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20 mars 04 - Je suis vraiment le roi du traîneau
Encore une journée exténuante durant laquelle j'ai pratiquement fait du surplace. Une journée à nouveau émaillée d'un pack abondant et d'innombrables crêtes de pressions. Je n'ai franchi que deux chenaux regelés et j'ai zigzagué un peu entre l'est et l'ouest pour éviter des champs de gros blocs de glace. Enfin, comme lors des jours précédents, j'ai fini la journée en franchissant deux surfaces relativement planes.
Les images satellite m'apprennent que j'ai presque traversé le pire de la glace. Et Bettina signale de grande surfaces planes devant moi (avec Jean-Gabriel, elle est à une trentaine de kilomètres devant moi). Je serai sans nul doute très content d'en avoir terminé avec ce chaos glacé. C'est extrêmement éprouvant physiquement et cela m'use mentalement.
Ce soir, lorsque je me suis glissé dans mon sac de couchage, je me suis endormi rapidement. En règle générale, je reste éveillé suffisamment longtemps pour rédiger mon rapport, mais pas ce soir. Il est à présent 02:30 du marin, je serai donc bref.
J'espère que mon dimanche sera meilleur et que je parcourrai plus de terrain. On dirait que le 82ème degré (de latitude) ne veut pas encore me lâcher. Il me reste un peu plus de douze miles nautiques jusqu'au degré suivant.
Avec mon mal aux hanches, j'ai vraiment souffert pour tirer les traîneaux aujourd'hui. J'ai modifié mon harnais en découpant une partie de mes oreillers pour disposer d'un rembourrage plus épais.
Toute la journée, je n'ai pas cessé de penser à la confortable chambre d'hôtel qui m'attend lorsque je serai arrivé à destination. Avec des vêtements propres, une douche bien chaude et de la nourriture fraîche. J'espère que vous avez bien profité de votre samedi...
18 mars 04 - Deux semaines déjà !
Deux semaines ! Il m'a fallu deux semaines pour arriver jusqu'ici ! Je sais que, pour certaines personnes, deux semaines ce n'est rien. Ici cela représente une vie entière. Elles prétendent que si l'on tient le coup ici pendant deux semaines, les chances sont grandes que l'on parvienne à destination. J'espère qu'elles ont raison ! Le Pôle Nord m'attend !
J'ai vécu une journée intéressante. J'ai plongé mes jambes dans l'eau et j'ai vu passer l'hélicoptère de secours. Le terrain était mixte : quelques grands espaces plats, quelques chenaux recouverts d'une mince couche de glace et un pack abondant.
Je suis parvenu à trouver un chouette chenal regelé et j'ai gagné deux ou trois heures en franchissant un pack accidenté. Plus tard, alors que je descendais une imposante crête de pression, j'ai fait l'expérience d'une nouveauté pour moi, une chose très redoutée dans l'Arctique. J'étais en train de tirer mes traîneaux sur un épais bloc de glace en pente, pour atteindre un chenal regelé. Alors que je faisais descendre le plus grand traîneau, mon pied droit est passé à travers la glace jusqu'au genou ! J'ai retiré ma jambe à toute vitesse et je me suis dépêché de la recouvrir de neige pour que celle-ci absorbe l'eau. Je m'en suis bien tiré, puisque l'eau n'a pas eu le temps d'atteindre mon pied. Des expéditions ont dû être annulées et des doigts de pied ont été perdus à la suite d'" accidents " de ce genre.
Ce soir, alors que je dressais le camp, l'hélico de secours est passé à quatre cents mètres de moi. Il partait réapprovisionner Bettina et Jean-Gabriel, probablement après avoir recherché Dominique. Heureusement que c'est ce soir que je l'ai aperçu et non voici quelques jours, lorsque je voulais abandonner. Toujours pas de nouvelles d'elle.
J'ai franchi une distance satisfaisante. Il continue à faire très froid et le vent continue à me pousser vers le nord. Nous verrons bien ce que demain me réserve.
17 mars 04 - Bart Simpson dans l'Arctique
C'est arrivé ! J'ai véritablement éprouvé du plaisir aujourd'hui ! Je m'habitue peut-être à l'endroit ? Ou peut-être y suis-je depuis trop longtemps ? Mais je me suis amusé !
