THE WALL IN ANTARCTICA
Alain Hubert et une équipe de grimpeurs

Mardi 9 janvier : Une journée d'un autre monde à l'autre bout du monde
Depuis que l'expédition de Hubert évolue dans cet univers vierge d'une époustouflante beauté, nous essayons - quitte parfois à alourdir quelque peu les pages, désolé -, de publier des photos qui font rêver. Comme nous ne sommes pas encore équipés pour la vidéo, ce sont les seuls moyens dont nous disposons pour que ceux qui sont intéressés par le monde et les aventures polaires puissent rêver un peu.

Cette semaine sera donc la semaine du rêve. D'une part, nous disposerons sans doute de récits tels que celui que nous publions aujourd'hui (écrit par le photographe de l'expédition) et de l'autre, le suspense du sommet étant passé, cela donnera l'occasion à nos nombreux visiteurs de pouvoir se pencher avec moins de fébrilité et plus de profondeur sur des pensées ou des réflexions que la fragilité de l'environnement polaire inspire. Que ceux qui se sentent inspirés par tant de beauté n'hésitent pas à nous écrire. Nous publierons, ici dans cette page "En direct", les plus belles lignes.
En attendant, voici les impressions du photographe de l'expédition, René Robert, sur l'environnement qui l'entoure (avec sa profession, il est évidemment bien placé pour parler de l'atmosphère générale du lieu et des lumières qui le baignent nuit et jour) :

"Ici André et Alain continuent à faire une première chaque jour. C'est super : moi je me promène, je n'ai pas trop envie de grimper, préférant prendre du plaisir à contempler les alentours et à faire des photos. Tout est beau ici et il faut savoir être patient pour attraper les meilleurs moments ... Il y a des fois où c'est tellement beau... Hier, par exemple, avec André et Alain, nous sommes partis assez loin - environ 4 heures de ski -, par temps couvert. Soudain, le ciel s'est dégagé, laissant apercevoir des nuages envoyés, aurait-on dit, par un autre monde... Plus nous avancions, plus la lumière et les paysages que nous découvrions étaient superbes. J'étais tellement ému par tant de beauté que j'en avais les larmes aux yeux. Lorsque Hubert m'a rejoint, je me suis rendu compte qu'il était dans le même état que moi. Il y a des fois où l'on se demande ou l'on est... Ce que l'on est ...Est-ce que tout cela va s'arrêter un jour ?

De plus, en furetant ci et là, j'ai trouvé des lichens absolument superbes, couleur orange safran sous forme de mousse étalées sur quelques mètres, un autre était comme une pétale gris claire de plusieurs centimètres de largeur. Un troisième ressemblait à une herbe creuse verte poussant sur des petits cailloux noirs. Incroyable; cette vie qui défie les lois du froid... De cet endroit, j'ai fait une série de photo extraordinaires de plaques de lichens. Sept films en tout, jusqu'à la dernière image de la dernière bobine, tellement tout était beau autour de moi. Le 7 janvier 2001 : je me rappellerai longtemps de cette date. Même en écrivant ce billet avec 24 heures de décalage, l'émotion est encore vive. Quelle chance nous avons d'être ici ! De plus, vous pensez bien que, pour un photographe, ces montagnes sont un véritable paradis."

En dehors de ces considérations esthétiques, quelques nouvelles des grimpeurs. Hubert et Georges ne sont plus très bavards ces derniers jours. On les comprend : chaque jour, ils quittent le camp matin tôt - parfois même, Hubert doit courir après son vieux copain Georges qui est parti une dizaine de minutes avant lui - et font le tour du cirque du Fenristunga pour éplucher un à un les sommets vierges. Première après première, ils grimpent, flirtent avec le granit, avalant des centaines de mètres de rocher, découvrent des sommets, regardent l'Antarctique. Bref, ils sont en train de construire une petite tranche de vie qui ne s'effacera jamais de leur mémoire et qui ne leur appartiendra qu'à eux deux... Silence, donc, ils tournent...

Vendredi 5 janvier : L'aventure et l'escalade continuent.
Un repos bien mérité attendait les grimpeurs de The Wall lorsqu'ils sont redescendus du sommet Sud du Holtanna. Trois des membres de l'expédition (Daniel Mercier, Ralf Dujmovits et Jorge Lübbert) ont profité du vol en Twin qui venait effectuer un panoramique au-dessus du Holtanna pour retourner à Blue One. Ronald Ross les a accompagnés pour vérifier sa station météo installée à Blue One il y a un mois mais il va retourner dans les Orvin d'ici quelques jours. Il était de toutes façons convenu que trois hommes quittent l'expédition une fois le sommet principal réussi. Des obligations professionnelles.

