THE WALL IN ANTARCTICA
Alain Hubert et une équipe de grimpeurs

Mardi 23 janvier : Mission accomplie...
Voilà trois jours que ceux qui ont été travailler sur le plateau polaire (Alain Hubert, André Georges, René Robert et Fabrizio Zangrilli) sont de retour au camp de base, nous informe Kathelijne.
La mission a duré 4 jours - du 16 au 20 janvier. Ils ont skié environ 25 km en direction du sud, le temps n'était pas trop mauvais mais il faisait plus froid qu'au camp de base - ils ont dû affronter du -30° - 35°C. Tout au long de cette excursion en territoire inconnu, les hommes ont rencontré de nombreuses crevasses, des crevasses impressionnantes qui pouvaient atteindre plus de 50 mètres de profondeur "et l'on pouvait mettre le camp de base trois fois dedans" précise Kathelijne d'après ce que lui a raconté le groupe (nous devrions d'ailleurs recevoir des photos de ces gigantesques crevasses dans les prochains jours).

Ils ont naturellement aussi effectué du travail scientifique en creusant des puits (deux trous de 2m de profondeur sur 1,5m de côté) pour récolter des échantillons de glace et en mettant au point la méthode de prise de vues que Hubert avait inventée lors de sa transantarctique de 1997-98. Au dire de tous, cette balade fut extrêmement riche en enseignements.

Une fois de retour au camp de base (samedi dernier), il restait à aller planter une station météo au sommet d'un des nunataks environnants : Ronald, André et Alain se sont occupés de ce travail. L'escalade ne fut pas trop difficile et, après avoir creusé quelques trous au sommet du pic (sans nom) pour que les appareillages puissent tenir le coup pendant un an (puisque quelqu'un va venir relever cette station l'an prochain), la station fut installée, à la grande joie de Ronald (voir photos ci-contre). Normalement, il avait été prévu que Ronald et Alain restent là-haut une nuit entière afin de vérifier si tout fonctionnait convenablement. Mais sur le chemin du retour, les hommes se sont rendus compte que la tente avait été oubliée et que André, parti plus tôt que les deux autres pour revenir au camp de base, avait par mégarde mis dans son sac la nourriture nécessaire au petit séjour sur le pic. Pas de nuit au sommet donc... Nous reviendrons plus en détail demain ou jeudi sur le rôle de cette station météo.

Maintenant que l'expédition est en train de se terminer, Kathelijne nous annonce que, dans un avenir relativement proche - demain, jeudi ou vendredi au plus tard -, Alain Hubert, René Robert et Ronald Ross vont quitter définitivement le camp de base pour rejoindre Blue One et tenter de relier à temps la station sud-africaine de Sanae d'où ils doivent encore rejoindre la base allemande de Neumayer. De là, ils embraqueront sur le brise-glaces allemand Polarstern qui, en quelques jours, les ramènera à Punta Arenas.

Pendant ce temps, Kathelijne, Fabrizio, André et Alain Bidart fermeront le camp de base vers la fin janvier pour rejoindre Blue One et attendre l'Iliouchine qui doit les ramener à Cape Town.

Vendredi 19 janvier : Le point de vue féminin...
Comme une grande partie de la bande (A. Hubert, F. Zangrilli, R. Robert et A. Georges) est partie sur le plateau polaire jusqu'à dimanche ou lundi, sans matériel de communication directe - mission au cours de laquelle ils vont non seulement effectuer des prélèvements d'échantillons de glace mais aussi mettre au point la méthode de photographie des cristaux de glace que Hubert avait inventée depuis sa traversée avec Dansercoer -, nous avons demandé à Kathelijne Van Heukelom, qui est restée au camp de base avec Ronald Ross, de nous livrer son impression générale sur le déroulement de cette expédition ainsi que son point de vue de femme. Voici les quelques lignes qu'elles nous a envoyées hier jeudi 18 janvier.

