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MARCH 2004 From now on, the press releases are not translated into English anymore, sorry 25 mars 2004, 66 33,5'N (Cercle polaire) 171 04'W /
11 156 km du Cap Nord : Le doute Une petite pause le temps de décider de ma route. La banquise est dégagée de neige, nous choisissons donc la mer. Mais quelle cote ! Des pics coniques de granit ocre s'élancent vers le ciel sur des hauteurs de 300m. Dans ces bourrasques de neige, cela ressemble fort aux portes des enfers. Quelques traces d'ours, quelques chaos et nous filons jusqu'à ce que la neige accumule sous le Cap Inkigour change notre allure. La premiere des deux seules échancrures dans les falaises jusqu'à Intchoun sera mon lieu de campement. Le choix est a présent décisif. J'aperçois une grande cassure au large du cap et d'immenses chaos. J'opte donc pour ce que je crois être la voie la plue sure : les montagnes. Nous avons atterrit sur la rivière que je recherchais et nous la suivons a present lentement. Quelques heures plus tard, nous nous enlisons dans la slush avec de l'eau jusqu'au mollet. La neige ne va pas cesser de tomber pendant 3 jours et 3 nuits. L'ascension des cols devient harassante. Je trace péniblement au devant, sans skis ni raquettes. Trouver son chemin dans ce dédale montagneux parsemé de dangereux ravins demande une grande concentration. Le Gps que j'utilise rarement sur la piste m'est d'une grande utilité jusqu'au moment ou il m'annonce une message d'adieu laconique en anglais. Il semblerait qu'il ait trouve bon de perdre son système, le traître ! Nous sommes enfin sur la rivière mais je n'ai pas de quoi me réjouir pour autant. Des trous d'eau fumante apparaissent ça et la. Nous ne sommes qu'a mi-chemin d'Intchoun et avons déjà subi pas mal d'épreuves. Nos forces déclinent même si la vue de buissons, les premiers depuis 2500km, nous redonnent un peu de baume au cour. Comment allons nous sortir de ce canyon ? Nous descendons la rivière prudemment jusqu'à ce qui semble être une impasse : un ruisseau d'eau libre a droite, un autre a gauche avec au centre une glace trop fine. Nous traversons en amont jusqu'à la rive gauche sans encombre puis je trace au plus près d'une falaise au devant des chiens. Il y a beaucoup de neige et je brasse avec difficulté quand soudain, je me sens aspire dans un trou. L'eau ! J'y suis jusqu'aux cuisses et je sens que le courant me tient dans ses machoires. Survivre ! Je m'etale dans la neige et « nage » pour tenter de m'extraire du trou. Apres quelques minutes d'angoisse, j'y parviens et rejoints mon attelage. Les chiens sont, eux aussi, dans la slush et les plus nerveux s'enfoncent rapidement. Le traîneau lui aussi s'enlise. Combien de temps ce pont de neige va-t-il tenir ? Que faire ? Je ne peux plus avancer. A ma droite l'eau libre, a ma gauche la falaise. J'improvise en toute hâte une traîne fixée à l'arrière du traîneau et fais passer les chiens. Nous allons effectuer une véritable marche arrière avec un traîneau qui joue les chasse-neige. Les chiens y mettent toute leurs forces et nous rejoignons la rive opposée dans nos traces. Assez d'émotions, il est temps de camper et de se sécher. En me couchant, extenué, j'en viens a me demander si les mauvais esprits de Tchoukotka ne sont pas détermines a nous empêcher d'atteindre le Detroit de Béring. Je tente un autre passage le lendemain. Quelques chiens passent à l'eau mais la vitesse nous a fait franchir le chenal. Nous allons de l'avant et trouvons ce que nous recherchions : une porte de sortie de la riviere. Je souffre d'une bronchite et peine dans la montée. Epuise, je m'assois dans la neige, observant le ciel qui prend sa teinte de tempête. La neige est si profonde que nous n'avançons plus. Apres maintes hésitations, je décide de changer de cap. Nous allons descendre la riviere jusqu'à son embouchure. Une randonnée de 15 km qui pourrait être sympathique si ce n'étaient les pièges qui nous attendent a chaque courbe du torrent. Nous louvoyons avec d'extrêmes précautions, évitant les dangers. La mer approche et le vent forcit. Encore quelques efforts et nous atteindrons la sécurité d'une isba, parait-il en bon état, ce qui est rare en Tchoukotka. Voila la mer. Nous virons à l'est et apercevons immédiatement la cabane. Je repère au devant, mettant mes derniers forces pour gravir la pente. La fièvre me met constamment en nage. Ma poitrine brûle contre ce vent qui n'est autre qu'un youjak. Aucune rafale, juste le ronflement caractéristique d'une soufflerie qui peut atteindre les 150 km/h. Je dégage la porte à la pelle. Nous y sommes, nous sommes sauvés! Le youjak a dure 3 jours et a ouvert la banquise à 3km de la cote. Les vivres des chiens sont presque épuises et ma bronchite ne me lâche pas. J'observe le ballet de 2 corbeaux sur la rive. Hier encore ils voletaient au même endroit. Une excursion me fait découvrir une carcasse de morse a moitie dévorée par les bêtes puis une autre presque intacte avec sa défense émergeant de la neige. Le probleme des vivres est donc resolu. Voilà 5 jours que nous sommes à l'isba. La température, trop douce ne nous a pas permis de reprendre notre route. J'attends le gel et le vent du Nord-ouest qui refermera la glace. 