’ai trois lecteurs mp3, avec 30 heures de musique – le « télépathique » est réglé en mode « au hasard », mais a vraiment le chic pour trouver des morceaux adaptés à mon humeur) et il m’a choisi une chanson d’Anastacia intitulée « You'll never be alone » (Tu ne seras jamais seul). En règle générale, c’est le genre de truc qui me fait gerber, mais aujourd’hui j’ai vraiment été touché.
Je dédie cette journée à tous ceux et celles de KTB PR et surtout à la fabuleuse Kate en personne ! Merci à tous pour votre soutien.
Egalement un grand bonjour à tous ceux et celles de la Wishaw Academy Primary School. Merci pour les messages !

Grisaille - Mardi 4 mai 2004
Toujours la même chose. La glace est affreuse, rien que des blocs et des crêtes de pression (peu d’eau, heureusement). Et comme vous le voyez, depuis dix heures que je suis debout, j’ai eu neuf heures de mauvaise visibilité. Enfin, à la fin de la journée, le soleil m’a pris en pitié, daignant faire une apparition.
Côté positif, le grand blanc ne va jamais sans ses moments comiques. Aujourd’hui, j’ai fait ma deuxième pause de la journée après trois heures de progression. Comme d’habitude, je plante mes skis dans la neige, ferme ma veste et mets mon capuchon. Je reviens quelques pas en arrière et je m’assieds sur le traîneau pour boire et manger. Bien vite, j’ai dû constater que le traîneau se trouvait au sommet d’une pente, et nous avons glissé tous les deux durant quelques secondes, à toute allure. Je riais tout haut. Nous nous sommes écrasés dans un tas de neige. C’est bon de voir que mon traîneau n’a pas perdu le sens de l’humour après tant de mauvais traitements...
Il neige encore fort, mais j’aperçois le soleil à travers la toile de ma tente. Espérons qu’il fera beau demain.
Tandis que je rêve pour m’évader de la grisaille, je me souviens d’un voyage à New York avec mon amie, l’été dernier. Nous y étions le jour du black-out, tout le contraire d’aujourd’hui. Je dédie cette journée à tous ceux qui en ont fait ce qu’elle est : Brian, Susan, Robbie & Stevie Herring, Tom & Tina Sjogren, Jeremy Garfield-Davies, Mike Kobold, Andy Revkin du New York Times et Jason & Ciry Deissl-Gibbs.


Brouillard... - Lundi 3 mai 2004

Pas drôle du tout, aujourd’hui. A certains moments, je me suis retrouvé dangereusement proche d’une panne d’humour. Il a beaucoup neigé pendant la nuit. « Allez, pensais-je en peinant dans la poudreuse, au moins, la glace est plutôt bonne ». Dix minutes plus tard, j’arrivais au premier chenal (voir photo). « Allons bon !, me disais-je en skiant à l’est pour trouver un endroit où traverser, au moins, le soleil brille ». Dans les secondes qui suivaient, une énorme masse de nuages apportait la neige. Des flocons si gros que j’aurais pu les emballer et les vendre comme décorations de Noël.
J’ai passé les neuf heures suivantes à skier dans le grand blanc. Je devrais plutôt dire à tituber. Pas d’ombre, pas de contraste, pas de perspective. La cathédrale de glace que vous vous apprêtez à affronter ne dépasse finalement pas la hauteur du genou. Mais le minuscule rebord dont vous vous disposez à descendre fait en réalité deux mètres de haut. La belle glace que voilà ? Un mur de congères. La neige fraîche rend aussi les choses intéressantes en cachant ce qui m’intéresse le plus, comme la glace trop fine ou les traces d’ours…
Mais cela aurait pu être pire. J’ai traversé des amas de blocs de glace vraiment sens dessus dessous, avec des dizaines et des dizaines de chenaux gelés. Je n’ose pas pensé à ce que j’aurais enduré avec quelques degrés de plus...
Ces lignes sont dédiées à l’alpiniste américain Carlos Buhler, un homme qui sait ce que cela veut dire que de persévérer dans les pires conditions. Je l’ai rencontré il y a quelque temps ; le courant est passé tout de suite. Ses exploits d’alpiniste sont étonnants, et pourtant, personne n’est plus modeste et pragmatique que lui. Je suis honoré de pouvoir le compter parmi mes amis.
Un grand bonjour à quelques personnes qui liront peut-être ceci : Tim Reeve, Bear, Shara & Jessie Grylls, Neil Laughton et Ginge Fullen.