Cela dit, les hommes de The Wall ne vont pas chômer. Dès aujourd'hui, ou dès demain, après le repos bien mérité, ils vont s'attaquer à d'autres sommets, moins difficiles certes, de ce cirque le Fenristunga. Voici ce qu'a écrit Hubert au sujet de la suite des opérations.

Mercredi 3 janvier : "Un vrai rasoir, un obélisque surréaliste, ... j'ai failli pleurer..." (Alain Hubert)
Extrait d'un émail envoyé par Alain Hubert au QG mercredi matin
"Nous sommes le 2 janvier. Il parait car je suis complètement déboussolé avec ces changements perpétuels d'horaire des derniers jours... Des journées de grimpe de 11, 12 et 18 heures, pour essayer de forcer ce mur, des demi-jours ou demi-nuits de repos, à cause d'un temps bouché et complètement blanc... Quelle vie ! Mais voilà. Nous sommes parvenus au sommet dans la nuit du 31 au 1 par un temps splendide, un des plus beaux jours. Ce fut comme un véritable cadeau de dame Antarctique pour les inquisiteurs que nous sommes.

J'ai d'abord été très ému des sentiments de mes compagnons. Pour ce dernier jour, j'avais (car cela grinçait un peu dans les rangs des jeunes - je veux dire Ralph et Daniel - qui s'étaient éclatés, il est vrai, dans le bas du pilier, mais qui n'avaient jamais été dans le haut) laissé aller Ralph pour finir de sortir sur les 6m qu'il restait avant d'arriver dans le dièdre final et puis l'immense plateau sommital incliné vers le sud - sud est. Et je m'étais occupé, seul d'abord et avec Daniel ensuite, à monter les dernières charges pour le bivouac - en principe, on devait bivouaquer avant le sommet mais, vu le mauvais temps et le demi jour de repos, on avait décidé de brosser le bivouac pour pouvoir faire le sommet pour le jour de l'an.... Un symbole....
Dure tache assumée une fois de plus par le chef et c'est donc en bon dernier, poussant Fabrizio qui avait un peu de mal dans les surplombs des cordes fixes que je suis arrivé juste sous le sommet où toute l'équipe nous attendait... Alors qu'il eut peut-être été plus normal que je puisse achever la fin des difficultés avec André. Mais voilà ; il faut aplanir les problèmes et veiller au grain, c'est mon rôle dans cette expédition.

Il y a donc eu des moments un peu tendus, vu le caractère différent de chacun, les envies de chacun, le stress de ceux qui partaient plus tôt, le fait aussi que j"avais décidé de proposer et de redéfinir le planning au fur et à mesure de l'évolution des jours et des imprévus sans pour autant toujours tout imposer: un choix que j'ai fait pour laisser les uns et les autres pouvoir s'exprimer plus. C'est en effet comme cela que j'envisage la vie de groupe entre gens avec fortes personnalités
Quelques coups de gueules donc, quelques éclaircissement et explications, quelques ordres aussi et toute cette baraque avança pour finir très bien. Il est un fait que faire un film et des photos alors que certains voulaient rentabiliser leur séjour est parfois un peu contraignant, mais il suffit de se rappeler que cela faisait partie du contrat et de l'ensemble du projet de cette expé avec le projet scolaire et les travaux annexes scientifiques... Et ce, même si il y a ici - dans les Orvin Mountains - pour des dizaines d'années de "Premières" à faire...

Bref, ils m'attendaient tous sous le sommet : super sympa. Quand André m'a serré le premier la pince et pris dans ses bras avec quelques mots simples, j'ai failli pleuré ; c'est un spectacle rare après une escalade très engagée. Les autres nous ont tiré leur chapeau d'avoir pris ces risques (calculés bien sûr) de montagnards pour forcer cette nouvelle route sur un pilier qui est - vous vous en rendez tous compte avec le film - rien d'autre qu'un vrai rasoir, un obélisque surréaliste, une route très élégante. Mais surtout, une toute belle première. Une des plus belles sinon la plus belle avec l'Ulvetanna de tout le Continent, une escalade originale de par la configuration de la roche comme déjà mentionné avant. La première ascension d'un sommet dont aucune des voies n'est facile, le dernier bastion aux portes de l'éternel, vers ce sud qui relève tant de ma petite histoire... Tant d'émotions et de convictions.
Une telle escalade, la première de ce nouveau millénaire, se voulait être un symbole aussi (même si les gens s'en fichent). Un symbole pour moi, pour nous ; c'est une marque de respect particulier pour ce continent, une volonté d'être aux cotés de ceux qui se battent pour essayer de donner à ce continent et aux travaux qui s'y déroulent la place qu'ils méritent, pour rappeler ou apprendre aussi la force du symbole de ce continent de tous.....