12 mars 2004, Enurmino, Tchoukotka / 66 57N 171 52W « Seul, vraiment seul ! » et je lis de l'estime dans son regard. Inutile de hausser le ton et de gonfler la poitrine, ma carte de visite pour ainsi dire qui me permet d'entrer spontanément dans l'intimité de population autochtone est ma solitude, mon traîneau et ma connaissance de la langue russe. Pas de traducteur, pas de guide, pas d'engin motorise, les barrières culturelles s'effacent et l'amitié prend le pas sur la crainte, la timidité ou la convoitise parfois. Les chasseurs observent mon traîneau, mon attelage, mon équipement et savent parfaitement qu'ils ont a faire avec un grand voyageur. Les mots superflus ne sont pas prononces, les sourires et les regards suffisent. Du kopalkhin (morse fermente) est apporte pour nourrir mes chiens et ma hache aiguisée pour le découper. Je n'écoute pas les recommandations du vieil homme et fini de charger le traîneau, ayant toutefois enregistre le message. Tempête ou pas, on n'est jamais mieux que dans son petit chez-soi, me dis-je. Le vent, toujours ce vent ! Je n'ai qu'un seul désir, ne plus l'entendre. Aussi lorsque nous achevons la traversée du détroit fermant la Baie Koliouchskin et apercevons une minuscule isba au pied d'un vieux phare en ruine, nous y courons pour installer le campement a l'abri, le temps d'une nuite avant de reprendre la route le lendemain dans la tourmente avec cette fois le vent du Nord de travers car nous courons des lors plein Est vers le col qui nous sépare de Nechkan. Le directeur du Sovkhoze est venu me rencontrer et me propose viande et poisson en échange de discussions techniques interminables. Notre homme est un passionne. Il coud, construit, invente ; de la doudoune au véhicule, motorise ou non tous genre. Il passe donc au crible mon bagage, ne ménageant pas ses critiques ou restant silencieux lorsque tel ou tel équipement lui fait bonne impression. Nous sommes tombes d'accord sur un troc qui satisfait chacune des parties : mes vielles bottes canadiennes rapiécées contre une paire de bottines en peau de phoque traditionnelles fraîchement cousues. J'ai beau lui avouer que cela n'est pas très équitable pour lui, il n'en mord pas, certain de faire une bonne affaire en récupérant la semelle pour coudre de révolutionnaires « torbozza ». Soixante kilomètres jusqu'au village d'Enurmino. Nous effectuons la distance en 6 heures, ne prenant même plus la peine de nous découper quelques steaks au passage d'un cadavre de morse. Un attelage de 20 chiens nous rattrape. Mes bons élèves sont outres pour certains et envieux pour d'autre de l'anarchie qui règne dans la meute et ne se laisse pas dépasser. Ne sont-ils pas après tout des champions du monde distance ? Le village efflanque au pied de majestueuses montagnes me fait prendre conscience que je ne suis plus loin du bout du monde. Enurmino n'est qu'a 200 km du Detroit de Béring et soudain je réalise que ma longue route est en passe de s'achever. Point de chien errant ici pour entraver nos manouvres. Le chien est ici un outil indispensable à la survie et le compagnon de chasse indispensable. Chaque meute a son territoire auprès de la maison et attend sagement l'heure du souper de viande phoque ou de morse. Pas d'essence au village, pas d'engin motorise si ce n'est un tracteur. Chaque famille possède un attelage, plus d'une trentaine au total au village. Beaucoup de chiens ont les yeux bleus descendant de Huskies de Sibérie troques par un Américain lors d'une course. Elya filme mon arrivée avant de m'inviter chez lui. Chacun tient a m'aider au déchargement ce qui crée un désordre indescriptible. Intchoun est à 150 km. Je partirai demain. Je n'ai pas compte le nombre de cols sur ma route, ils seront nombreux et élèves. J'ai choisi la route des montagnes, difficile mais plus sure que la banquise qui peut a tout moment s'ouvrir a la faveur d'un vent de Sud ou d'Est. Les ours sont aussi bien trop potentiellement intéresses par ma cargaison de viande de morse fermente que je préfère de plus paisibles rencontres avec le lièvre arctique ou la perdrix des neiges. Le passage sera la dernière épreuve de mon périple à travers l'Arctique eurasien. |