Le terrain était le plus difficile jusqu'à présent, avec de nombreuses crêtes de pression et des kilomètres de pack accidenté. Mais je suis également tombé sur un très chouette chenal à peine regelé qu'il ma suffit de suivre. Pour moi, cela a fait toute la différence.
J'ai franchi de nombreux chenaux, dont certains étaient recouverts d'une glace fort mince. J'ai constaté que j'aime ces zones difficiles, pour le risque, le défi et l'aventure à l'état pur. Arrivé à une de ces fissures, j'ai utilisé mon traîneau comme un pont et je l'ai tout simplement franchi. La glace adopte tellement de formes différentes. Des personnages reconnaissables commencent à apparaître. Aujourd'hui, j'ai vu Bart Simpson, la tête d'un tyrannosaurus rex et un taureau espagnol très détaillé. L'autre jour, j'avais vu un marteau et j'aperçois souvent des tas de pyramides.
Le temps était acceptable, même si le vent continuait à souffler du sud. C'est une bonne chose pour deux raisons : ma chair n'a pas trop à souffrir et il me pousse vers le nord, ce qui accroît la distance que je parcoure plutôt que de la réduire.
Vers la fin de la journée, la glace a commencé à devenir plus plate. Les crêtes de pression ont commencé à s'aplanir, mais le nombre de chenaux et la présence de glace mince ont augmenté.
J'ai terminé ma journée en dégustant un excellent dîner composé d'enchiladas de buf et en enfilant une nouvelle paire de chaussettes. Une journée agréable dans mon bureau de l'Arctique.
15 mars 04 - Pas de magasin dans le coin...
Aïe ! J'ai des engelures au bout des doigts qui me font drôlement souffrir. Encore une journée dure et glaciale. J'ai péniblement progressé à travers le pack et de nombreuses petites arêtes.
Au début, le vent était plus calme, mais il a regagné en intensité, entravant la progression. C'était naturellement un vent de face, s'attaquant à ma chair et entravant mon avance. Après un journée harassante, j'ai à peine progressé d'un mile.
Je perds mes sourcils et mes cils. La plus petite trace d'humidité sur le corps ou les vêtements se transforme rapidement en glace. Les petites particules d'humidité sur mes sourcils et mes cils ne font pas exception à la règle, ce qui provoque le gel alentour. Ma vision finit par se brouiller, mais - si je ferme les yeux ne fusse qu'une seconde - je risque d'avoir les paupières collées par le froid, ce qui m'est d'ailleurs arrivé plusieurs fois. Et si je me frotte, j'arrache mes cils et mes sourcils. Je préfère une température un peu moins froide...
Le soleil était au moins présent, donnant une certaine impression de chaleur (même s'il faisait au moins -41 degrés). Au matin, j'ai constaté l'ouverture d'une nouvelle faille juste au sud, mais un peu plus loin cette fois, à un peu plus de 70 mètres. De la vapeur jaillit de l'eau sous-jacente.
Tout au long de la journée, j'ai essayé de conserver une attitude mentale positive, ce qui m'a aidé. Mais je sais que, dans un jour ou deux, un hélicoptère passera tout près et qu'il me suffirait de l'appeler pour retrouver un lit bien chaud. J'essaye toutefois de ne pas y penser, en me disant que ma plus belle récompense sera une douche brûlante à Spitzbergen, en Norvège, une fois le but atteint.
En démontant ma tente, j'ai brisé un autre piquet. C'est le troisième en onze jours. J'ai emmené des piquets spéciaux en fibre de carbone, car je craignais la casse des piquets en aluminium. Une erreur manifestement.
J'ai dû réparer les piquets, car je n'avais aucun autre choix. Lorsque j'ai dressé le camp ce soir, j'ai passé une heure blotti près de mon réchaud à démonter mes pieux et à retendre des élastiques entre les parties intactes. Je suis enfin parvenu à reformer un pieu, j'ai dressé le reste de ma tente et je me suis préparé pour la nuit.
Et c'est ainsi que s'est achevé un autre jour de vie/survie dans mon " bureau " de l'Arctique.
14 mars 04 - Un dimanche plus que glacial
Au début de la nuit dernière, il a fait relativement bon, puis le vent s'est levé et n'a pas cessé de souffler depuis lors. Malheureusement, c'est un vent du nord, ce qui veut dire qu'il me pousse vers le sud. J'ai reperdu tout le chemin parcouru depuis trois jours.
