The Serco TransArctic Expedition
Ben Saunders en solo

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Samedi 20 mars / Lente progression vers le Nord
Une fois encore, l'Arctique m'a contraint à durement lutter pour progresser centimètre par centimètre vers le nord. Je n'ai jamais vu de la glace aussi mauvaise : des amas impénétrables s'étendant jusqu'à l'horizon, recouverts d'une épaisse couche de neige fraîche, à la fois collante et poudreuse. Une métropole bombardée et saupoudrée d'un million de tonnes de sucre glace.
Chaque minute de la journée m'a contraint à un travail éreintant : le traîneau n'arrêtait pas de tomber dans des trous, j'ai dû réparer deux fois la garniture de mes skis, l'absence de visibilité rendait la navigation difficile et, lorsque j'enlevais mes skis, pour les passages les plus difficiles, je m'enfonçais jusqu'aux cuisses dans la neige.
Les choses n'apparaissent plus si terribles à présent que je suis engoncé dans mon sac de couchage, avec mon lecteur MP3 et le ventre bien rempli de curry de poulet (voir la photo !). N'empêche, c'est sûrement l'une des pires journées que j'ai connues jusqu'à présent. Tant de travail et si peu de kilomètres (un peu plus de six) parcourus.
Quelques personnes m'ont interrogé sur la durée du jour et sur le fuseau horaire dans lequel je suis. La durée du jour augmente progressivement : voici deux semaines, il y avait environ six heures de véritable lumière. Elle dure à présent deux fois plus longtemps et atteindra bientôt 24 heures ! Je me trouve à six heures et 28 minutes en avance sur le temps universel coordonné (UTC) ou temps moyen de Greenwich. J'expliquerai pourquoi demain...
Je dédie cette journée à Legend Internet (et à Mark Elders en particulier), qui accueille ce site et s'attache, depuis près de trois ans, à résoudre mes problèmes technologiques. Merci !
Un grand bonjour également à Mungo, Carzee, Derestrictor, Joust, Flasher, Mme Fish, Petrol Ted et Al. Je suis sûr que je rencontrerai certains d'entre vous cet été...

Vendredi 19 mars / Amas de glace sur amas de glace
C'est incroyable, mais la réparation de fortune que j'ai effectuée sur le chargeur de batterie continue à remplir son office, même si j'ai saigné du nez la nuit dernière et que j'attribue ce saignement à l'inhalation de toute cette soudure (ou peut-être était-ce dû tout simplement à mon excitation)...
Quoiqu'il en soit, la journée a été folle : des amas de glace à profusion (j'espère que la photo est suffisamment claire pour bien montrer la situation). Les conditions pour la pratique du ski étaient loin d'être idéales, mais si le temps était superbe, avec un grand soleil engendrant une atmosphère irréelle, comme si j'étais sur une autre planète. Je m'attendais presque à tomber sur un dinosaure derrière chaque crête de pression. Ou sur une station spatiale.
Du point de vue pratique, il semble que plusieurs personnes demandent ce que je mange. Beaucoup constitue la réponse appropriée. Un peu moins de 6.000 calories par jour, soit - je pense - la ration quotidienne d'un lutteur de sumo. Et néanmoins, je continue à perdre du poids !
Mon petit déjeuner se compose de ma recette secrète de muesli hautes calories (un peu trop sucré, cependant), que je fais descendre avec un cocktail protéiné, une poignée de vitamines et un demi-litre de boisson énergétique.
Je ne déjeune pas, mais je mange/bois chaque heure en cours d'effort : une boisson énergétique chaude et quelques barres énergétiques préparées à mon intention par Science in Sport (il est même écrit " Les barres de Ben " sur l'emballage).
Le soir, un peu de chocolat Green & Black en guise de friandise, puis le grand moment de la journée : l'un de mes repas norvégiens lyophilisés (fournis par Expeditionfoods.com). C'est le ragoût de morue et de pommes de terre que je préfère pour l'instant, mais j'ai un peu peur que l'odeur de poisson qui flotte dans ma tente attire des ours affamés !!
Ma petite amie a planqué un lapin de Pâques en chocolat dans mon traîneau. Je suis un peu honteux de dire que j'ai déjà commencé à le grignoter. Comme vous le comprendrez, il faut alléger ma charge…
Je dédie cette journée à David Butler et à tous les entraîneurs et clients de The Personal Training Centre.