"Mon point de vue sur cette expédition, " The wall, " a différentes dimensions. Toutes avec leur propre histoire et expériences spécifiques.
Premièrement il y a l'histoire de l'escalade du Holtanna. Une escalade difficile et épuisante avec de nombreuses difficultés. Je ne connais pas bien le monde des grimpeurs, je n'en fait pas partie, mais il m'a toujours attiré. C'était donc une grande expérience pour moi d'être témoin de l'habilité, de la passion et de la motivation des grimpeurs. Le plus beau moment est l'arrivée au sommet, j'ai ressenti son intensité jusqu'au camp de base.
La deuxième dimension est celle de vivre dans un environnement extrême et isolé. L'antarctique, ses paysages et son climat sont si différents de notre monde habituel. Les formes de vie que l'on y trouve, comme les pétrels, les lichens, sont uniques. Cette même nature, plus particulièrement les paysages infinis ou la chaîne de montagnes - de Fenristunga - laisse des traces chez les hommes. Elle les changent, intérieurement et extérieurement. Après une isolation dans des conditions si extrêmes, le camp de Blue One est maintenant pour nous presque le monde civil.
Enfin, dans une expédition il y a l'aspect humain et la vie dans une petite communauté. Dans cette expédition je suis la seule femme au milieu de 9 hommes. La seule chose que je peux dire est que, dans cet environnement, les différences entre femmes et hommes disparaissent. Tout le monde a son propre travail dans cette expédition : les grimpeurs, ceux qui s'occupent de la partie scientifique ou bien ceux qui ont en charge la communication. Les activités communes sont faites par chacun à tour de rôle : préparer le repas, faire de l'eau....
De plus, toutes les personnes ont besoin parfois de s'isoler un peu du groupe, que l'on soit un homme ou une femme c'est la même chose. Nous sommes tous ici avec un intérêt commun : la vie d'aventure et surtout l'amour pour un continent blanc qui s'appelle l'Antarctique".

Mercredi 17 janvier : Des photos qui parlent
Merci à Kathelijne et à Ross qui ont travaillé de concert pour nous envoyer ces illustrations qui nous font entrer encore d'avantage dans le milieu même de l'expédition.
Il faut télécharger le plug-in Flash pour pouvoir visualiser la photo; une fois l'opération faite, passez simplement la souris sur les altitudes et vous découvrirez quelques informations supplémentaires sur les conditions et les dates de grimpe de Alain Hubert et André Georges. Mêmes opérations pour la grande photo du bas.

Quelques infos de l'expédition en elle-même : ce jour, mercredi 17 janvier, Alain, Fabrizio, André et René partent en raid sur le plateau polaire pour quelques jours.
Normalement, ils devraient être de retour dimanche. "Mais sait-on jamais avec ces gugus ?" écrit Kathelijne qui va rester seule au camp de base avec Ronald. L'occasion pour nous de parler un peu plus d'escalade et de donner le mot à Ronald pour qu'il nous parle des collectes de lichens dont a été chargée l'expédition.

Lundi 15 janvier : Au-dessus du vide, un sommet après l'autre ...
Jeudi soir, Alain, Fabrizio et René sont retournés dans les entrailles du pilier Sud du Holtanna pour faire une séance de photos. Des clichés impressionnants qui nous montrent, sans doute mieux que toute littérature ou carnet de route, les difficultés par où ont dû passer les grimpeurs pour vaincre ce rocher.

Cela dit, voici quelques nouvelles plus générales de l'expédition. Même en utilisant toutes les photos du Fenristunga que nous avons à notre disposition, il est difficile de se rendre compte d'ici de l'ensemble des pics qui composent ce cirque. Kathelijne nous donne cependant quelques détails concernant les escalades presque quotidiennes qu'entreprennent Alain et André ; d'après ce que nous avons pu comprendre, ils vont épingler à leur trophée tous les sommets du cirque et, jusqu'à présent, ils doivent en avoir vaincus déjà une dizaine qui composent le côté ouest. Parmi eux, le plus difficile a été l'ascension du Midgard (2.365m), - Ross va nous envoyer, dixit Kathelijne, quelques photos sous peu mais pour l'instant, il est occupé avec ses stations météos). Niveau de difficulté très élevé ( TD+A2 et artificiel 2) en tout cas, 4 heures d'ascension le premier jour, et 14 heures le lendemain pour venir à bout de ce rocher. Pour franchir les 4 derniers mètres, Hubert et Georges ont mis pas moins de 40 minutes ! Le tout avec des températures de -30°C. Car, si le premier jour, le soleil était de la partie, les 24 heures suivantes, les deux alpinistes étaient dans un white out presque complet. Lorsqu'ils ont atteint le sommet, le 9 janvier à 8.45 pm, la visibilité était nulle ! Pas de chance...