Alors que la plupart des gens se reposent le dimanche, cela n'a vraiment pas été mon cas. Il a fait extrêmement froid pendant la journée, probablement en dessous de -45 degrés, et - avec le vent - la température a chuté aux alentours de -75 degrés !
Je n'avais pas vérifié mes lunettes depuis la veille et, lorsque je les ai mis, elles étaient complètement gelées : à l'exception d'une petite portion sur un côté, impossible de rien distinguer à cause de la glace sur les verres. Je me suis battu contre le vent debout pendant plusieurs heures, puis j'ai dressé le camp.
Lorsque la nuit est tombée, il a fait encore plus froid. Bienvenue dans l'Arctique !
J'ai vu aujourd'hui mon premier " sundog ", aux endroits où le soleil projette des taches lumineuses face à face, presque comme le début d'un arc-en-ciel, mais sans couleurs. Splendide spectacle.
Ce matin, je suis sorti de la tente et j'ai entretenu mes traîneaux. Deux heures plus tard, lorsque je suis à nouveau sorti, j'ai constaté la présence d'eau près de ma tente. Une crevasse venait de s'ouvrir côté sud, à une vingtaine de mètres seulement ! Fort heureusement pour moi, j'étais du côté nord de la faille. Je note n'avoir entendu aucun bruit : la gigantesque surface de glace s'est donc déchirée silencieusement.
En raison du froid, le réchaud n'est pas parvenu à sécher quoi que ce soit. J'essaierai encore au matin. Engoncé dans mon sac de couchage, j'espère que je ne vais pas grelotter toute la nuit. Le vent agite ma tente, comme s'il essayait de m'empêcher de dormir.
La chose que je déteste le plus, c'est le givre qui se détache du toit de la tente et tombe sur mon visage et dans mes yeux. J'éprouve alors des frissons dans tout le corps.
13 mars 04 - La barbe
Quelqu'un m'a entendu : il fait beaucoup plus chaud qu'hier. Merci ! J'ai avancé de quelques milles, même si cela ne valait pas vraiment l'effort fourni. C'est comme ça dans l'Arctique. Pendant la journée, la visibilité était faible, car il neigeait légèrement et le vent soufflait la neige horizontalement. La neige n'est pas ce qu'elle est chez nous : ici, ce sont des morceaux de matière blanche gelée.
Le terrain est en pente descendante, mais je distingue difficilement le ciel de la glace. Le large chenal, infranchissable hier, est assez gelé pour s'y risquer prudemment. Encore de vieilles traces d'ours polaires. Tant qu'elles sont vieilles
Je ne tiens pas trop à les rencontrer.
Les incidents du jour : une petite gelure au doigt et une fuite de combustible dans mon traîneau.
La gelure résulte d'un petit trou dans un des gants intérieurs que je porte constamment. Je l'ai réparé hier soir, mais il faut que je surveille mon doigt. Cela fait mal, mais ça passera sans doute. La fuite de combustible m'inquiète plus. Quand je l'ai découverte, j'ai immédiatement tout sorti du traîneau pour tenter d'absorber le liquide avec de la neige. J'ai trouvé l'origine de la fuite, qui ne devrait plus se reproduire.
Il me reste beaucoup de combustible : la fuite n'affectera pas ma ration quotidienne. J'avais surtout peur qu'il ait coulé dans ma nourriture ou endommagé d'autres effets.
Le camp dressé et la fuite réparée, je prolonge l'utilisation du poêle pour sécher quelques vêtements. En fait, il fait chaud dans la tente ! Mais dès que j'éteins le poêle, le froid revient très vite.
Je retourne grelotter dans mon sac de couchage, en attendant l'appel d'une chaîne de télévision pour laquelle je parlerai " en direct de la glace ". Ce sera la première d'une longue série d'interviews. L'image me représente bien au chaud (provisoirement), avec une barbe et une moustache qui commencent à se voir.
11 mars 04 - Déjà une semaine sur la glace
Une journée dure, sans guère de résultats. J'ai tiré dur et longtemps, mais le petit vent contraire repousse aussi mon glaçon vers le sud. Au lieu de parcourir 5 ou 6 milles, cela m'en fait 3 net. Rien à faire.
Au début, le temps était à peu près convenable, mais dans l'heure, la lumière s'est éteinte. Peu après, une sorte d'épais brouillard s'est installé. La visibilité chutait à environ 60 mètres, ciel et glace se confondant.