Mercredi 17 mars / Un "élan dans une tente..;"
Les Royal Marines aiment à qualifier d'" élan sous une tente " quelqu'un qui s'avère maladroit sitôt qu'il a un toit de toile au-dessus de la tête. Eh bien, c'était moi hier. Je suis parvenu à renverser par deux fois de l'eau bouillante et à faire tomber un demi-bidon de boisson sur tout le sol de la tente. Bravo !
Cela mis à part, tout va pour le mieux. Il fait toujours très froid (moins quarante), mais - ce matin - le vent soufflait du sud et le soleil brillait. La glace n'a cessé de devenir meilleure tout au long de la journée. Des mégas amas pour commencer, puis quelques crêtes de pression (voir photo), deux ou trois chenaux récemment regelés, deux fissures ouvrant sur l'eau (mais pouvant être enjambées) et, pour finir, de la glace bien plate. Une autre journée pénible, mais j'ai couvert une distance acceptable.
Je dédie la journée à Luke et à Charlotte Cunliffe : merci pour votre soutien !
Un grand bonjour à Brian et à Sylvia, à l'autre Brian, à Susan, Robbie et Stevie. Et, une fois encore, à tous les membres de la Dane's Hill School.

Lundi 15 mars 2004 / Lorsque la situation se gâte vraiment...
...Ben a le cafard. En fait, il l'a eu presque toute la journée, de toute façon. Au cours de la nuit, j'ai dérivé pour me retrouver là où j'étais il y a TROIS jours et il faisait tellement froid ce matin que j'ai craint que mes orteils aient gelé À L'INTÉRIEUR de mon sac de couchage.
Le vent soufflait toujours, mais moins fort que la veille. J'ai donc pensé qu'il vaudrait mieux que je me remette au travail. Mais quelle journée j'ai vécue : vent debout, -39 degrés (avant que le vent fraîchisse), amas de glace ridicules, le tout couplé à la goutte au nez, mais aussi à la sueur et aux larmes.
Je dédie cette journée à tous ceux qui se demandent pourquoi je me suis lancé dans une telle aventure. Pendant presque toute la journée, j'ai pleinement compris leur point de vue.
La bonne nouvelle, c'est qu'après quelques paroles d'encouragement de ma petite amie, je me sens de nouveau d'attaque. Je ferai bien de mettre mes patins demain...

Dimanche 14 mars 2004 / Frustration
Je me suis réveillé en sursaut, le cœur battant. Qu'est-ce que c'était donc que ce bruit ? " Chhhhlick... ploumpf... chhhhhhlick... ploumpf. " Après une minute ou deux, j'ai compris. Il a beaucoup neigé la nuit dernière et le soleil a commencé à se lever, ce qui a entraîné le glissement de la neige sur le toit de ma tente. Rien d'inquiétant donc, mais - quelques heures plus tard - j'ai été réveillé par un bruit beaucoup plus violent : le vent.
Alors que je démontais ma tente, je suis rendu compte que je commettais une erreur. Il m'a fallu un temps infini pour ranger le tissu dans son sac et, lorsque j'ai bouclé le harnais du traîneau, j'avais déjà dangereusement froid. Le vent avait fraîchi de manière phénoménale et je pouvais littéralement sentir la chaleur s'échapper de mon corps. Pire encore, le vent venait du nord. En dépit de la présence de mon masque, mes joues gelaient et j'avais les larmes aux yeux au moindre mouvement. Après un peu plus d'une heure, j'ai jeté l'éponge. Le vent me repoussait vers le sud plus vite que je parvenais à skier vers le nord.
Je suis donc couché sous ma tente en me demandant quand le temps allait enfin s'améliorer. La majeure partie de la distance parcourue avec peine hier a été perdue à cause de la dérive vers le sud et le vent souffle toujours aussi fort.
Je dédie cette journée à toutes les filles du KTB. Elles font un travail fantastique et je leur dois un verre à chacune.
Un grand bonjour également à Sarah et à Louis, à Charles et à Stef. Je leur dois également une fameuse tournée...