Un autre sommet vaincu par les deux hommes n'a pas de nom. D'une hauteur de 2.360 m au-dessus du fond rocheux (pas au-dessus de la glace), deux heures de grimpe (arête Est), piètre qualité de roche, difficulté D+. Le même jour, le 5 janvier, Hubert et Georges ont eu le temps de faire un autre sommet, qui restera sans nom lui aussi puisque Hubert se refuse à donner des noms aux pics qu'ils réussissent : 2.370 m, rocher pourri, deux heures d'ascension, niveau de difficulté : D+. Bref, ils ont escaladé 10 sommets jusqu'ici. Dans à peu près les mêmes conditions. Inutile de détailler d'avantage les escalades sans photos. Ce que Kathelijne écrit toutefois c'est que les deux hommes ont pris un plaisir fou à réaliser toutes ces ascensions et qu'elles resteront parmi les plus belles de toute leur carrière de grimpeur. Et pour André Georges, qui est en train actuellement de tenter l'intégralité des sommet de plus de 8000 mètres existant dans le monde, cela signifie vraiment quelque chose...

Dans quelques jours, l'équipe s'en ira pour quelque temps sur le plateau polaire pour faire des expériences scientifiques et peaufiner la méthode de photographie des cristaux de glace que Hubert avait inventée lors de sa traversée avec Dixie Dansercoer en 1997-98 et qui, depuis lors, a été largement répandue dans le monde des scientifiques spécialisés dans les recherches polaires.

Vendredi 12 janvier : Ronald nous fait parvenir quelques précisions intéressantes ...
Grâce à un courrier de Ronald Ross, nous pouvons enfin nous faire une idée beaucoup plus précise de ce qui s'est effectivement passé suite à la victoire du team sur la paroi Sud du Holtanna. Voici, dans son intégralité, cet intéressant récit.
Hi Folks
Il a un peu de temps que je n'ai plus écrit et pourtant, pas mal de choses se sont passés depuis lors. Comme la plupart d'entre vous le savent déjà sans doute, le sommet Sud du Holtanna a été atteint par les hommes le matin du 1er janvier. A ce même moment, je souffrais d'un léger empoisonnement dû à je ne sais quelle nourriture ingurgitée. Et je n'ai pu ainsi participer à 100% aux festivités de la veille de l'an, ce qui ne m'a pas empêché pourtant de rester debout et éveillé jusqu'à ce que les hommes aient atteint le sommet aux petites heures.
Avant cela, il avait été convenu avec Blue One et Mike Sharp que le Twin Otter viendrait au camp de base aux environs du 1er janvier pour, d'une part, effectuer un vol panoramique autour du cirque du Fenristunga et, de l'autre, reprendre les trois hommes qui devaient rentrer à la maison. J'étais en charge de garder le contact par VHF avec les grimpeurs qui étaient dans la paroi.
La plupart des grimpeurs sont restés au sommet après avoir réussi l'ascension. Durant toute la journée du 1er janvier, j'ai tenté de joindre Alain dans le but de l'informer que le vol photo pourrait bien avoir lieu le soir même. Mais plus important : nous devions avertir Ralf et Daniel que l'avion pourrait arriver bien vite et qu'ils devraient embarquer aussitôt après que le vol panoramique ait eut lieu.

Ce soir là, le soir du 1er janvier donc, chaque heure, j'avais contact radio avec Blue One en espérant retarder le départ de l'avion jusqu'à ce que j'ai pu au moins joindre les grimpeurs. Le temps était au plus beau, mais au fur et à mesure que la soirée avançait, de menaçants nuages arrivaient du plateau polaire ; dans quelques heures, ils nous auraient rejoints.
A 9pm, toujours pas de contact radio avec les alpinistes. C'est alors que j'ai décidé qu'il ne fallait plus attendre pour donner le feu vert au Twin Otter ; en envoyant l'avion autour du Holtanna avant d'atterrir au camp de base, je me disais que le bruit des moteurs alerteraient bien les hommes et que ces derniers réagiraient en conséquence.