Atterrissage d'urgence - Vendredi 30 avril 2004
Quelle est la route du pôle la plus difficile ? Par le Canada ou la Russie ? Les spécialistes ne sont pas tous d’accord. Pour certains, la route russe, bien que plus longue de 160 kilomètres, serait plus aisée, car la glace est plus plate et dérive vers le nord. Si cela a été vrai il y a dix ans, je ne crois pas qu’il en soit encore ainsi aujourd’hui.
Et je suis sûr que l’Arctique va me donner raison. Ce matin, j’ai rencontré plusieurs superbes spécimens de crête de pression, du genre colossal. Pour vous donner une idée des dimensions, j’ai planté mon ski (190 cm or 6'3") juste à côté pour la photo.
Bon, quelle que soit la route choisie pour aller au pôle, les crêtes de pression sont inévitables, et rarement faciles à franchir. Après environ trois heures de marche, j’escalade un vrai monstre. Je tire mon traîneau jusqu’au sommet et je le laisse en équilibre tandis que je descends de l’autre côté. Cette technique, un peu risquée il est vrai, avait déjà fait ses preuves : au bas de la pente, un coup sur la corde et voilà, le traîneau vous suit à la trace. Cette fois, c’est raté. A mi-pente, je trébuche, la corde se tend puis se relâche. Je me sens comme un démineur qui vient de couper le mauvais fil... Derrière moi, un grondement : le traîneau arrive comme un TGV, me renversant au passage comme un fétu de paille. Après avoir compris que je suis encore envie, je sors de mes gonds. Vite, mon lecteur mp3, il me faut un peu de Bob Marley...
Vous serez heureux d’apprendre qu’après tout cela, le temps et la glace s’améliorent tous deux.
Je dédie ma journée à Liv Arnesen et Ann Bancroft, qui prévoient une traversée de l’Arctique au printemps prochain. J’ai quelques petits conseils à leur donner sur ce qu’il ne faut pas faire…

"L'Enfer du Nord..." - Jeudi 29 avril 2004
« L'Enfer du Nord », tel est le nom que l’on donne à une des classiques cyclistes les plus dures du monde, le Paris-Roubaix de sinistre réputation. Si je vous en parle, c’est parce qu’un coureur britannique, Roger Hammond, s’est classé troisième cette année, le meilleur résultat de sa carrière (un magazine de cyclisme participe au réapprovisionnement, vous vous en doutiez ?).
Mais c’est aussi parce que je vis actuellement mon propre « enfer du nord ». Il y a plusieurs jours que je skie dans un vent de face glacial. J’ai dérivé en arrière d’un à deux milles par jour sur la semaine, et aujourd’hui, la glace se dégrade. Juste au moment où de devrais arriver sur le plat et filer vers le Pôle, je me retrouve sur les mains et les genoux, luttant contre le pack généralement de vieux glaçons entassés et couverts de neige molle. Les choses vont tellement mal ce matin qu’il m’a fallu presque deux heures juste pour regrignoter la dérive de la nuit dernière.
Quoi qu’il en soit, le moral est revenu. Même si les conditions sont complètement folles, cet endroit me manquera un peu quand je serai de retour à la maison...
Mon amie prend l’avion pour Madrid aujourd’hui. Elle va voir ses parents. Je leur dédie ces lignes. Pedro et Maria Teresa, hasta el verano !
Un grand bonjour à Jessie & Alfie, George Fudge, Scot, Gloria, Cissy, Ivo et tous ceux qui suivent le site ! J’allais oublier : c’est le 56ème jour aujourd’hui. Huit semaines sur la glace !