Samedi, 13 mars 2004 / Un jour à la fois
C'est mon neuvième jour sur la glace. Voici quelques jours maintenant que j'ai pris ma décision la plus difficile jusqu'à présent. J'étais en train de skier sur une gigantesque zone d'excellente glace, s'étendant sur des kilomètres. En raison du poids combiné des deux traîneaux, j'étais forcé de tirer le premier, puis de revenir chercher le second. Pour chaque kilomètre de progression vers le nord, je devais donc en skier trois. Tôt ou tard, j'allais avoir des problèmes. Ma combinaison, le téléphone, la tente, etc. sont sur le grand traîneau. Les perdre aurait été désastreux, mais toutes les demi-heures, je devais les abandonner sur de la glace à la stabilité douteuse.
J'ai fini par prendre la décision de ne continuer qu'avec le grand traîneau. J'ai dû laisser derrière moi de la nourriture et du carburant, mais j'espère pouvoir parcourir davantage de terrain puisque je n'ai plus qu'un seul traîneau à tirer. Nous verrons bien.
Chaque centimètre parcouru vers le nord représente un véritable combat. Encore un jour à la visibilité nulle : je n'ai pas aperçu le soleil une seule fois et le vent a changé de direction pendant la journée, compliquant considérablement la navigation. Mon appareil photo a soudain rendu l'âme, mais il est soudain revenu à la vie après un bref passage au-dessus du réchaud. Je crains que vous deviez vous contenter d'une photo de Ben s'agitant comme une andouille, plutôt que d'espérer recevoir quelque chose de plus intéressant.
La grande crevasse apparue hier venait JUSTE de geler lorsque je me suis engagé dessus pour repartir, avec l'appréhension que l'on devine. Fort heureusement, je n'ai plus vu d'eau aujourd'hui, même si j'ai traversé certains passages délicats car à peine consolidés (pour la troisième fois depuis le début de l'expédition) cette après-midi. Je pense qu'il s'agissait de crevasses déjà anciennes, mais cela fait toujours un peu froid dans le dos...
Pour conclure sur une note plus légère, vous serez peut-être amusé d'apprendre deux choses :
1) En raison de l'absence de visibilité, je n'ai pas pu voir exactement où j'installais ma tente. En fait, c'était sur une surface légèrement en pente et je me retrouve couché sous un angle bizarre, avec les pieds plus hauts que la tête.
2) Lors d'une tentative désespérée pour gagner du poids, je me suis défait du stylet de mon iPAQ. Je rédige donc ces notes à l'aide… d'une allumette. Quel con !
Je dédie cette journée à mon beau-père Giles et au professeur qui a jadis écrit " Ben n'a pas suffisamment de volonté pour réaliser quoique ce soit de valable " sur l'un de mes bulletins.

Vendredi, 12 mars 2004 / Amas de glace et plongée dans l'eau...
J'étais psychologiquement prêt à franchir une distance considérable aujourd'hui, mais l'Arctique en a décidé autrement. J'ai rencontré des amas de glace très vicieux le matin et je suis tombé sur un chenal dans l'après-midi.
Celui-ci avait environ 100 mètres de large, s'étendait d'un horizon à l'autre et commençait à peine à geler. J'ai tâté la glace avec un bâton de ski. Clic... clic... splash. Trop mince. J'ai skié vers l'est pendant un moment, puis j'ai décidé d'utiliser ma combinaison : l'état de la glace de l'autre côté semblait parfait. J'ai enfilé mon costume orange et me suis lancé. L'autre rive semblait à des millions de kilomètres de distance et la surface de l'eau ressemblait à un matelas pneumatique mal gonflé. Après quelques mètres, mes genoux ont traversé la glace au ralenti et le reste de mon corps à suivi. Cela peut paraître effrayant, mais l'eau est plus chaude que l'air et la combinaison me maintiennent bien au sec. C'était comme de nager dans de la crème brûlée : impossible de progresser. J'ai donc décidé de renoncer, d'attendre que l'eau ait suffisamment gelé pendant la nuit et de partir très tôt le lendemain.
Je dédie cette journée à Martin Hartley, extraordinaire photographe de l'expédition, et à Damien du Toit, qui a conçu ce site web. Ils ont tous deux obtenus d'incroyables résultats dans des délais ridiculement brefs. De plus, j'éprouve beaucoup de plaisir à travailler avec eux.
J'aimerais également dire un petit bonjour à Peggy et à toutes les autres personnes qui mènent avec elle leur propre combat.
Je termine en adressant un chaleureux bonjour à tous les membres de l'école Dane's Hill. J'espère avoir la chance de tous les rencontrer dès que je serai rentré.