Quelques problèmes mineurs : mes deux thermos ne se ferment plus ou ne restent pas bien fermés. Le liquide se répand sur moi, la tente et d'autres objets. J'ai aussi perdu ma manique. Rien de trop grave donc. Je peux encore contourner ces petites difficultés et les autres.
Les nouvelles de Dominique ne sont pas bonnes. Ils parlent d'arrêter les recherches. Cela me fait beaucoup de peine. Il faut que j'arrête d'y penser, mais c'est dur.
Je poursuis ma route vers le pôle. Avec de la chance et de la persévérance, je devrais y arriver. Pendant la journée, je m'occupe en pensant à des choses agréables : dormir dans mon lit, prendre une douche, aller au magasin pour acheter quelque chose que j'aime manger.
Bizarrement, j'entends souvent des chansons dans ma tête, des titres des 20 ou 30 dernières années. Je suppose que c'est la privation de stimuli sensoriels (dans mon cas du moins).
Autre conséquence du même phénomène : dans l'Arctique, vos sens sont exacerbés. Vous entendez une aiguille tomber. En ouvrant une boîte d'allumettes, vous sentez l'odeur des produits chimiques utilisés dans leur fabrication, du carton, de tout.
Bon, il est temps de dormir. La dernière nuit a été très froide, bien en dessous de moins 45. Je ne saurai pas exactement combien avant de recevoir mes rapports ARGOS. J'espère mieux dormir cette fois.
9 mars 04 - Bonne chance à Dom et Fred dans la tempête
A l'extérieur, la tempête fait rage. Tôt ce matin, j'ai reçu un message textuel de Tom & Tina Sjogren (explorersweb.com), qui dirigent mon camp de base. Ils m'avertissaient d'une tempête, devant moi, pour les prochaines 24 heures. Les nuages confirment leur avis.
Le vent souffle à 30 nuds, avec des rafales à 50-65 noeuds. J'allais continuer malgré le temps, mais ma tente, déjà difficile à dresser sans vent, pourrait entraîner des risques, peut-être mortels, dans une tempête. La visibilité est très limitée (environ 12 mètres), et hier, j'ai vu une énorme étendue d'eau libre juste à l'est. Prudent, j'ai alors décidé de m'arrêter, mais il est difficile de se reposer dans un tel bruit. La glace tremble sous moi, comme un petit séisme, mais des heures durant. La sensation me met mal à l'aise.
La bonne nouvelle, c'est que le vent pousse le morceau de glace sur lequel je campe vers le nord-est. En fait, j'ai sans doute franchi plus de distance aujourd'hui en me reposant dans ma tente qu'au cours de la journée passée. Et avec beaucoup moins d'effort.
Je me trouve sur de la glace plus ancienne, en principe plus sûre, mais l'on ne sait jamais où elle va casser. Il faut être prêt à déguerpir à tout moment.
En entendant la glace grincer et couiner, j'essaie de ne pas trop y penser. Je suis de bonne humeur, en bonne santé, mouillé mais au chaud dans mon sac de couchage et mon antivapeur.
Avec la nuit, il fait plus froid. Quand la glace se forme sur la paroi intérieure de ma tente, le vent la fait tomber violemment sur mon visage. Il continue de s'intensifier, atteignant régulièrement 50-65+. J'espère que ma tente va tenir le coup, que je ne tomberai pas dans l'eau glacée, et que je ne serai pas écrasé par des blocs de glace en collision.
En dépit de l'inconfort de ma situation, je m'inquiète beaucoup pour Frédéric et Dominique. D'après ce que j'ai compris ce matin, Frédéric se trouve sur une petite plaque de glace mince. Dans une tempête, ces glaçons sont généralement absorbés par des blocs plus gros. Il est probablement en train de lutter pour sa survie.
Frédéric est vraiment un chouette type. Il m'a tout de suite aimablement pris dans ses bras dès que nous nous sommes rencontrés à l'hôtel, à Moscou. Physiquement, c'est le plus grand et le plus fort de nous tous. Membre de la marine française et père de trois enfants, Frédéric est un novice du pôle, comme moi. J'espère qu'il va bien.
Dominique est une femme intéressante. De nationalité française mais vivant en Finlande depuis une quinzaine d'années, elle y est réputée pour ses expéditions et ses efforts. Plus petite que nous (à peine 1,50 mètre), elle a tenté plusieurs expéditions polaires en solo.