Alors, qu'est-ce qu'on fait ? - Mercredi 28 avril 2004
Vous le savez peut-être : Borneo, l’aérodrome russe provisoire, près du Pôle, va bientôt fermer. Le dernier hélicoptère quittera la banquise le 5 mai. Est-ce à dire que je resterai seul ? Puis-je atteindre le Pôle ? Puis-je arriver au Canada ?
Non. Enfin, oui et non. S’il faut venir me chercher, ce sera en avion, à partir du Canada. Nous sommes en train d’affréter un des Twin Otters de Kenn Borek, qui décollera de Resolute Bay. Je prévois d’arriver au Pôle dans 10 à 12 jours, puis de poursuivre le plus loin possible vers le Canada. Cela dépendra beaucoup de la glace, non seulement pour moi, mais aussi pour les pilotes, qui ont besoin d’une bonne surface pour atterrir. Au stade actuel, ils ne tiennent pas à s’y risquer après la fin mai.
Restons réalistes : la saison est trop avancée pour que j’atteigne le Canada à pied, à cause du départ retardé en Russie. L’état de la glace et la météo ont aussi battu tous les records. Si tout s’était passé comme prévu, je serais au Pôle aujourd’hui, et il me resterait tout le mois de mai pour gagner le Canada. Le plan est toujours la première victime, comme on dit...
Ce jour est dédié à quelques Norvégiens (je suppose qu’il y en a qui lisent ceci !) - Rune Gjeldnes & Torry Larsen pour l’inspiration, Borge Ousland pour l’inspiration, l’assistance et l’hospitalité, Alex d’Acapulka pour le meilleur traîneau de tous les temps, à « Captain » Camilla, aux skis Asnes, aux bâtons de ski Swix, à tous ceux de l’hôtel Finse 1222 Hotel, et au patron (j’ai oublié son nom !) du pub de la gare d’Oslo (il m’a permis d’y laisser mon traîneau pour la nuit !).
Salut à tous ceux qui laissent des messages sur le site web. Comme je l’ai déjà dit, je ne peux pas les lire. L’on m’en transmet quelques-uns chaque jour au téléphone. Je commence à reconnaître des noms ! Merci à tous.

Eh bien... - Dimanche 25 avril 2004
...Je suis encore là ! Pas beaucoup dormi cette nuit : l’hélicoptère est arrivé à 0130 heure (heure locale), et est resté près d’une heure. Sans doute un des moments les plus surréalistes de ma vie. J’en sors avec des émotions mélangées. Wave Vidmar était à bord. C’est un aventurier américain qui veut atteindre le Pôle en solo. J’ai entendu qu’il avait une infection oculaire, mais il a fallu que je voie l’énorme gonflement de son œil pour réaliser la gravité de son cas. Je lui donne le prix du bleu de l’année. Il y a un an ou deux, il aurait réussi, mais les conditions sont trop dingues cette année.
Chris Hyman, le CEO de Serco, était aussi du voyage. Il a fini par emballer mon traîneau pendant que l’équipe de CBS News m’interviewait pour un reportage sur le changement climatique. Etrange !
J’ai reçu beaucoup de cadeaux, lettres, photos et paquets divers. Je me sentais comme un enfant à Noël. Vers 5 heures du matin, je me suis endormi après avoir avalé un gros paquet de Jelly Babies (merci, Babs !)
Aujourd’hui, il y a de l’eau partout. Jamais vu ça. Des chenaux l’un après l’autre. Etonnant que je n’aie pas dû utiliser la combinaison sèche : j’ai sûrement fait 20 ou 30 traversées. Il a fallu que je revienne un peu sur mes pas pour trouver un bivouac sûr, mais le temps s’est amélioré et – qui l’eût cru ? – je dérive vers le nord ! Un peu, mais c’est mieux que rien. La vie est belle.
Je dédie ma journée à tous ceux qui ont rendu le réapprovisionnement possible, en particulier Tony, Chris, Marc et Christian.
Grand bonjour à Sharky et Jimmy Stokman (si je vois le Père Noël, je lui parlerai de vous).

De la visite ! - Samedi 24 avril 2004
Un cauchemar, toute cette journée ou presque. Hier, Tony (mon directeur d’expédition) et Chris (le patron de Serco) sont arrivés à Borneo, la piste d’atterrissage russe provisoire, près du Pôle. Chris était équipé des tout derniers vêtements polaires. Or, il faisait une chaleur tropicale : moins deux degrés C. Tony trouvait pourtant qu’il faisait plus froid qu’à Londres. Une température aussi élevée n’apporte que des ennuis quand vous devez skier sur la surface gelée d’un océan. Les passages ouverts foisonnaient d’ailleurs aujourd’hui.
Un vent furieux hurlait quand je me suis réveillé (dans la chaleur torride de mon sac de couchage prévu pour -40). Un vent de face, infernal. J’ai dérivé en marche arrière sur près de 6,5 kilomètres durant la nuit. Le GPS a mesuré ma vitesse à 0,5 nœuds (à reculons). Il a beaucoup neigé. La visibilité était presque nulle, et durant les trois premières heures, j’ai dû traverser deux chenaux à la nage (à propos, j’ai réparé la combinaison !). Tout semblait fondre autour de moi. J’ai décidé que je ne pouvais en supporter davantage. J’allais grimper dans cet hélicoptère, et dans deux jours, je serais à l’hôtel à Longyearbyen, avec bain chaud, peignoir douillet et MTV.
Mais l’Arctique a sa façon de vous conduire au bord de vos limites, puis de relâcher la pression. Tandis que je dresse la tente, le vent s’est calmé, les nuages sont partis (voyez la photo), et le soleil fait sa première apparition de la journée.
Comme le titre l’indique, j’allais parler de mon réapprovisionnement, mais il n’est pas encore arrivé (l’hélicoptère est récemment parti chercher Wave Vidmar). Vous devrez donc attendre demain pour savoir comme cela s’est passé…
Je dédie cette journée à Graham Ogle, de Brenig (Graham a spécialement fabriqué pour moi les vêtements que je porte. Formidables !)