Whiteout - Jeudi 11 mars 2004
Pas facile aujourd'hui. Les choses se présentaient bien, mais avant la fin de la première heure, un vent debout s'est levé (visage gelé et dérive en arrière), tandis que les nuages descendaient. Je ne voyais presque plus rien. Chouette.
Jurant dans mon masque de glace, je suis parvenu à grignoter trois milles nautiques. J'avais envie de faire plus aujourd'hui, mais comme souvent en Arctique, je montais sur un escalator descendant…
Je dédie cette journée à mes deux mentors polaires, Pen Hadow et Borge Ousland, ainsi qu'à Tom & Tina, d'ExplorersWeb, pour avoir développé la technologie qui me permet de partager cette aventure avec le monde (ou de vous ennuyer avec mes divagations…).
Ciel dégagé et glace lisse pour demain ? Croisons les doigts. Courage !

Oh quelle nuit ! - Mercredi 10 mars 2004
J'écris ces lignes après deux jours d'enfermement dans ma tente. Le mauvais temps semble toucher à sa fin. Je me prépare à une bonne journée sur la glace pour demain...
La nuit dernière a été irréelle. Un temps auquel on s'attendrait plutôt en Antarctique : des vents hurlant, battant, pliant les piquets de tente, ensevelissant celle-ci sous la neige. Côté positif, la tempête m'a fait progresser de DIX milles nautiques en 24 heures. Je ne m'en suis pas vraiment rendu compte avec le bruit du vent sur la tente, mais à certains moments, j'aurais juré sentir la glace bouger. Je n'ai pas beaucoup dormi, mais je suis encore là grâce à ma fidèle tente Hilleberg. Incroyable.
Bon nombre de vos messages me parviennent par mon téléphone satellite. Continuez ! Quant aux demandes en mariage, je suis très flatté, mais je crois que si vous pouviez renifler mon sac de couchage (je ne me suis pas lavé et n'ai pas changé de sous-vêtements depuis plus d'une semaine, et je n'ai pas l'intention de le faire avant un mois), vous risqueriez de changer d'avis…
GRAND merci à toi, Kim Komando (et à ton fils !) pour votre soutien, que j'apprécie beaucoup. Salut à tous les Scouts qui lisent ceci : j'ai encore ma chemise, est-ce qu'il existe un insigne polaire ?!!
Carlos, heureux de t'entendre, amuse-toi bien en Inde !
A la personne qui me demande si je lis un livre, oui : " Life of Pi ", de Yann Martel. J'ai aussi emporté " Courage from Piglet " (des extraits de Winnie l'Ourson) pour les moments où je me sentirai moins intellectuel (merci Caroline !).
Je dédie ma journée à mon directeur d'expédition Tony Haile, pour son gros travail, les nuits sans sommeil et ses critiques grammaticales. Et beau gosse aussi, s'il y a des filles célibataires que cela intéresse… Au menu de ce soir : poulet au curry. Miam !