Enfin, après un dernier essais, j'ai pu joindre Alain, il était dix heures du soir ; quel ne fut pas son étonnement d'apprendre que le Twin serait là dans deux heures. Ralf dormait dans un trou de roche juste au dessus de lui. Il fut naturellement vite averti par Hubert ; à lui de redescendre la paroi le plus rapidement possible.
Exactement de la même manière que je ne me suis pas tenu au plan initial qui était de tenter réveiller les hommes par le bruit des moteurs, ceux-ci n'auraient jamais pu l'entendre à cause u vent qui s'était levé...
Le vol photo se déroula le mieux du monde. Et nous avons eu la chance de bavarder un peu alors que le Twin venait se parquer juste à côté du camp de base. Il était à ce moment 1.30 du matin (le 2 janvier). Une heure plus tard, accompagné de trois membres de l'expédition, je m'envolais vers Blue One. La premier chose que nous avons remarqué lorsque nous avons atterri, c'est la différence de température notoire entre celle des Orvin et celle de Blue One. Il y avait environ -9°C à 3am alors qu'à cette heure-là, au Holtanna, il y avait généralement -17°C !
Bien entendu le camp Blue One s'était agrandi de plusieurs tentes - 4 grandes et 8 petites. Tout cela avait été préparé dans le but d'accueillir des officiels en provenance de 7 pays, venant dans l'Antarctique pour inspecter les bases scientifiques des alentours et vérifier si elles respectent les clauses du célèbre Antarctic Treaty. Ces inspecteurs allaient devoir se rendre dans les bases suivantes ; Syowa (Japon), Novolazarevskaia (Russie), Maitri (Inde), Sanae (Afrique du Sud, voir la photo ci-dessous), Troll (Norvège) et Neumayer (Allemagne); tous ces transports seraient assurés par le Twin, le DC3 et un hélicoptère.

Plus tard dans la matinée, le DC3 arriva à BLue One en provenance du pôle Sud. Il venait de terminer une mission pour la NSF (National Science Foundation) en emmenant des scientifiques de McMurdo vers des bases avoisinantes.
Pendant ce temps, mon léger empoisonnement n'était toujours pas guéri. Ce qui ma tenu allongé dans la tente quelque temps. Mon premier but en me rendant à Blue One était de mettre à jour le software sur la station météo (Wx Station) et de réceptionner des colis pour l'expédition en provenance des États-Unis et de Belgique. Il y avait bien entendu une certaine tension au camp avant l'arrivée de l'Ilioushine 76 et des visiteurs importants. A ce moment , nous avons appris qu'une expédition espagnole faisait partie du voyage. Comme d'habitude, le temps a retardé l'Ilioushine ; Mike a envoyé un hélicoptère basé à Blue One pour vérifier la hauteur ainsi que l'épaisseur des nuages. Le retard pourtant n'a pas été de plus de 24 heures. Et le 6 janvier, le transporteur russe atterrissait sous nos yeux avec 40 personnes à bord ; il allait stationner jusqu'à ce que les officiels aient terminé leur tour des bases. Les colis destinés à l'expédition sont bien arrivés excepté un paquet qui m'était destiné et qui est sans doute resté bloqué en douane à Capetown.
Je devais maintenant veiller à ce que les colis arrivent bien au camp de base de l'expédition. J'avais l'idée de rejoindre le Holtanna en skidoo (un voyage de 6 à 7 heures), une fois que l'excitation due à l'arrivée de l'Ilioushine fut retombée. Mais le lundi 8 janvier, je me vis offrir l'opportunité de pouvoir embarquer à bord du DC3 qu'avait charterisé l'expédition espagnole. Ce devait être un vol de reconnaissance vers une montagne appelée Rakekniven ou The Razor. Le DC3 revint de Neumayer tôt dans la soirée de dimanche. Comme les conditions de lumière étaient idéales, les Espagnols ont décidé de faire le vol de reconnaissance immédiatement ; c'est ainsi que nous avons survolé ces montagnes. Comme le chef d'expédition ne fut pas convaincu de l'importance du challenge que représentait ces montagnes, nous nous sommes alors dirigés directement vers le Fenristunga ; je pensais que le pilote allait juste me déposer et continuer son vol de reconnaissance avec les Espagnols. Mais surprise : ces derniers ont décidé de s'installer au pied du Holtanna également. Ce qui, vous le comprenez aisément, a provoqué quelques mécontentements dans les rangs des membres de THE WALL.

En attendant, au Holtanna, la grimpe continue. Hier soir (mercredi 10 janvier) Alain et André ont vaincu la montagne appelée Midgard aux environs de minuit alors que le temps était mauvais. Aujourd'hui, nous sommes bloqués sous nos tentes. Une forte neige est tombée toute la journée ramenant la visibilité à moins de 30 mètres.

Ronald Ross


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Visitez ici les pages originales de l'expédition The Wall in Antarctica publiées durant la saison de l'été austral 2000/2001 avec de multiples informations sur la mission scientifique de l'aventure et sur son volet pédagogique