L'oeil du tigre - Jeudi 22 avril 2004
Je pense que c’est Eddy Merckx, cinq fois vainqueur du Tour de France, qui le disait. Quand vous frappez sans relâche une pierre avec un marteau, vous obtenez des particules de métal dans la pierre et des particules de pierre dans le marteau. Il lui était arrivé la même chose avec sa bicyclette. Le vélo était devenu un peu humain, et le coureur un peu vélo. Où en suis-je ? Un de mes lecteurs MP3 se comporte bizarrement. L’ancien mode aléatoire a cédé la place à une certaine forme de télépathie : l’appareil semble lire mes humeurs, et réagit par des morceaux correspondants.
Comme la journée semblait tourner à la répétition d’hier (glace horrible et météo infernale), j’ai ainsi entendu The Eye of the Tiger, de Survivor. Je ne savais même pas que j’avais cette chanson.
J’ai souri, et skié un peu plus vite. J’ai même fait de temps en temps quelques mouvements de boxe dans le vide (du « shadow boxing », mais sans ombre à cause du temps). Vous pouvez le voir sur la photo : la glace est encore très mauvaise. Une fois de plus, je dois me battre pour avancer. Mais je suis beaucoup plus heureux de le faire.
Ma dédicace d’aujourd’hui va à Tete et Pablo. Et bon anniversaire à Stevie (désolé pour les quelques jours de retard), j’espère que tu n’as pas forcé sur le champagne cette fois !!

Aggravation... - Mercredi 21 avril 2004
Je crois que l’Arctique veut me montrer qui est le patron. Certainement la pire journée de l’expédition, peut-être la plus dure de ma vie.
Le grand chenal voisin de mon campement n’a pas gelé ; c’est mauvais signe. Pire : je réalise que je me trouve sur une presqu’île de glace, le chenal s’incurvant vers le sud-ouest et le sud-est. Je choisis le sud-est et skie nerveusement au bord de la mince glace, cherchant un point où traverser. Finalement, je trouve un endroit où je crois que je pourrai passer avec ma combinaison sèche. Grande erreur : la glace ne fait que 5 à 8 centimètres d’épaisseur, mais c’est du caoutchouc. Je tombe tout de suite dans l’eau, et dois mouliner des bras pour avancer. Epuisant. Après un quart d’heure, je n’ai fait qu’un dixième du chemin. Je retourne en arrière et repars à ski pour trouver un passage plus étroit. Je remets la combinaison, serre le cordon autour de mon visage, tire la fermeture éclair. Elle me reste dans les mains…
Le choc me frappe comme en plein visage. La combinaison est sans doute encore étanche, mais sans la fermeture éclair, je ne sais pas si elle va encore flotter. Tandis que les larmes de frustration gèlent sur mes joues, j’ôte ma tenue de natation et poursuis à ski. En tout, il m’a fallu quatre heures pour franchir le chenal, pour aboutir de l’autre côté dans le pire amas de blocs de glace que j’aie rencontré depuis des semaines.
Encore deux larges chenaux et un tas de petits, tous frais. Le temps se dégrade pour passer au grand blanc intégral. Je titube, heurte les crêtes, trébuche sans cesse. En dix heures, j’ai à peine couvert cinq milles nautiques vers le nord. C’est fou.
Je dédie ma journée à tous ceux qui ont fait partie du 8ème peloton, Inkerman Coy, RMA Sandhurst, en même temps que moi. Je me demande où vous êtes maintenant…