Une vue magnifique, surréaliste, une merveille de la terre, un mirage peut-être mais en tout cas, un souvenir qui restera. C'est la première fois qu'il m'est donné de voir cette étendue infinie de glace vers le sud depuis 2650m d'altitude. Cela ouvre l'horizon et le rend encore plus intemporel. J'ai posé, en restant le dernier là-haut, un petit cairn avec une kata que m'avait donne Man Ram l'an passé à mon départ du Népal. Symbole toujours et coutume.
La descente a pris je ne sais plus combien d'heures. René et Fabrizio sont descendus, Daniel s'est chargé d'un peu de matos technique et Ralph de cordes au fur et à mesure. Je fermais la descente avec André en déséquipant un max. Le détail des difficultés suivra, mais nous avons mis 6 spits en progression, laissés les relais en place (sangles, pitons ou spits ), on n'a pas pu récupérer 4 accessoires de protection utilisés en progression. Tout le reste est à présent déjà redescendu à la vire de bivouac où on a monté deux portaledge. Nous irons récupérer cela sous peu en faisant les dernières photos.

André, Ralph, Fab et moi, on était resté dormir là-haut. Le 1 janvier, vers 9h40, j'ai eu un pressentiment et j'ai allumé ma radio pour entendre Ronald qui essayait de me contacter car l'avion allait arriver dans une heure et demi pour le photo flight et récupérer les trois hommes qui nous quittaient....
Retour précipité au camp et, à 1h ce matin, ils étaient partis avec un peu de matos excédentaire et les déchets (sacs poubelles et sacs des toilettes (dans l'igloo) : du poids en moins en tout cas, puisque nous devrons tout ramener à pied à Blue One fin janvier.Hier soir, ou plutôt ce matin, (je suis déboussolé , cela veut dire que je dors comme cela quand je suis un peu fatigué et puis je me lève et vaque à ceci ou à cela.. Comme les gens dans l'été du nord ou dans les bases du sud. C'est une vie qui n'a rien ou peu à voir avec la vie normale.
Une bonne bière (il n'y en a plus beaucoup), le cake que nous avait offert Kaya et Jan à notre départ de Capetown, un spaghetti avec oignons, lards, sauce tomate, champignons séchés et petits poids séchés venant de Thaïlande : le luxe quoi!
Le vent s'est à présent levé : je vais réfléchir à la suite du programme. Ronald est descendu avec les autres à Blue One pour effectuer des réglages à la station météo qu'il a installée là-bas. Il devrait revenir en skidoo dans quelques jours...
Au programme du mois de janvier : excursions sur le plateau pour creuser des puits et affiner la méthode de prise de photos des grains de neige utilisées lors de notre traversée, se rendre dans une zone aperçue depuis le sommet ou il se pourrait bien qu'il y ait des météorites, chercher des cristaux (René en a déjà repéré et ramené des fabuleux exemplaires), des lichens dans le cadre du travail confié par la NASA, quelques balades à voile, etc..." Alain Hubert

Mardi 2 janvier : Hier matin, le sommet (Sud) pour tous...
C'est un coup de téléphone de Kathelijne restée au camp de base qui nous a appris, hier jour de l'an, vers 17 heures, que le team de The Wall était arrivé sans encombre au sommet.
L'assaut final a commencé la veille ; 7 des dix membres de l'expédition étaient embarqués dans cette ultime ascension - les autres Van Heukelom, Bidart et Ross restant, eux, au camp de base.
Le groupe était divisé en trois : Fabrizzio s'est occupé d'aider le photographe et surtout le cameraman qui n'a presque aucune expérience de la montagne. Mercier et Dujmovits ont grimpé à deux tandis que le duo Hubert Georges, lui, était devant.

Puisque le travail d'équipement avait été parfaitement effectué, l'ascension s'est passée sans le moindre incident technique. André Georges, Ralf Dujmovits et René Robert ont été les premiers à fouler le sommet - il était 5 heures du matin (GMT) et le temps était splendide - grand soleil, presque pas de vent.
Quelques dizaines de minutes plus tard, ils étaient suivis de près par le reste du groupe, à l'exception du cameraman Jorge Lübbert, qui a dû, lui, s'arrêter au dernier camp portaledge à environ 300 mètres du sommet (voir dernier niveau de portaledge sur l'infographie de la paroi). Hubert, Georges, Dujmovits et Zangrilli ont décidé de passer la nuit au sommet dans une tente portaledge. "Ils ont encore des "trucs" à faire là en haut", disait Kahtelijne. Tandis que Mercier, Lübbert et Robert sont redescendus et atteint le camp de base vers midi.