Temps gris au Nord... - Jeudi 9 mars 2004
Le signe qui ne trompe pas quand vous avez choisi la mauvaise destination de vacances : vos commencez à utiliser votre bouteille à pipi pour vous chauffer les mains avant de la vider.
Le temps du Haut Arctique est en train de se dégrader. Des vents forts et une visibilité à peu près nulle m'ont immobilisé sous la tente (qui s'efforce quant à elle de décoller).
Tout n'est cependant pas perdu : les vents poussent rapidement la banquise. Incroyable : avec 0,8 nœuds, je bats le record de vitesse en sac de couchage. Vérifié par GPS. Cela dit, je préférerais skier. Sous la tente, tout ce qui est chaud est trempé, tout ce qui est froid est gelé. Chaque rafale de vent fait tomber sur moi la glace qui couvre l'intérieur de la toile.
Cette journée, je la dédie à Sir Ranulph Fiennes, le Monsieur Pôle dont les Britanniques sont si fiers. Sa femme Ginny est décédée le jour où j'ai quitté la Grande-Bretagne, et je n'ai pas eu l'occasion de lui présenter mes condoléances. C'est après avoir lu son livre " Mind over matter " que j'ai commencé à songer au pôle. Quelle ne fut pas ma surprise lorsqu'il prit le temps de répondre à une question que je lui avais envoyée via son éditeur : une lettre manuscrite de deux pages ! Il faudrait plus d'hommes comme Ran dans le monde.
Mes pensées vont aussi à Frédéric Chamar-Boudet et Dominique Arduin, qui ont tous deux entamé leur expédition en même temps que moi, mais à partir de la terre plutôt que de la glace, plus sûre au nord. Passé à travers une glace mince, Fred est gravement gelé aux mains et aux pieds. Il attend un vol d'évacuation. Pour autant que je sache, la communication avec Dominique est perdue. L'Arctique est parfois le plus bel endroit au monde. Parfois aussi le plus terrifiant. J'espère par-dessus tout que Fred et Dominique rentreront sains et saufs.
Pour terminer sur une note plus joyeuse, certaines personnes demandent ce que j'écoute comme musique ici. Je répondrais un peu de tout : j'ai trois lecteurs MP3 de 512 Mo, avec des morceaux enregistrés dans l'ordre alphabétique. Hier, j'ai écouté de A à E en mode aléatoire, ce qui donne des combinaisons surprenantes : Coldplay, Aha, DJ Hype, Bob Marley, ACDC et Busta Rhymes… En fait, j'aime tous les bons beats qui me font sourire…

Demolition man - Lundi 8 mars 2004
Je casse sans arrêt. Les peaux de mes skis se détachent, j'ai déchiré une partie de ma botte gauche, la fermeture éclair de mon sac est cassée, et j'ai plié un piquet de tente. Et nous n'en sommes qu'à quatre jours…
Dure journée aujourd'hui (vous ne trouvez pas que je me répète ?), 3,4 milles nautiques durement gagnés en sac de couchage. La glace était mauvaise aujourd'hui. Beaucoup de blocs, et un chenal (crevasse) qui s'élargissait rapidement à la fin de la journée. Trop large pour sauter, trop difficile à contourner à skis : j'ai donc décidé de faire quelque chose de fou. Nager.
J'ai emporté une combinaison spécialement conçue pour ce genre de cas, mais je ne l'ai essayée qu'à la piscine de Putney, et aussi dans la Serpentine pour une séance de photos. Les deux fois, mes pieds touchaient le fond : ici, l'océan, noir comme l'encre, fait trois kilomètres de profondeur. Gloup… J'endosse la combinaison, je mets le pied dans l'eau… ÇA MARCHE !!! Je vogue en flottant comme un canard en caoutchouc, avant d'aborder en souriant comme un plongeon. Une première mondiale, me dis-je.
Cette journée est dédiée à l'école Ste Rita pour sourds, à Cincinnati, à Kim Komando pour son soutien sans faille, à Gerry Horn qui m'encourage toujours à repousser mes limites (à vélo !), à mon frère Steven et à Alain Hubert, qui m'a offert ses chaussures de ski.
Les messages du site web m'ont fait très plaisir. Merci ! Continuez de m'en envoyer et je continuerai à skier. C'est honnête comme marché, non ?
Enfin, désolé pour la photo (de mon poêle en train de rugir). J'en ai pris un paquet en traversant le chenal, avant de m'apercevoir que j'avais oublié de mettre la carte mémoire dans l'appareil…