Voyage mental - Dimanche 18 avril 2004
C'est le terme utilisé par Sir Ranulph Fiennes. Mes professeurs préféraient dire que je rêvais debout. Quoi qu'il en soit, j'y a consacré beaucoup de temps aujourd'hui.
Hier soir, je me suis couché tard à cause des nombreuses réparations qu'exigeait ma tenue. Au réveil, j'étais épuisé. Il a fait très nuageux toute la journée. Le grand blanc n'était pas loin. Une neige profonde recouvrait la glace (un mélange de plaques et de blocs). A certains moments, j'avais l'impression de skier dans la mélasse, obligé de forcer pour avancer, alors que j'aurais dû glisser sans effort. Très frustrant. Mais le vent de face d'hier a viré à l'est, et il y a beaucoup moins de passages d'eau. Cela dit, ce matin, la glace reste souvent très disloquée. Comme le dit mon ami Nicolas Mingasson, " il n'y a plus de saisons ".
Je me repassais cet après-midi le film de quelques années de ma vie. Une personne a toujours été heureuse d'écouter mes plans les plus fous (autour d'une tasse de thé !). C'est donc à Carole Parmiter que je dédie ces lignes (et bien entendu à Eleanor, Chloe et Rosie).
La journée a été tumultueuse. Des dizaines de chenaux ouverts. Je n'ai dû nager qu'une fois, mais certaines traversées ont été incroyables : il m'a fallu skier, sauter, ramper, naviguer sur un gros glaçon, construire en poussant des blocs de neige et de glace dans l'eau. Plus les conditions devenaient folles, plus mon sourire s'élargissait. Chaque fois, l'assaut était téméraire, mais chaque fois, je trouvais un moyen, passant au-dessus, à travers ou à côté.
Je dédie aujourd'hui mon journal à Borge Ousland pour avoir inventé ma combinaison sèche, à Helly Hansen pour l'avoir fabriquée, et à Adam Levy pour m'avoir fourni celle qui me permet de traverser tout cela.

Ce monde de m... - Samedi 17 avril 2004
Je n'ai pas encore utilisé le mot jusqu'à présent et j'arrive à peine à croire ce que je vais dire, mais je me suis bien amusé aujourd'hui.
Tout a commencé après deux heures environ. J'arrivais à un chenal qui ne me laissait pas d'autre choix que de traverser à la nage, avec ma combinaison. Jusqu'à aujourd'hui, c'était quelque chose qui me terrifiait. L'instinct de survie allait totalement à l'encontre de ce genre d'aventure. L'adrénaline montait tandis que je m'équipais et que je plongeais dans l'eau noire. Puis, au milieu du chenal, il s'est passé une chose très étrange. J'ai réalisé que je prenais du plaisir à nager. Je me suis arrêté un moment, flottant sur le dos, le soleil réchauffant mon visage. Je me sentais totalement détendu et en sécurité. Quand j'ai recommencé à nager, de longues brasses fluides avaient remplacé les mouvements de quasi-panique que je fais normalement pour avancer dans l'eau. Arrivé en face, j'étais un autre homme, capable de faire face à tout ce que l'Arctique pourra désormais inventer pour me freiner.

Chutes - Vendredi 16 avril 2004
Cela ressemble à titre de film, mais c'est en fait mon occupation principale d'aujourd'hui. La glace était très mauvaise (j'ai utilisé un autre terme au téléphone avec Tony, mais ceci est un site familial…) : des tonnes de débris, de gigantesques crêtes de pression, le tout abondamment saupoudré de poudreuse fraîche. C'était incroyablement dur et déprimant. Mon pauvre vieux traîneau répond maintenant à un autre nom (que je ne peux pas non plus répéter ici…).
Le plus gros incident est survenu au début de l'après-midi. Je tentais de négocier une crête de pression vraiment méchante avec mes skis aux pieds, une opération qui, dans le meilleur des cas, exige une certaine dose d'habileté et de chance. Apparemment, toutes deux me manquaient aujourd'hui. A peu près à mi-chemin, je savais que j'allais avoir des problèmes. Mes skis et bâtons étaient en équilibre précaire sur d'énormes blocs de glace bleue glissante, tandis qu'un trou bloquait mon traîneau derrière moi. Au risque de perdre l'équilibre, je ne pouvais bouger ni les mains ni les pieds. J'ai donc tenté de dégager le traîneau par des mouvements du bassin. Que s'est-il passé exactement ? Mystère. En tout cas, je me suis retrouvé à moitié couché, à moitié suspendu par les pieds (encore dans les fixations), les deux skis parallèles mais en sens inverse, le traîneau sur mes jambes. Complètement immobilisé. Je ne savais pas si je devais rire, pleurer ou hurler le juron le plus grossier de mon répertoire. J'ai donc fait les trois avant de détacher mes fixations pour tomber encore un peu plus loin, et finalement sortir de ce trou. Marrant.
Aujourd'hui, je dédie mon journal à Shaun et Mel Williamson, que j'espère voir cet été…
Une mention spéciale dans les dépêches (pigé ?) pour les Babs, Nikkis et Sarah H. (merci de m'avoir fait rire hier soir).