S'il vous arrive de prier, faites-le s'il vous plaît pour Dominique et Frédéric.
7 mars 04 - Gel et progression
Encore une journée de progression vers le pôle. Je n'ais pas fait autant de kilomètres aujourd'hui : c'était dur avec de lourds traîneaux et des dizaines de petites crêtes de pression.
Mon organisme est encore en train de s'habituer à l'exercice physique intense. C'est normal pour moi. Ma forme s'améliore régulièrement pour faire face à ce qui l'attend. Parallèlement, mes traîneaux s'allègent en nourriture et en combustible.
Chaque jour a ses hauts et ses bas. Le matin, je crains de sortir de mon sac de couchage, humide mais chaud. Mais dès que je suis dehors, j'ai envie de partir, car l'exercice me tient chaud. A la fin d'une longue journée, le repos m'appelle, mais il faut encore dresser la tente, préparer le repas et de l'eau chaude.
J'ai peur d'entrer dans mon sac de couchage, froid, bientôt humide et gelé. S'il finit par se réchauffer, la vapeur de ma respiration gèle autour de ma bouche. Même la chaleur de la tête cède au gel. Pas facile de vivre par -40 à -55°f degrés pendant des jours d'affilée.
Je n'absorbe toujours pas assez de calories par jour, mais à mesure que je m'adapte, mon appétit s'améliore. Je sais que j'ai perdu du poids ; c'était à prévoir.
Le " terrain " de glace change constamment. La glace est différente chaque jour. Skier sur la glace mince est le plus facile, et très intéressant. La glace fait remonter des cristaux de sel, qui forment à leur tour des cristaux de glace aux formes uniques. S'ils étaient verts, ce serait comme une prairie.
Je prépare mes envois le lendemain matin : si vous lisez ma position actuelle avec la date du jour suivant, vous comprendrez. J'ai passé 82 degrés de latitude : encore 8 avant d'atteindre le pôle.
Position au 8 mars 2004 : N 82 02.187' E 095 58.776
5 mars, 04 - Sur la glace, enfin !
Je vous écris de l'intérieur de mon sac de couchage, quelque part près du Cap Arctichevsky. Après presque un an d'organisation, d'entraînement et de préparation, me voilà enfin sur la glace !
Nous nous sommes levés tôt. Une tasse de thé rapide avant d'embarquer nos traîneaux et le reste sur le camion. Nous quittons la station météo où nous avons passé la nuit ; en une demi-heure, le camion nous fait traverser la mer et nous emmène à la base militaire, autrefois secrète, de Sredny. Là, nous formons deux groupes et grimpons dans les hélicoptères.
Ensuite, presque deux heures de vol jusqu'au premier point de départ. Ben Saunders, Bettina Aller, Jean-Gabriel et moi-même sommes droppés, non sur le Cap comme prévu, à cause d'une grande étendue d'eau, mais un peu plus loin, au-delà de la glace mince, sur une bonne banquise solide. Dominique Arduin et Frédéric, qui ont choisi de partir de la terre, retournent au Cap en hélicoptère. Il semble y avoir une rivalité amicale entre les deux Français.
Vers 14 heures, tout le monde se dit au revoir et bonne chance. Les hélicoptères rentrent vers le Cap. Bettina, Jean-Gabriel, Ben et moi, nous nous disons encore adieu, nous nous serrons dans les bras et entamons nos voyages respectifs à destination du pôle.
Bettina et Jean-Gabriel progresseront bien, tandis que Ben et moi luttons sur une glace inégale avec nos traîneaux chargés.
Durant ma première journée de glace, je rencontre une large variété de formations : glace plane, lisse, blocs chaotiques, crêtes de pression, chenaux gelés et chenaux dégagés. Une vingtaine de types de glace au total. Je skie jusqu'à l'obscurité, vers 18h30, puis choisit un endroit pour planter la tente.
Dresser celle-ci est un vrai défi, comme tout ce qu'il faut faire pour survivre seul dans le froid glacial de l'Océan Arctique. Je chauffe de l'eau et prépare un savoureux plat de nouilles et poulet au curry. Je bois de l'eau chaude.
Après dîner, je passe le fil dentaire et je me brosse les dents, malgré la température (-37c ou moins). Je rentre mon sac de couchage dans la tente pour m'y glisser. Il est froid. La nuit n'est pas très reposante. Le froid me préoccupe plus que les ours polaires !
SOURCE : le site de Vidmar
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