Perspectives - Dimanche 7 Mars 2004
Une journée très dure et éprouvante, pour plusieurs raisons. La glace est ok : un mélange de chenaux récemment regelés, de blocs et de quelques grosses crêtes de pression. Le temps n'est pas mauvais non plus, quoique plus froid. L'effort physique est énorme, mais c'est le mental qui a la tâche la plus dure : doutes, monotonie, solitude, peur de l'échec.
Je fais taire mes démons en écoutant mes MP3. L'effet est immédiat. Ici, personne ne peut vous voir jouer de la guitare en l'air avec un bâton de ski…
Je dédie mes journées à ma mère. Son indépendance et sa détermination ont été une grande source d'inspiration. A un point qu'elle ne peut imaginer.
Je réalise aujourd'hui que mes distances quotidiennes n'auront pas été enregistrées sur le site, Tony rentrant en Angleterre. Comme je skie sur la mer, je mesure les distances en milles nautiques. Je me trouve maintenant à N82'02.2. Cela signifie que j'ai couvert 13 milles depuis que j'ai été droppé. J'ai l'impression d'en avoir fait 300...

Course folle - Samedi 6 Mars 2004
Hier, j'ai partagé mon vol de " lâcher " avec Wave Vidmar, Bettina Aller (Danemark) et son ami Jean-Gabriel. Bettina et J-G sont partis les premiers, avec des traîneaux légers (ils auront une assistance). Depuis ce moment, nous sommes toujours restés en vue les uns des autres.
Après m'être arrêté tôt hier, j'ai dépassé le camp de Wave ce matin en criant " Bonjour ! ". Surréaliste. Je crois qu'il faudra quelques jours pour mettre de la distance entre nous.
J'ai passé le plus clair de ma journée à skier sur une IMMENSE étendue de nouvelle glace très fine. Parfait pour avancer vite, mais assez effrayant à cette échelle. Impossible de camper à cause du risque de bris. J'ai monté la tente dès la fin de ce passage.
Je dédie cette journée à Chris Hyman, CEO de Serco. C'était Henry Ford, je crois, qui décrivait l'enthousiasme comme " une étincelle dans l'œil, un élan dans la démarche, une poignée de main ". L'étincelle de Chris est à nulle autre pareille.

Seul et "shreezing" - Vendredi 5 mars 2004
D'après ma mère (salut m'man !), je prononçais " freezing " (glacial) " shreezing " quand j'étais petit. Eh bien, il fait vachement " shreezing " ici dans ma tente !
Nos craintes se confirment ce matin : il y a plus de 50 km d'eaux libres au large du cap. Incroyable. On me droppe finalement à 81'49. Ce n'est pas ce que j'espérais, mais au moins, je suis sur de la glace convenable.
Avec plus de 180 kg à tirer, j'avance comme un escargot. J'ai déjà inventé quelques nouveaux jurons. Indescriptiblement dur. Pour l'instant, la seule idée de continuer pendant une semaine me semble tout à fait farfelue...
Bien entendu, rien n'eût été possible sans mon sponsor, Serco, mais il m'a fallu trois dures années pour le trouver. Ma journée est dédiée à mon supporter numéro un, mon amie Valeria, qui me manque déjà terriblement.

Allons-y - Jeudi 4 Mars 2004
Il devrait commencer à faire plus chaud maintenant, mais il y avait ce matin moins 47 degrés à Khatanga. De quoi se geler les os. Bon présage.
Le vol en hélicoptère que nous n'espérions plus a bien eu lieu. Je me ronge les ongles en attendant mon vol de " drop off " définitif, demain matin. Contre toute raison, j'espère trouver de la glace solide sur tout le chemin de la côte. Nous verrons... Je vous raconterai demain.
Pour l'instant, je vais profiter de ma dernière nuit avec mon amie avant trois mois. Dans des lits superposés, malheureusement.

SOURCE / LE SITE DE BEN SAUNDERS

 

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