Ben tombe à l'eau - Mardi 13 avril
En atteignant le degré 85, Ben Saunders pensait enfin être débarrassé de ces glaces chaotiques qui lui barrent constamment la route depuis son départ - eaux libres, zones de compression, glaces trop fines, etc. C'est à partir de cette latitude, lui avaient dit tous les polaires qu'il a rencontrés depuis des années, que la surface devient plus plate et que les chenaux d'eaux libres laissent la place à de grandes surfaces de glaces épaisses et solides. Las, grande déception : " Au lieu de cela, écrit Ben dans son rapport du 12 avril, je tombe sur la pire des glaces que j'ai jamais rencontrées jusqu'ici et j'ai dû négocier aujourd'hui un des chenaux le plus larges que j'ai vus que j'ai mis deux heures à pouvoir passer... !!!"
Mis à part cela, le quotidien de la progression sur la banquise arctique avec une anecdote de l'aventurier qui tombe soudainement à l'eau alors qu'il longe les bords d'un chenal à la recherche d'un passage de glaces épaisses. Un autre moment particulier est ce jour où (le 8 avril), passant, sautant même, d'une place de glace à une autre plaque de glace, Ben a failli être bel et bien bloqué sur une de ces îles flottantes car les chenaux autour s'agrandissaient à vue d'oeil.

Les conditions s'améliorent quelque peu... - Lundi 5 avril
Malgré les mêmes mauvaises conditions de progression, les choses s'améliorent quelque peu sur le chemin de Ben Saunders. D'une part son traîneau d'allège d'environ 1.5kg chaque jour (nourriture et fuel utilisés chaque jour), de l'autre, la surface des glaces devient plus plate et, enfin, les heures d'ensoleillement s'accroissent peu à peu. La température est désormais plus clémente, elle aussi, avoisinant aux alentours des -20°C. Maintenant, l'astre ne se couche plus, il reste entre minuit et quatre heures du matin tangeant à l'horizon. Résultat : l'aventurier peut skier plus longtemps et accomplir d'avantage de kilomètres en un jour.

Rafistolage de soulier - Mercredi 24 mars 2004
La bonne nouvelle ? J'ai finalement franchi les 83 degrés et les conditions de la glace s'améliorent. La mauvaise ? Le rafistolage de ma botte effectué hier n'a pas tenu le coup longtemps et je me suis retrouvé au point de départ hier soir. J'ai passé une heure ce matin à effectuer une nouvelle réparation, mais cette fois avec des kilomètres de rubans : ruban adhésif, sparadrap et ruban de réparation de spi. A l'heure du déjeuner, la majeure partie de ce bricolage avait lâché et ma botte était à nouveau ouverte, pour mon plus grand découragement. J'ai skié pendant un certain temps avec les larmes aux yeux. J'étais sûr que mon expédition était terminée. Je n'avais presque plus de bande et la botte endommagée blessait mon pied.
Mais, comme toujours, maintenant que ma tente est dressée, que j'ai mangé et que j'ai mouché mon nez, les choses ne semblent plus si dramatiques. Après avoir élaboré un plan, j'ai cannibalisé la courroie de mon fusil de chasse : je l'ai découpée et vissée dans la semelle de la botte. Le résultat semble bien plus solide que lors de mes tentatives précédentes et je suis optimiste quant à sa résistance. Croisons les doigts...
Je dédie cette journée à Rosie Stancer et Fiona Thornewill, les deux pin-up polaires britanniques. Un grand bonjour à Thomas et Alexander Eckl, Baby Walrus et la St. Michael's School of Medicine Hat, Alberta, Canada.

 

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LES AUTRES SUIVIS DE CETTE SAISON