Hier soir, le camp de base établissait un contact radio avec la base Blue One qui doit envoyer son Twin Otter pour embarquer le cameraman et le photographe, ceci afin qu'ils effectuent les panoramiques nécessaires au tournage du film et au travail photo; c'est sans doute pour cette raison que les hommes sont restés au sommet. L'avion devait arriver hier dans la nuit et entreprendre aussitôt sa mission.
Après quoi, il va ramener le cameraman Lübbert et les grimpeurs Dujmovits et Mercier à Blue One. Ces hommes ont des obligations professionnelles qui les rappellent dans leurs pays respectifs.
Ce n'est pas le cas du reste de la bande qui, d'après ce que je découvre entre les lignes des e-mails que je reçois, ne va sans doute pas en rester là. Il se pourrait en effet que le pilier Nord continue de titiller l'envie des hommes et que pour ces derniers, l'envie du danger soit la plus forte.

Dans la journée ou la soirée, nous aurons naturellement plus d'informations - et surtout des informations plus précises - à transmettre à nos visiteurs. Nous publierons également un petit mot de Kathelijne qui attendait au camp de base la liaison radio annonçant la victoire. Comme nous devrions recevoir les premières photos des hommes au sommet.

Vendredi 29 décembre : "Souvent avec beaucoup de 'gaz' en dessous de soi..."
"...Ce jour, il fait complètement jour blanc: repos forcé. Bon, nous n'avons pas encore pris beaucoup de repos et en particulier André et Moi qui grimpons dans la partie supérieure de la paroi ; on fait de longues journées... De loin, tout a l'air plus ou moins faisable et pas trop du. Mais quand on est dedans, c'est nettement plus dur que prévu ; les proportions sont trompeuses, complètement trompeuses. Ce qui semble comme une bonne fissure de loin est en fait une saloperie de fissure qui se transforme en cheminée, se met à être surplombante, et nous oblige à aller mettre les "friends" - ces sortes de coinceurs qu'on utilise pour se sécuriser et aussi pour mettre les étriers en escalade artificielle. Et l'on se retrouve tout à fait coincé avec le matériel qui gène partout et, souvent, avec pas mal de vide en dessous de soi (du gaz comme on dit) et un point de protection toujours trop loin. C'est toujours le même truc, d'ailleurs, on croit que cela va être mieux un peu plus loin, alors on essaye de grimper un peu plus et un peu plus encore. Et puis, ce n'est jamais mieux...

Avant hier , j'étais en tête. C'était la fin de journée et je n'avais pas assez de matos sur moi pour pouvoir progresser mais je voulais quand même arriver à une terrasse plus sûre. J'ai donc pensé sortir de la fissure dièdre dans laquelle j'étais engagé et surmonter la dalle qui se trouvait sur ma gauche : terrain foireux, instable et friable en surface, le truc où, presque à chaque pas, tu te fais peur quand ton pied ripe sur le graton au moment ou tu mets ton poids dessus. Je me suis donc finalement retrouvé à un endroit impossible ; j'ai tout de même réussi à mettre un 'trango' (sorte de cylindre extensible qui est supposé se coincer entre deux parois) dans une de ces courbes qui font la particularité de cette escalade et me suis surpris à prier (et quoi !ce sont des choses qui arrivent, non ?) pour que tout tienne pendant que j'allais essayer de redescendre en traction sur la corde...!

Il faut savoir qu'on grimpe en effet "en alterné" comme on dit : c'est-à-dire que chacun fait une longueur en tête. Pour le moment - et cela restera comme cela - André et moi faisons équipe et Daniel et Ralph font équipe ensemble à eux deux.
Les fins techniciens (Daniel et Ralph) se sont donc occupés de la partie basse de la paroi et les deux bêtes (André et votre serviteur) de la partie supérieure du mur. Il y a en une grande vire qui depuis le coté droit de la face, mène à plus ou moins 250m du pied de la paroi. Nous l'avions repérée l'an passé et nous étions même mon,té là-haut pour analyser de plus près la route. Cela nous permet de faire l'escalade plus rapidement - surtout qu'on essaye de filmer et donc on s'est séparé en deux équipes pour cette raison.

Ce qui ne nous a pas empêché de grimper certains jours ensemble pour un portage quand il faisait mauvais. Grâce à cette vire, il ne nous faudra passer plus qu'une nuit maximum dans le portaledge. Une seule sans doute tous ensemble dans les portaledges avant de faire le sommet.

Si le temps le permet et si le white out se lève, André et Alain quittent aujourd'hui le camp de base pour trois jours, les trois derniers jours qu'il faudrait pour vaincre le Holtanna et mener tout le monde à son sommet.

Et ce, malgré le jour
de congé qui a été unanimement décrété
au camp de base
en cette veille de fête.

Nous sommes le 28 et il nous reste toujours 100 -120 m à faire avec André pour sortir des difficultés et de la partie raide et surplombante de la paroi. Il restera alors - et on le voit bien sur les photos -100-150m de terrain incliné pour atteindre le sommet.
Le but est pour André et moi de sortir le mur en une dernière journée de grimpe, mais cela ne va pas être facile car on est actuellement calé sous le deuxième surplomb. C'était hier, André était en tête. Les fissures sont tellement larges par endroit que nous n'avons pas assez de matériel et de très gros coinceurs friends. De plus, ces salauds de friends, ils se coincent bien quand on tire dessus, juste régulièrement. Mais, après quelques mètres et une traction légèrement de corde différente de celle que l'on exerçait avant, voilà qu'ils se mettent de travers, ces friends, et lâchent... Bon pour le moral, non ?
André a donc réussi à forer à la main un trou de 10 mm pour mettre un spit (une cheville à expansion) et redescendre pour récupérer du matos. Daniel et Ralph en ont fini avec la partie inférieure hier. Nous allons pouvoir enfin récupérer un peu de leur gros équipements de friends - ce qui devrait nous faciliter la tâche pour les 150 derniers mètres.
Autant dire : on va essayer de forcer cette dernière partie. Encore une dizaine de mètres à faire et on sortira le deuxième surplomb. Après, cela a l'air de ne plus être surplombant, mais on ne sait pas voir cela d'où on est pour le moment... Wait and see, donc. C'est d'ailleurs la seule chose à faire dans ces cas-là.

Il faut pas mal de philosophie et de calme dans ce genre de grimpe et pour cela, André et moi on se comprend parfaitement. C'est un véritable plaisir d'ailleurs que de grimper avec lui, cela faisait un bail que nous ne nous étions plus rencontré dans de telles situations de haute technicité dans l'escalade. J'ai vraiment beaucoup de plaisir là-haut:..., Quand je suis là-haut et en particulier quand au beau milieu de la nuit il n'y a plus que soi et l'infini de ce plateau Antarctique qui s'étend au soleil sous nos yeux de petit humain privilégié. Je n'avais encore jamais vu l'Antarctique de haut comme cela... C'est fabuleux, je n'ai pas de mot pour exprimer ce que je ressens. Ce sont en tout cas de ces moments qui s'inscrivent dans les profondeurs de soi-même et qui ne me font regretter en rien les moments difficiles d'un tel projet. Même si j'ai toujours une petite angoisse par rapport à l'abrasion du rocher qui abîme trop les cordes. Il s'agit de les vérifier à chaque usage !
De plus, cette escalade commence à être bien engagée et nous allons encore devoir nous battre un peu pour réussir ce premier sommet - sans doute le plus important visuel de cette expédi

Jeudi 28 décembre, 11am : Ce serait pour demain
Un e-mail arrivé cette nuit nous en dit d'avantage sur le suivi de l'aventure. Depuis Noël, les hommes sont occupés à équiper le pilier Sud. Hier, Alain Hubert et André Georges ont atteint sans encombre (mais par grand froid quand même) le niveau " sommet moins 200 mètres". Ils en ont profité pour placer quelques unes des dernières cordes qui doivent emmener les grimpeurs au sommet.

Comme le travail a bien avancé et que la tâche est moins difficile que prévu - et surtout moins dangereuse car la roche est effectivement beaucoup plus stable de ce côté de la montagne - , il semble que l'assaut final soit prévu dans la nuit de vendredi à samedi. Si les conditions météos le permettent, naturellement.

Nous avons oublié de publier une information concernant le repas du

réveillon de Noël : crêpes à la viande et au poisson, préparées par Hubert en personne ! Bière et whisky étaient également au menu.

Mille kilomètres plus au sud, mais sans doute à peu près en même temps, les deux aventurières Liv Arnesen et Ann Bancroft (qui avancent drôlement bien dans leur traversée, dînaient, elles, d'un excellent spaghetti Bolognaise, arrosé de quelques canettes d'aquavit.

 


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Visitez ici les pages originales de l'expédition The Wall in Antarctica publiées durant la saison de l'été austral 2000/2001 avec de multiples informations sur la mission scientifique de l'aventure et sur son volet pédagogique